Abdelwahab Ziani est président de la Confédération algérienne des industriels et producteurs algériens (CIPA).
Quel constat faites-vous après huit mois de perturbation de l’activité économique en Algérie en raison de la pandémie de Covid-19 ?
Covid-19 est une pandémie mondiale. Je félicite tous les chefs d’entreprises algériens qui ont pris part à cette guerre invisible contre le virus. Les secteurs de la pharmacie, de la parapharmacie, de l’agroalimentaire et des cosmétiques ont assuré quotidiennement la disponibilité de tous les produits. Les entreprises algériennes ont couvert les besoins du marché national. Elles ont conquis leur pays alors qu’elles étaient réduites en minorité par le passé en raison des importations.
Aujourd’hui, elles sont même en surproduction sur certains produits. Cela nous a donné une leçon. La fermeture du pays a montré qu’il existe une force à l’intérieur. La force, c’est l’entreprise installée en Algérie quelques soient les perturbations ou les lois qui ne sont pas économiquement adaptées pouvant la freiner. Les chefs d’entreprises ont essayé de maintenir les emplois. Salarié et patron étaient complices face à une situation particulière. Nous avons pu remonter la production nationale.
Vous avez appelé à protéger la production nationale…
L’industriel algérien est en train de reconquérir son marché. Il n’y a que 30 % de matière première importée de l’étranger, tout le reste existe en Algérie. Il y a de tout pour peu qu’on nous laisse travailler, qu’on nous dise : « cherchez la solution, dinar-dinar, pas de devise ». J’appelle le citoyen à consommer algérien. Consommer algérien, c’est contribuer à sauvegarder des postes d’emploi.
Certains disent que nos produits sont de moindre qualité par rapport aux produits importés, c’est faux. Les produits algériens sont bons, peuvent être facilement exportés. D’autres prétendent que le travailleur algérien est paresseux par rapport au chinois dans les chantiers du bâtiment. Payez l’algérien comme le chinois et vous verrez son rendement !
Il faut des mesures de protection de la production nationale. Je parle de mesures tarifaires non douanières. Les producteurs algériens peinent parfois à exporter vers des pays comme la France ou la Tunisie en raison des barrières tarifaires et non tarifaires dressées par ces pays. Quand je dit que les secteurs pharmaceutique, pharmaceutique, agroalimentaire et cosmétiques ont bien fonctionné, cela veut dire que les sous-traitants ont bien travaillé. Il n’y a qu’à citer l’exemple du carton, du bouchon ou du plastique. Donc, une filière fait travailler d’autres filières.
Quelles sont justement les filières qui ont été les plus touchées par la crise ?
La filière du BTP a été frappée de plein fouet. Il y a eu beaucoup de pertes d’emplois, presque 70 %. C’est dommage. Il y a un plan de relance économique qui est en train de se dessiner. Je plaide pour la préférence nationale pour reconstruire l’économie nationale. Le secteur agricole a couvert tous les besoins du pays. Les agriculteurs doivent donc être soutenus. Il faut adapter des mécanismes pour apaiser des douleurs des entreprises
Par exemple ?
Des mécanismes de soutien. Aujourd’hui, l’État a décidé de nous appuyer en raison de la crise, et bien, la bureaucratie est venue s’installer au milieu. C’est pire. Il faut éliminer le virus qui s’est infiltré dans l’esprit algérien. La bureaucratie est entrain de retarder l’élan des entreprises algériennes. Il faut aller vers la simplification des autorisations. Le système bureaucrate pèse lourdement sur l’entreprise.
Comment se débarrasser de la bureaucratie ?
Vous avez un exemple : la Constitution. Dans le projet de révision constitutionnelle, il y a une nouvelle disposition, réclamée par le patronat, celle de limiter les délais de réponse de la part de l’administration. Il existe des demandes d’autorisation d’exploitation qui remontent à 2010 qui n’ont jamais eu de réponses. Dans le projet de révision constitutionnelle, il y a aussi du nouveau comme par exemple la liberté d’investir et la dépénalisation de l’acte de gestion.
Nous sommes satisfaits. A partir de là, on peut construire le pays. En tant que citoyen algérien, il est de mon devoir d’aller voter lors du référendum (du premier novembre 2020). J’appelle d’ailleurs tous les algériens d’aller voter qu’ils soient pour ou contre le projet. Moi, je vote oui.
Vous avez critiqué le fait que le patronat ne soit pas consulté avant l’élaboration de la loi de finance….
Nous plaidons pour la concertation en temps de crise ou pas. Quand on se concerte, on évite les erreurs et le changement des lois après six mois d’application. Actuellement, certains ministères évitent la concertation. Il faut installer un pont de confiance. Les institutions nationales doivent accompagner l’entreprise algérienne. C’est nécessaire.