Le moudjahid et ancien condamné à mort Abdelkader Guerroudj, dit Djlilali, est décédé ce 7 novembre 2020, à l’âge de 92 ans des suites d’un arrêt cardiaque, apprend-on de sources familiales.
Né le 26 juillet 1928 à Tlemcen (Algérie), instituteur, Abdelkader Guerroudj, s’engage tôt au parti communiste algérien (PCA) et œuvre à l’organisation des groupes de paysans dans la région. Ces paysans militants du PCA, note l’historien René Galissot, ont été les premiers à rejoindre le maquis en 1955 sans attendre des instructions du parti.
Abdelkader se marie en 1950 avec Jacqueline Netter, institutrice et militante, qui va être une des figures féminines de la révolution algérienne. Abdelkader Guerroudj, allant au-delà de la ligne, encore hésitante du parti, fait partie, ajoute l’historien des « orateurs communistes qui osèrent parler de lutte armée pour l’indépendance au-delà des mots d’ordre du parti. »
Dans un entretien avec Hamid Tahri, il raconte: « A Tlemcen, notre famille n’est pas connue sous le nom de Guerroudj, mais de Baba Ahmed. Mon père, Boumediène Baba Ahmed, s’est retrouvé ouvrier agricole sur les terres de ses ancêtres. Parce qu’il semblerait que le domaine de l’Ismara, qui a donné un cru célèbre du même nom et qui appartenait à M. Dollfuss, qui était l’équivalent de Borgeaud dans la région, puisqu’il exploitait une quantité d’hommes et de femmes d’origines diverses.Et une des raisons de l’entrée au combat contre le colonialisme de Jacqueline, institutrice à Négrier (Chettouane), c’était précisément contre le hobereau du coin qu’était M. Dollfuss qui, déjà en 1950, avait son avion personnel et son terrain d’atterrissage dans son domaine….«
Le couple des Guerroudj est expulsé, sur décision du préfet d’Oran, vers la France. Après l’annulation de cette décision, le couple revient en Algérie et se retrouve au sein des « combattants de la libération » lancé par le PCA, dont les membres intègreront l’ALN, après l’accord entre le FLN et le PCA. Abdelkader Guerroudj va devenir très actif parmi les commandos du grand Alger.
Arrêté et torturé, il est jugé en décembre 1957 avec sa femme Jacqueline, Jean Briki et Georges Marcelli, anciens collaborateurs du journal « Alger républicain », Jean Farrugia, artisan, ancien déporté, Jocelyne Chatain, professeur de philosophie, et Taleb Abderrahmane, qui a avait été déjà condamné à mort comme coïnculpé de Djamila Bouhired le 15 juillet 1957. Abdelkader et Jacqueline Guerroudj ont été condamnés à mort, ainsi que Abderrhamane Taleb, qui a été guillotiné le 24 avril 1958. Une vaste campagne, dans laquelle s’est impliquée Simone de Beauvoir, leur a évité l’exécution.
Abdelkader Guerroudj ne retrouvera sa femme,Jacqueline, qu’en mai 1962. Elu député à l’assemblée nationale, il prend ses distances après le coup d’Etat de juin 1965. Ce qui ne l’empêchait pas de s’exprimer de temps à autre, sur la situation du pays. Sportif, Abdelkader Guerroudj, était un amoureux de la mer et de la nage qu’il a continué à pratiquer même à un âge avancé. A ceux qui lui reprochait de ne pas écrire l’histoire de son parcours de combattant, il répondait qu’il avait fait son devoir et que cela suffisait.
«J’ai fait mon devoir envers mon pays pour être en paix avec mon idéologie et avec moi-même. Sans rien demander en contrepartie. Pour la petite histoire, j’ai eu la possibilité de m’enrichir. A l’indépendance, j’étais le directeur général des biens vacants. A ce titre, je pouvais m’offrir les meilleurs châteaux, alors qu’à l’époque j’ai dû emprunter de l’argent pour pouvoir m’acheter un logement. C’est ma conduite et j’en suis fier. Comme ça, je peux garder la tête haute et dire m… à qui le mérite, sans peur, sans reproche et sans remords. »
Dans ce même entretien au journal El Watan, Abdelkader Guerroudj, se disait convaincu que quoi qu’il arrive, l’Algérie se redressera. « C’est la seule nation au monde à s’être débarrassée du colonialisme grâce à ses propres enfants, avec le soutien parfois des étrangers. Le peuple algérien qui se renouvelle gardera sa matrice et restera le peuple algérien. »
Note – Abdelkader Guerroudj dit Djilali est décédé d’un arrêt cardiaque et non du coronavirus, comme nous l’avions écrit. Nos excuses à sa famille.