Le monde musulman est en colère. Les récentes déclarations du président français Emmanuel Macron sur l’islam ne passent pas. L’appel pour boycotter les produits français est largement suivi dans les pays arabes et musulmans. La diplomatie française fait face à une crise majeure.
Mercredi 21 octobre 2020, le président français prononce un discours à la Sorbonne en hommage à l’enseignant d’histoire Samuel Paty, assassiné par un extrémiste tchétchène le 16 Octobre dans les Yvelines, à l’ouest de Paris, après avoir montré à ses élèves des caricatures du Prophète Mohamed, publiées par Charlie Hebdo, dans un cour sur la liberté d’expression. « Nous défendrons la liberté qu’il vous enseignait si bien et nous porterons haut la laïcité. Nous ne renoncerons pas aux caricatures, aux dessins, même si d’autres reculent(…) nous continuerons ce combat pour la liberté et pour la raison », a-t-il déclaré. Quelques jours auparavant, Macron avait parlé d’un islam en crise « partout dans le monde » dans un discours sur le « séparatisme ».
Les réactions ne se sont pas faites attendre. D’abord, au niveau officiel. Imran Khan, Premier ministre du Pakistan, accuse le chef de l’État français de vouloir créer davantage de « polarisation et de marginalisation » qui « produiront de l’extrémisme en encourageant la publication de caricatures ciblant l’islam et notre Prophète ». « En s’attaquant à l’islam qu’il ne comprend pas visiblement, Macron a porté atteinte et fait mal aux sentiments de millions de musulmans en Europe et dans le monde », écrit-il dans un tweet. Citant Nelson Mandela, Imran Khan ajoute que le rôle d’un dirigeant est de rassembler les humains, pas de les diviser. L’Organisation de la coopération islamique (OCI) dénonce, pour sa part, l’attaque systématique et continue « contre les sentiments des personnes de confession musulmanes à travers les caricatures insultantes et répétitives sur la personne du Prophète de l’Islam ».
« Acte de provocation »
L’OCI condamne aussi le discours politique officiel de certains responsables français « qui offense les relations franco-islamiques et alimente les sentiments de haine au nom de gains politiques partisans ». Le Maroc, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, critique également la diffusion continue de caricatures « offensantes » du Prophète Mohamed considérée comme « un acte de provocation offensant le caractère sacré de la religion musulmane ».
Même réactions officielles de dénonciation en Iran et en Jordanie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan attaque directement Emmanuel Macron en émettant des doutes sur sa santé mentale et en l’accusant de ne rien comprendre « à la liberté de croyance ». « Ceux qui sont perturbés par la montée de l’islam attaquent notre religion à travers les crises qu’ils provoquent. La rhétorique anti-islam et anti-musulmane est l’outil le plus utile pour les politiciens occidentaux pour dissimuler leurs échecs », estime le chef d’État turc.
Paris répond rapidement : « Les propos du président Erdogan sont inacceptables. La grossièreté et l’outrage ne sont pas une méthode ». La France rappelle son ambassadeur à Ankara en signe de protestation. La crise diplomatique entre Paris et Ankara est liée aussi au dossier libyen et à la décision de la Turquie de faire des travaux d’exploration du gaz en Méditerranée.
Des produits français retirés des rayons
Les hashtag « Ila Rassoul Allah » (sauf le Prophète d’Allah) et #Boycottfranceproducts sont en tête des trends dans les pays arabes et musulmans, sont largement partagés, plus de 200.000 tweets pour le premier en 48 heures. Une liste d’une cinquantaine de compagnies françaises à boycotter est publiée avec des photos comme Tefal, Cartier, L’Oréal, Moulinex, Bic, Lu, Lafarge, Danone, La vache qui rit…
Au Qatar, au Koweït, à Oman, en Jordanie, au Maroc, en Irak, au Liban, en Territoires palestiniens, en Egypte, au Pakistan, en Iran, en Turquie, à Bahreïn, en Arabie Saoudite plusieurs supermarchés, commerces et coopératives retirent des produits français des rayons comme les fromages, les crèmes glacées, les cosmétiques, les biscuits, les confitures et le prêt à porter. La Syrie interdit l’entrée de produits français sur son territoire et des manifestations anti-françaises sont organisées avec des portraits de Macron frappés d’une croix rouge.
Le hashtag « Rassoulna khat ahmar » (Notre prophète est une ligne rouge) domine les réseaux sociaux en Irak alors que le drapeau français est brûlé à Tripoli au Liban. En Libye, le Haut Conseil de l’État appelle le gouvernement Faiz Al Saradj à annuler un important contrat pétrolier de Total et à arrêter toute coopération économique avec la France.
« Les appels au boycott dénaturent les positions défendues par la France »
Plusieurs vols destinés à la France sont annulés par des agences de voyage à Koweït où des appels sont lancés pour cesser toute importation de marchandises françaises. En valeur, les échanges commerciaux entre le Koweït et la France sont de l’ordre de 21 milliards de dollars. D’autres pays annulent des activités culturelles françaises. L’analyste politique qatari Nayef Binahahar appelle, dans un tweet, à mettre fin à l’importation d’armement français et à retirer les ambassadeurs des pays musulmans de Paris.
Dimanche 24 octobre, le ministère français des Affaires étrangères réagit en appelant les gouvernements des pays arabes et musulmans à mettre un terme aux appels au boycott des produits Made in France. « Les appels au boycott de produits français dénaturent les positions défendues par la France en faveur de la liberté de conscience, de la liberté d’expression, de la liberté de religion et du refus de tout appel à la haine », estime le Quai d’Orsay. Certains internautes dénoncent l’accrochage des reproductions géantes des caricatures du Prophète de Charlie Hebdo sur certains bâtiments à Montpellier.
Le compte Twitter de Macron signalé
Le compte Twitter d’Emmanuel Macron est « signalé » par des milliers d’internautes comme incitant à la haine et à la division. Le président français réagit en postant un tweet en arabe : « Nous ne reculerons jamais ! Nous respectons les divergences avec un esprit de paix. Nous n’accepterons jamais le discours de la haine et nous défendons le débat rationnel. Nous serons toujours aux côtés de la dignité humaine et des valeurs universelles ».
Aux Émirats arabes unis et en Arabie Saoudite, des conseillers du Palais, des journalistes et des intellectuels multiplient les tweets pour souligner que la campagne contre la France est menée « par les Frères Musulmans en soutien au président turc » en guerre ouverte avec Paris.
Des appels au boycott de plus en plus visibles en Algérie et en Tunisie
A Riyad, où une campagne est engagée actuellement pour boycotter les produits turcs, le débat par rapport aux caricatures sur le Prophète Mohamed, parues en France, n’est pas tranché. L’instance des grands oulémas dénonce « l’injure faite au Prophète ». Elle rejoint ainsi la Mosquée Al Azhar au Caire.
Abdulkhaleq Abdulla, universitaire émirati écrit dans un tweet : « la campagne extrémiste des Frères musulmans contre la France ne vise pas la défense de l’islam mais exprime une utilisation de la religion ». Aux Emirats, les actes de boycott de produits français sont individuels alors qu’en Algérie et en Tunisie, les appels à ce boycott tendent à devenir de plus en plus visibles sur les réseaux sociaux.
En Tunisie, une marche anti française est organisée à Tataouine et un groupe de députés entend saisir le président Kaïs Saïed pour annuler le sommet de la francophonie prévu en Tunisie en 2021. En Algérie, le MSP a appelé, samedi, les autorités algériennes à prendre position contre le président français accusé de porter « atteintes à l’islam et aux musulmans ».
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