L’avant première mondiale du film algérien « Rajoulane, massir » (Deux hommes, un destin) a eu lieu au 12e Festival international d’Oran du film arabe.
La projection, qui s’est faite à la salle Maghreb, a rassemblé beaucoup d’artistes et un public nombreux, venus découvrir un long métrage réalisé par le franco-turc Mustafa Ozgun, d’après un scénario de Samir Benyala. La voiture de Farid (Zakaria Karaouet) tombe en panne sur un chemin tortueux de montagne. Le jeune conducteur va chercher de l’aide et s’engouffre dans la forêt. Après des heures de marche, il fait la rencontre d’Ahmed (Ahmed Rezzak), un homme mystérieux, peu bavard, vivant dans une cabane avec un chien noir qui ne cesse d’aboyer et des brebis.
Farid demande de l’aide à Ahmed qui semble ignorer sa requête. Il est intrigué par l’aboiement incessant du chien quand il voit Ahmed arriver. Farid commence à scruter les gestes d’Ahmed. Le mystère s’épaissit. Mais qui est donc cet homme solitaire avec un visage aux traits durs qui terrifient Farid, l’homme venu de la ville?
Entre les deux hommes s’engage une discussion vive qui se transforme en conflit vif. Farid est étonné qu’Ahmed passe la nuit avec les brebis et les hurlements nocturnes des loups lui font peur. A ses nombreuses interrogations, Farid reçoit une seule réponse d’Ahmed : « il y a eu une erreur ». « Mais quelle erreur ? », se demande le jeune citadin. « Si tu veux que je te réponde, tu dois m’aider à faire des travaux « , réplique Ahmed.
Un drame psychologique
Le conflit évolue en combat pour la survie et Ahmed laisse entendre qu’il n’est pas possible de sortir des bois. « Nous sommes prisonniers », dit-il. Mais de qui ? Du diable ? Des forces occultes ? Ahmed allume les bougies dans toute la cabine, la nuit tombée. La présence des brebis, d’un chien noir, de la pleine lune et des hurlements de loups rappellent certains films du genre. Ils suggèrent qu’Ahmed était possédé peut être par une force maléfique ou que lui-même s’est mis dans les habits d’un autre homme. Dans les anciens mythes, le chien noir symbolisait la mort et les brebis, dans les croyances chrétiennes, étaient destinées au sacrifice.
Le film, qui commence par un long silence alimenté par une musique insistante et les bruissements des bois, se développe en un drame psychologique avec un affrontement entre deux personnages, l’un venant du présent, l’autre du passé. Et l’un jouant sur les nerfs de l’autre. Ahmed court vers la mort, Farid vers la vie. Vont-ils se croiser ? Et vers quel destin ?
Le jeu des deux acteurs s’est bien adapté à la complexité de l’histoire surtout dans un huis clos ouvert. Les débuts de Zakaria Karaouet au grand écran paraissent prometteurs même s’il y a encore du travail à faire. Ce jeune comédien a joué dans la série télévisée Achour El Acher de Djaffar Gacem. Ahmed Rezzak, qui est également metteur en scène et scénographe au théâtre, a bien campé l’homme intriguant au passé lourd. « Deux hommes, un destin » est est film d’atmosphère, avec peu de dialogues, et une musique angoissante.
« La loi de la jungle »
Filmé à Hammam Melouane et Zemmouri, le long métrage de Mustafa Ozgun garde une bonne place pour la nature verdoyante où évoluent les deux personnages. Il laisse parfois sa caméra se balader dans la forêt. Fatima Ouazene, productrice, a rejeté lors du débat après la projection du film, l’idée que le long métrage soit lié à une certaine politique suivie en Algérie à la fin des années du terrorisme en Algérie. « C’est l’histoire d’un homme qui a refusé de commettre des crimes. Ce n’est pas lié à la réconciliation nationale », a-t-elle dit.
Le film est gorgé d’autres symboles. Par exemple, sur le mur de la cabane est accroché un calendrier à la date de décembre 1999. A l’époque, le passage à l’an 2000 était accompagné d’une grosse panique sur le bug informatique. Un bug qui n’a jamais eu lieu. Farid trouve aussi dans la cabane un livre, « La loi de la jungle ». Au spectateur de faire des liens avec le propos du film. Et probablement avec un passé récent de l’Algérie.