Abdelmadjid Chikhi, conseiller du président de la République chargé des archives et du dossier de la mémoire nationale, a accusé la France de « mettre des obstacles » pour empêcher l’Algérie de récupérer ses archives.
« Les autorités françaises mettent des embûches devant la recherche d’une solution acceptée par les deux parties sur la question des archives. Nous demandons la récupération intégrale des archives d’avant 1962. C’est-à-dire les archives de toutes les périodes historiques de l’Algérie. Nous pensons qu’une grande partie de ces archives est détenue par les Français. Cette demande est constante. », a-t-il déclaré, lors de son passage au Forum de la Radio Chaine 1.
Il n’y a pas eu, selon lui, de diagnostic complet de ce qui est stocké comme archives algériennes en France. « On nous dit que ces archives n’ont pas encore été classées ou organisées. Cela est faux. Il est impossible que des archives restent entassées dans des paquets pendant cinquante ou soixante ans sauf si on veut leur détérioration pour ne pas les restituer. Les Français divisent les archives en deux : archives de gestion et archives de souveraineté. En cinquante ans de négociations avec les Français, ils n’ont pas encore expliqué ce qu’ils entendent par ces deux catégories. Il s’agit de faux prétextes. Moi, personnellement, je ne sais pas ce qu’ils entendent par « archives de souveraineté » (…) Je le dis franchement, il y a une mauvaise intention », a-t-il ajouté.
En 2006, la France a adopté une loi considérant les archives comme une partie des « domaines ».
Un litige de cinquante ans
Selon Abdelmadjid Chikhi, cette question a été abordée avec un responsable français il y a trois ans. « Il nous a dit que ces archives ne peuvent plus être touchées. Je lui ai répondu que cette loi viole la règle de l’irréversibilité des lois. Viole également une règle morale : on ne peut pas classer un bien parmi les biens de l’État s’il est porteur d’une entorse. L’entorse est liée à la propriété de ce bien. Un bien ne peut être classé que s’il ne fait pas l’objet d’un contentieux. Or, depuis cinquante ans, il y a un litige légal entre l’Algérie et la France sur la restitution des archives. Donc, on ne peut appliquer une loi promulguée en 2006 sur une situation qui remonte à 1962 », a-t-il expliqué.
Il a écarté le recours à l’arbitrage international pour récupérer les archives algériennes détenues par la France car cela implique une « protection des archives » contre le risque de destruction. Abdelmadjid Chikhi a confié n’avoir pas traité directement avec l’historien français Benjamin Stora chargé depuis juillet 2020 par le président Emmanuel Macron de dresser « un état des lieux du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie ».
« Nous avons pratiquement eu que deux contacts téléphoniques et m’a dit qu’il préparait un rapport à la demande du président Macron et qu’on ne peut pas parler de ce dossier tant que le rapport n’a pas été mis aux mains des autorités françaises. Nous attendons donc de savoir ce qu’il y a dans ce rapport et de ce qu’il sera accepté par le président français pour qu’il soit mis sur la table du dialogue(…) Pour l’Algérie, les choses sont claires. Nous ne sommes pas contre un dialogue pour calmer les esprits car nous voulons bâtir des relations équilibrées », a-t-il dit estimant que l’idée de « calmer les esprits » concerne les Français, pas les Algériens.
« Nous n’oublions pas la passé »
Selon lui, la France veut cacher son passé et veut que les Algériens l’oublient. « Nous, en tant qu’Algériens, savons ce que nous voulons. Nous n’oublions pas le passé. Et, nous ne pouvons pas effacer le passé. Nous pouvons aborder le passé dans le sens de nos intérêts, mais nous ne tournons pas la page du passé. Un passé qui n’est pas uniquement lié à la période coloniale française », a-t-il dit.
Et d’ajouter: « L’opinion publique française n’est pas unie par rapport au regard sur le passé colonial. Des associations influentes portent le slogan prétextant que les Algériens ont volé ce pays à la France. C’est mon pays, comment peuvent-ils dire que je l’ai volé? Qui a volé l’autre? Nous avons reconquis notre patrie avec tout ce qu’elle porte ». Benjamin Stora est, d’après lui, confronté à cette situation en France. L’historien doit remettre son rapport au président français en janvier 2021. Interrogé sur les restes mortuaires de résistants Algériens encore conservés dans les musées français, Abdelmadjid Chikhi a répondu qu’il n’existe pas de données précises en France.
« A chaque fois, les Français nous donnent un chiffre différent. Même pour les crânes de nos résistants récupérés l’été dernier, nous avons eu beaucoup de peine pour atteindre le chiffre de 24 », a-t-il confié.
En juillet 2020, l’Algérie a rapatrié 24 restes mortuaires de résistants Algériens ayant mené l’insurrection populaire contre les colonisateurs Français et qui étaient conservés aux Musée de l’Homme à Paris depuis plus de 150 ans. Abdelmadjid Chikhi dit ignorer s’il y aura d’autres opérations de récupération de restes mortuaires de résistants Algériens encore conservés en France.
[…] Fin décembre, Abdelmadjid Chikhi, conseiller du président de la République chargé des archives et du dossier de la mémoire nationale, a accusé la France de « mettre des obstacles » pour empêcher l’Algérie de récupérer ses archives. […]