Amoureuse de la vie, curieuse, toujours souriante, généreuse de son temps et ce malgré ses diverses obligations. C’est ainsi que beaucoup de ses amis actuels et d’autres qu’elle garde du temps du lycée, décrivent Miriam Merad, professeure en immunologie du cancer et directrice de l’Institut d’immunologie de Mount Sinai School of Medicine à New York, et qui vient d’être élue, en mai dernier, membre de l’Académie américaine des sciences.
Il faut en effet beaucoup d’optimisme, de souffle et d’énergie pour mener de front une vie exigeante de chercheure, mais aussi une vie sociale épanouissante et enfin et surtout une vie de famille équilibrée. C’est en observant l’optimisme sans faille et la joie de vivre de l’un de ses professeurs à Stanford, Irv Weissman que Miriam Merad se rend compte, alors qu’elle prépare son doctorat, que la recherche scientifique n’est pas ce métier austère et mortifère que l’on imagine souvent. Il y a certes, admet-elle, des moments difficiles, des périodes de travail intense, des phases obligatoires d’isolement et de remise en question, mais la science et plus précisément la recherche médicale, peuvent devenir sources de grande satisfaction, si on décide de les vivre pleinement et même joyeusement.
Cette passion pour la médecine lui a été transmise par ses parents : sa mère Rachida Chiali, professeure de toxicologie et grande passionnée de Scrabble et Kheireddine Merad, professeur de cardiologie et supporter inconditionnel du Widad Athletic Tlemcen (WAT). Miriam rappelle systématiquement tout ce qu’elle leur doit. Auprès d’eux, elle, sa sœur et ses frères, ont non seulement appris à raisonner avec rigueur et honnêteté, mais aussi à vivre selon des valeurs de générosité et de solidarité. La médecine est par ailleurs quasi une affaire de famille, puisque la sœur aînée de Miriam, Mansouriah Merad, est, elle aussi, médecin infectiologue, chef de service des urgences à l’Institut Gustave Roussy à Paris. Leurs deux frères cadets ont pris des voies sensiblement différentes mais non moins passionnantes, puisque Abdallah Merad est Vice Président à Schlumberger, Inc. et Lamine Merad, banquier à la BNP.
Il y a plusieurs aspects de son métier que Miriam Merad apprécie particulièrement. Elle aime plus que tout travailler avec l’équipe qu’elle dirige, collaborer avec ses collègues, superviser des étudiants et notamment des étudiants étrangers. Elle est d’ailleurs très inquiète du tour que prennent les choses aux Etats-Unis, puisque l’administration Trump a annoncé qu’elle allait restreindre, si ce n’est totalement stopper, l’octroi de visas aux scientifiques étrangers et aux étudiants en médecine, qui viennent des quatre coins du monde, pour étudier aux Etats-Unis.
Miriam le dit sans ambages, si cette décision, qu’elle compte combattre de toutes ses forces avec un certain nombre de ses collègues, se confirme, elle n’a plus aucune raison de rester aux Etats-Unis. Le pays, selon elle, se tire une balle dans le pied, en remettant en question ce qui a toujours fait sa force, à savoir l’accueil et la promotion d’étudiants étrangers.
Pourtant, ce pays, Miriam l’aime beaucoup et y vit heureuse. Elle y est en effet arrivée il y a un peu plus de vingt ans, en 1997, pour préparer son doctorat au sein du laboratoire du Professeur Edgar Engleman, à l’université de Stanford en Californie. Elle venait d’achever sa résidence à l’Université Paris Diderot après avoir effectué ses études de médecine à Alger. En 2004, elle sera recrutée au Mount Sinai School of Medicine et promue au grade de professeure agrégée trois années plus tard, puis au poste de professeure titulaire en 2010. Elle obtiendra ensuite une chaire dotée en immunologie du cancer en 2014.
L’Amérique lui a offert une grande liberté, la possibilité et le « courage de penser grand », une expression traduite de l’anglais, qui la résume parfaitement, selon l’une de ses amies tunisiennes, elle aussi installée à New York. Ses recherches portent sur l’immunologie et plus précisément selon ses propres mots clairs et didactiques sur : « le rôle de l’inflammation dans les maladies humaines. Le système immunitaire permet de se battre contre les infections et peut aussi reconnaître des cellules malades et les éliminer. C’est cette propriété que j’utilise pour éliminer les cellules cancéreuses. Mais le système immunitaire peut aussi trop s’emballer, comme dans le cas du COVID ou dans le cas de maladies inflammatoires ou auto-immunes. Dans ces cas particuliers, on doit trouver des méthodes pour freiner son action. C’est ce qu’on essaye de faire pour les malades du COVID ou pour l’athérosclérose ou encore la maladie de Crohn, très fréquente en Algérie ! »
Depuis le mois de mars de cette année, Miriam Merad a donc pris la décision de suspendre ses recherches sur le cancer, pour consacrer tout sont temps et son énergie au Coronavirus. Elle travaille avec son équipe, composée de 25 personnes, à essayer de comprendre pourquoi les conséquences, pour un groupe particulier de personnes atteintes du virus, ont été fatales alors qu’elles ne le sont pas pour d’autres. Il lui a fallu prendre seule et rapidement des décisions importantes qui engagent sa responsabilité, comme le prélèvement d’échantillons sanguins auprès d’un nombre conséquent de malades. Elle a par ailleurs associé à son travail, 80 chercheurs affiliés à plus de 40 laboratoires différents. Elle reste en effet convaincue que face à un ennemi aussi dévastateur que ce virus, l’union fait la force. Elle insiste sur le fait qu’il lui faudra ainsi qu’à ses collaborateurs beaucoup de patience et d’abnégation car la recherche est un travail ardu et ce virus particulièrement retors. Il faut constamment se plier à des protocoles stricts et ne pas se précipiter vers des solutions hâtives car insuffisamment corroborées.
Après son élection à l’Académie américaine des sciences, annoncée alors que la pandémie frappait durement la ville de New York, Miriam a été très agréablement surprise par l’intérêt que la nouvelle a suscité auprès de médias algériens. Journalistes arabophones et francophones ont sollicité des interviews et Miriam a mis cela, avec la modestie qui la caractérise, sur le compte du contexte général, lié à la crise sanitaire et du COVID 19: « Je crois que ça rassure les gens de savoir que nous travaillons activement à trouver des solutions à des problèmes de santé aussi cruciaux que le cancer ou le Coronavirus ».
Mais c’est bien une fierté liée à l’ensemble de son parcours qui s’est exprimée non seulement dans les média mais aussi sur les réseaux sociaux. Le fait qu’elle soit femme, et qu’elle élève avec son mari, Bachir Touili, lui même radiologue, deux enfants de 13 et 15 ans, a bien évidemment forcé encore davantage l’admiration. Elle n’a d’ailleurs de cesse de répéter l’importance pour les femmes de choisir le bon compagnon, celui qui pourra les soutenir dans leurs carrières et les encourager dans leurs choix. Elle insiste également sur le fait que les femmes ne doivent en aucun cas croire qu’il faille sacrifier quoi que ce soit pour réussir et être heureuse, tant sur le plan professionnel, personnel et amical. On en revient à cet amour inconditionnel de la vie que l’on lit immédiatement dans son sourire franc et chaleureux.
[…] ça s’arrête là. Cela s’arrête à la formation. Nous faisons un appel aux compétences algériennes à l’étranger pour leur dire que le pays a besoin de développement technologique et de transfert de […]