Le 04 janvier 2015, l’immense cinéaste et moudjahid René Vautier nous quittait. A cette occasion nous reproduisons le BLOG de Saïd Djaafer sur « le Che Guevara du cinéma français ».
Le moudjahid René Vautier nous a quittés dimanche. Cinéaste légendaire, l’auteur du premier film anticolonialiste français, surnommé à juste titre le «Che» du cinéma français, est un grand combattant.
La trajectoire de René Vautier est impressionnante, elle impose le respect par sa continuité et sa cohérence militante. Résistant à l’occupation allemande alors qu’il n’avait que 15 ans, Vautier va rester, jusqu’au bout de sa vie, un résistant à toutes les oppressions. Un homme d’un combat universel pour la liberté. Ce Breton a été en effet Africain et Algérien par son combat et ses engagements. Un subversif pour la justice et la liberté d’une résolution de fer. René Vautier n’hésite pas à détourner une commande pour la réalisation d’un film sur l’éducation française en Afrique.
Il fait le premier film anticolonial français, Afrique 50, dans lequel il donne à voir la réalité de l’ordre colonial avec le travail forcé et la violence des administrateurs coloniaux. On comprend la dangerosité de ce qu’il fait et on le somme d’arrêter. René Vautier n’arrête pas. Il continue son travail en clandestin, en maquisard. Ce film inaugural ne fut pas qu’une réalisation cinématographique mais une vraie bataille, avec ses menaces et ses assignations à résidence. Il lui aura fallu récupérer «illégalement» une partie des bobines tournées qui avaient été saisies par les autorités françaises. C’est un film de clandestin qui sera vu, malgré une censure de plusieurs décennies, par des centaines de milliers de personnes dans les réseaux parallèles. Voir un film de Vautier, c’est toujours entrer en militance, comme monter au maquis.
Ce film inaugural, ce document subversif, lui vaudra une année de prison purgée dans des prisons militaires. Pas de quoi ébranler les hautes convictions du maquisard cinéaste. Son engagement algérien est totalement dans la continuité de son premier film. Une année à peine après le déclenchement du combat pour l’indépendance de l’Algérie, il se rend à Tunis. Et il reprend le chemin du maquis, caméra au poing, aux côtés des maquisards algériens. Certains pensent qu’il est passé de « l’autre côté» alors qu’en vérité il est resté du même côté où se trouvait le jeune maquisard breton qui combattait l’occupation allemande.
Un combat universel pour la justice et la liberté qui en ont fait, très naturellement, un moudjahid algérien. Celui qui, par les images, a donné à voir au monde la lutte des Algériens. «Algérie en flammes», réalisé en 1957, a été interdit en France mais il a été vu dans de nombreux pays. Il a contribué à la bataille multiforme menée contre l’ordre colonial et sa propagande. Rien n’a jamais été facile pour René Vautier et choisir d’être un maquisard contre l’oppression n’y prédestine pas. Cet homme de combat fait partie de nous, de notre histoire. Du meilleur de cette histoire.
De «L’Algérie en flammes» à «Avoir vingt ans dans les Aurès» sans oublier l’inaugural Afrique 50, l’œuvre de René Vautier fait partie du patrimoine historique de l’Algérie. Et de l’histoire des peuples. Ce maquisard, ce moudjahid, inspire un immense respect. Honneur au maquisard.