La contribution des coopératives au mouvement théâtral en Algérie, à l’image de la Coopérative de Alloula, a fait l’objet d’un intense débat lors du 14e Festival national du théâtre professionnel (FNTP) qui s’est déroulé du 11 au 21 mars 2021 au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), à Alger. 24H Algérie vous propose une série de témoignages d’acteurs.
Le premier est celui Ghaouti Azri, ex-directeur général du Théâtre régional d’Oran (TRO). Il est revenu, lors du débat organisé à l’Espace M’Hamed Benguettaf, au TNA, sur les conditions de création de la coopérative du 1 mai par Abdelkader Alloula, en 1988, après l’arrêt, sous pression du syndicat et de l’administration du TRO, de la pièce El Ajouad, produite en 1985.
Il se rappelle que des services de sécurité avaient empêché à l’époque la représentation de « Hamam Rabi » d’Abdelkader Alloula. « Il y a eu une division entre les comédiens du TRO entre les progressistes et les militants du FLN. Ces derniers étaient dominants », a-t-il noté.
« Ils avaient dit que Alloula voulait faire de l’agriculture ! »
Les pressions avaient mené le groupe à penser au théâtre indépendant « d’autant plus que la troupe était versée dans une nouvelle expérience artistique, le théâtre El Halqa de Alloula ».
Ghaouti Azri a rappelé que pour la création de la Coopérative de théâtre, le groupe s’est inspiré des statuts des coopératives agricoles. « Ils avaient dit alors que Alloula voulait faire de l’agriculture, utiliser le tracteur comme outil ! Tous les anathèmes possibles ont été sollicités pour bloquer le projet », a-t-il souligné.
La coopérative du 1 Mai fut créée quelques mois avant les émeutes de 1988. « Pour officialiser sa création, il fallait passer par un véritable parcours de combattant. Tous les notaires que nous avions sollicité à Oran avaient refusé de recevoir notre dossier. Nous étions encore sous le parti unique. Nous avons essayé de passer par la voie de l’administration à travers l’APC, même refus. Heureusement qu’il y a eu le soulèvement du 1 octobre 1988. Cela a permis de débloquer beaucoup de choses dans le pays», a-t-il confié.
« Sous tension permanente »
Mohamed Bouhamidi, militant de l’ex-PAGS alors cadre au ministère de la Culture, a délivré un arrêté autorisant la coopérative d’Alloula d’activer sur le terrain. Malgré ce document, les banques avaient refusé d’ouvrir un compte à la coopérative.
« Elles ont invoqué l’absence d’une loi. Il fallait que Alloula joue des épaules pour ouvrir un compte bancaire. Il fallait aussi courir pour avoir un local. Nos collègues (du TRO) ont désapprouvé notre démarche. Ils ont alors accusé Alloula d’avoir détourné des milliards de centimes et alerté la presse nationale. Le document était signé par une bonne partie des travailleurs du TRO. Nous étions à l’époque sous tension permanente à l’intérieur de ce théâtre pour des raisons politiques », s’est souvenu Ghaouti Azri.
Il a rappelé que la création de la coopérative avait provoqué beaucoup de bruit dans la presse. « Les gens se sont intéressés au nouveau projet culturel. Notre initiative a encouragé le lancement d’autres coopératives. Cela a libéré le champ aux artistes », a-t-il noté. Il a cité les exemples de Omar Fetmouche, Hassan Assous et Azzeddine Meddour (qui a créé une coopérative de cinéma).
Des répétitions chez Alloula
La coopérative du 1 Mai a été confrontée, selon lui, à beaucoup de difficultés pour activer. « Il fallait avoir un local pour les répétitions, assurer la diffusion des spectacles. Nous faisions des représentations dans les lycées et les écoles. Et, les répétitions étaient exécutées chez Alloula, dans le salon. Nous avions un problème de reconnaissance par l’administration de notre coopérative d’autant plus qu’au niveau du ministère de la Culture, rien n’a été fait pour soutenir la nouvelle dynamique à travers des textes pouvant faciliter le travail artistique », a-t-il accusé.
Selon lui, 33 ans après la création de la première coopérative théâtrale en Algérie, le ministère de la Culture n’a toujours pas « bougé » pour régulariser la situation de ces structures artistiques indépendantes. « Il n’y a pas de décrets d’application ou de procédures qui auraient pu faciliter la création d’innombrables coopératives et l’action des artistes. Dans d’autres secteurs, comme l’habitat, il est facile de créer une coopérative immobilière. On veut encourager l’organisation de la société civile mais lorsqu’il s’agit de culture, c’est le blackout, l’interdit », a regretté Ghaouti Azri.
Des coopératives « étranglées »
La coopérative théâtrale, en tant qu’espace de liberté et en tant que structure ayant ses propres moyens de production, n’est pas encore autorisée. « Cet espace n’a pas trouvé d’aide de la part du ministère de la Culture jusqu’au aujourd’hui », a-t-il appuyé.
Il a parlé du retrait d’un récent texte d’application de ce ministère où, dans l’exposé des motifs, un reproche est fait aux coopératives « à caractère culturel » de vouloir verser « dans des activités commerciales ».
« Pour eux donc, ce n’est pas une question de culture ou d’activités artistiques, mais juste de commerce », a-t-il dénoncé. « Si l’on veut aller vers l’Algérie nouvelle, qu’on commence sur le terrain avec les activités artistiques, qu’on libère les coopératives de théâtre qui sont étranglées. Tout peut être réglé par un décret d’application », a-t-il dit.
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