Le Premier ministre libyen Abdelhamid Dbeibah, qui doit gérer la transition jusqu’aux élections prévues en décembre, prête serment lundi plus d’un mois après sa désignation dans le cadre d’un processus politique parrainé par l’ONU pour sortir la Libye d’une décennie de chaos.
La cérémonie se déroule au siège provisoire du Parlement, installé en 2014 dans la ville portuaire de Tobrouk située à quelque 1.300 kilomètres à l’est de la capitale Tripoli.
Ce qui représente la concrétisation d’une percée politique sans précédent depuis cette date devait initialement se tenir à Benghazi, autre ville de la grande région de Cyrénaïque et berceau de la révolte qui a entraîné la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, avant d’être délocalisée à Tobrouk pour des considérations «logistiques».
Après des années d’impasse dans un pays divisé en deux camps –l’un à l’est, l’autre à l’ouest–, M. Dbeibah, 61 ans, a été désigné Premier ministre par intérim le 5 février par 75 responsables libyens de tous bords réunis à Genève sous l’égide de l’ONU, en même temps qu’un Conseil présidentiel de trois membres.
Son gouvernement d’unité nationale a obtenu mercredi un vote de confiance «historique» des députés.
Il remplace aussi bien le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Fayez al-Sarraj, installé en 2016 dans l’Ouest et reconnu par l’ONU, que le cabinet parallèle d’Abdallah al-Theni –non reconnu par la communauté internationale–, basé dans la Cyrénaïque, région contrôlée de facto par les forces du maréchal Khalifa Haftar.
Il est chargé d’unifier les institutions du pays et d’assurer la transition d’ici les élections du 24 décembre, date à laquelle sa mission devrait théoriquement prendre fin.
Se voulant «représentatif de tous les Libyens», le gouvernement Dbeibah est composé de deux vice-Premiers ministres, 26 ministres et six ministres d’Etat.
Cinq ministères dont deux régaliens, les Affaires étrangères et la Justice, ont été attribués à des femmes, une première pour ce pays de quelque 7 millions d’habitants.
– Abdelhamid Dbeibah fait ses premières annonces –
Abdelhamid Dbeibah, un notable de la cité portuaire et marchande de Misrata (ouest), sans ligne idéologique claire, était surtout connu pour avoir occupé des postes à responsabilité sous Kadhafi.
A l’époque, cette troisième ville de Libye a connu un boom industriel et économique dont ont profité de nombreuses familles de notables locaux comme celle de M. Dbeibah qui, lui, a fait fortune dans le secteur du bâtiment.
Réputé proche de la Turquie, il faisait figure d’outsider face à des caciques de la politique locale libyenne aux réunions de Genève, où des soupçons de corruption ont entaché le processus ayant permis sa désignation.
Le nouveau dirigeant n’a pas attendu la cérémonie d’investiture pour prendre ses marques.
Il a tenu samedi une réunion à la primature à Tripoli et inauguré une conférence nationale sur la lutte anticoronavirus, promettant de remédier à une mauvaise gestion de la pandémie.
Le jour même, il a ordonné aux sociétés d’investissement et autres institutions financières de geler toute opération jusqu’à nouvel ordre.
– Attentes –
Mais les défis restent colossaux après 42 ans de dictature et une décennie de violences après l’intervention militaire internationale en mars 2011 sous l’ombrelle de l’Otan et conclue en octobre de la même année avec la mort du «Guide» Kadhafi, traqué jusque dans son fief de Syrte.
Malgré la fin des combats entre les deux camps libyens à l’été 2020, suivie de la signature d’un accord de cessez-le-feu en octobre, la Libye est toujours minée par les luttes d’influence, le poids des milices et la présence de mercenaires étrangers, ainsi que par la corruption.
Les infrastructures sont à plat, les services défaillants et les habitants très appauvris dans un pays qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d’Afrique.
Le nouveau gouvernement est attendu au tournant face aux attentes pressantes d’une population dont le quotidien est rythmé par les coupures de courant, les pénuries de liquidités et l’inflation.
M. Dbeibah devra aussi s’assurer du départ des 20.000 mercenaires et combattants étrangers toujours stationnés en Libye.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a réclamé vendredi «le retrait sans plus tarder de toutes les forces étrangères et des mercenaires de Libye».
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