2èmes Journées du théâtre méditerranéen d’Oran: « Taha » ou l’histoire d’un poète palestinien dont le monde « ne voulait pas »

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2èmes Journées du théâtre méditerranéen d'Oran: "Taha" ou l'histoire d'un poète palestinien dont le monde "ne voulait pas"
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La deuxième soirée des deuxièmes Journées du théâtre méditerranéen d’Oran a été marquée par la présentation du monodrame « Taha, le monde ne voulait pas de moi » au Théâtre régional Abdelkader Alloula (TRO).


Un seul en scène interprété par le comédien français Sylvain Machac d’après le texte du palestinien Amer Hlehel (écrit en 2014). C’est l’histoire du poète palestinien Taha Muhammad Ali طه محمد علي (1931-2011), ami des deux autres géants de la poésie arabe, Mahmoud Darwich et Samih Al Qassim.


Amer Hlehel s’est appuyé sur la biographie de l’américaine Adina Hoffman,  « My Happiness Bears No Relation to Happiness : A Poet’s Life in the Palestinian Century » (« Mon bonheur est sans rapport avec le bonheur : la vie d’un poète au siècle de la Palestine »). L’écrivaine s’est inspirée d’un poème de Taha Muhammad Ali.  


Avec une interprétation soutenue et une tonalité de voix régulière, le comédien, habillé en costume d’hiver, raconte le drame de ce poète, né dans le village de Saffuriyya ( صفورية) non loin de Nazareth ( النَّاصِرَة). Un village détruit par l’armée israélienne en juillet 1948 lors de la Nakba. Taha vient au monde après la mort de ses frères dès leur naissance au sein d’une famille pauvre.


« Ce que je peux te dire sera toujours plus petit que tes rêves »

Il ne termine pas ses études et migre avec ses parents vers le sud Liban avant de revenir en terres palestiniennes après la mort de sa sœur. Il s’installe avec sa famille au quartier Safafira à Nazareth et gagne sa vie dans le commerce, ouvre une boutique de souvenirs touristiques.
« Un musulman qui vend des souvenirs chrétiens aux juifs », lance le comédien sur scène. Le jeune Taha, féru de poésie et de musique, est amoureux de sa cousine Amira qu’il n’épousera jamais. Le rapport avec le père est parfois compliqué. « Ce que je peux te dire sera toujours plus petit que tes rêves », dit le père sur le lit de mort.


Grâce à des intermèdes musicaux souvent mélancoliques à saveur orientale composés par Ramzi Aburedwan,  Sylvain Machac passe comme un conteur toutes les étapes de la vie du poète autodidacte qui ne publiera son premier recueil de poésie qu’après avoir dépassé l’âge de 40 ans. Connu pour être un grand lecteur, Taha Muhammad Ali, qui était également nouvelliste et conteur,  a été, pour un temps, un militant communiste. Il est célèbre par au moins deux recueils de poèmes publiés à Nazareth et à Haifa entre 1982 et 1989 : القصيدة الرابعة وعشر قصائد أخرى (le quatrième poème et dix autres poèmes) et ضحك على ذقون القتلة (Riez aux mentons des tueurs).


Sylvain Machac a pris sur ses épaules toute la charge d’un texte dense évoluant sur une scène presque nue muni d’un cartable porté comme « un pays ».


« Le texte est si fort que je n’avais pas eu besoin de décors »

« J’ai fait en sorte que le texte soit plus actif. La situation change. On avance dans la vie du poète sans s’arrêter. Le texte est si fort que je n’avais pas eu besoin de décors. La meilleure solution était de prendre juste une chaise et de faire un  travail sur la lumière. Parce que c’est précis. J’ai mis les habits d’hiver parce que Taha lui-même s’habillait toujours chaudement malgré les chaleurs de Palestine. La fatigue du personnage au fur et à mesure de son récit rencontre la fatigue de l’acteur », déclare Sylvain Machac.


« J’ai vu le spectacle pour la première fois au Théâtre national palestinien à Jérusalem joué en anglais par Amer Hlehel . Cela m’avait bouleversé. J’ai passé deux ans à traduire le texte, préparer le spectacle, monter l’équipe, trouver des financements, les théâtres. J’ai appris la langue arabe avec une professeur et journaliste palestinienne, Dima Khatib, pendant trois mois pour déclamer quelques poèmes. C’était un travail sur l’articulation et la phonétique. Je trouve la langue arabe de plus en plus belle. Je prends le temps pour mes créations. Je ne veux pas céder à la pression du résultat rapide. Aujourd’hui à Oran, c’était la 25ème représentation. Donc, je suis ravi », ajoute le comédien français.


Sylvain Machac a financé lui-même son spectacle « avec des gens qui m’ont fait confiance ». « Si je devais chercher de l’argent, je ne mettrais pas la Palestine en avant. On ne va pas chercher de l’argent sur des sujets politiques quels qu’ils soient. C’est l’intention dramatique qui est intéressante. Il n’est pas difficile d’accéder aux scènes en France pour des sujets qui concernent la Palestine. Il ne faut pas tout diaboliser non plus. En France, la culture est assez ouverte, pas partout évidemment. Ce qu’il faut c’est de choisir ses réseaux de distribution et de diffusion, d’avoir des gens qui aiment le spectacle et qui ne s’arrêtent pas aux préjugés », souligne-t-il.


Le spectacle « Taha, le monde ne voulait pas de moi » peut, selon lui, être interprété différemment par le public. « il y a des gens très touchés par le rapport entre le père et le fils. Les jeunes sont intéressés par l’histoire d’amour entre le poète et Amira. Amira est la muse du poète. Et d’autres sont touchés par l’histoire de la Palestine. Il y a aussi de la comédie, parfois on sourit. Il existe plusieurs facettes dans ce spectacle », dit-il.

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