Tandis que certains artistes peintres restaient englués dans des institutions qui dysfonctionnaient, exposaient des fleurs ou des palmiers, folklorisaient la culture kabyle, utilisaient le patrimoine en glorifiant certains et excommuniant d’autres, tentaient un soft power à minima pour un régime à bout de souffle; non loin de là, une nouvelle génération de plasticiens annonçait le Hirak .
Les protest painters que la Baignoire et la Picturie ont donné à voir dés 2016 .
De « l’homme jaune » à Princesse Zazou, d’El Meya, Mounir Gouri, Fella Tamzali Tahiri à Bardi (Mehdi Djelil) en passant par les designers du Pop Art dont le groupe Lmnt, Hichem Gaoua, elles/ils se sont saisi de la critique sociale, politique, sociétale souvent avec humour, dérision (posture de distanciation qu’on retrouve dans la rue algérienne ).
Ils sont venus des marges, bien que souvent issus des Beaux arts ou autodidactes, ils/elles ont donné à voir la vacuité d’un pouvoir à bout de souffle avec le symbole de la chaise (vide ou trop pleine) el koursi chez Yasser Ameur, Bardi ou le photographe Youcef Krache (on se souvient de cette salle pleine de chaises vides et le portrait du président Bouteflika au mur qui a fait la une d’un quotidien) .
Ils ont fait des bars et de la rue leurs ateliers. Ils ont créé des personnages pour détourner la censure -l’homme jaune de Yasser Ameur, les monstres/bouffons de Bardi ou Djamel Agagnia- les animaux sauvages dans les intérieurs domestiques avec El Meya et Fella Tamzali Tahiri.
Après ceux qu’on a appelé les 30 (dont Racim, Baya, Keira Flidjani) qui ont été contraints de composer avec le joug colonial, vint la génération des 54 (avec Khadda, Messi avec le mouvement Aouchem, Stambouli, Issiakhem, Guermaz, …) qui fut celle de l’espoir de travailler dans un pays libéré, pendant que dans la diaspora s’épanouiront Abdellah Benanteur, Mahjoub Ben Bella, Koraïchi, Ali Silem, Samta Benyahyia et plus tard Djamel Tatah, Ali Kismoun, Zineb Sedira, Kamel Yahyaoui,…
Tandis que le Maroc exposait son soft power via des biennales d’art contemporain à Casablanca, Marrakech avec ses peintres (Cherkaoui, Belkahia, Kacimi, Hariri, Bellamine, Chaïbia, Fatima Hassan…) mais aussi des institutions en France comme l’Institut du Monde arabe (on se rappelle à Grenoble de Présences artistiques du Maroc en 1985 inauguré par Jack Lang et initié par le précurseur conservateur de musée Pierre Gaudibert) , l’Algérie se repliait sur elle même .
Depuis les années 2010, grâce à aux nouvelles technologies mais aussi à cause de la mondialisation et ses bouleversements économiques et géopolitiques, les artistes algériens (et en 2019 l’ensemble des citoyens de manière massive) entraient en rébellion dans une société cadenassée, figée sur le plan du pouvoir politique.
Dans un contexte pareil, l’art fut un instrument d’anticipation, un outil, un support de résistance, d’émancipation et de critique sociale qui aide aujourd’hui à comprendre les changements sociétaux profonds d’une jeunesse arrivée à maturité qui a dépassé la peur et la culpabilité de la décennie noire.
C’est cet enjeu là que les protest painters ont assumé sur le plan pictural, que les citoyens ont brandi sur les pancartes, les tifos, ont chanté durant les marches pacifiques du Hirak en 2019 !
[…] cette dernière génération (les protest painters) qui fait l’objet de cet ouvrage**, une génération qui s’avère inventive en marquant […]