Azzeddine Abar a posé, parfois crûment, des questions sur le système éducatif, sur le statut de l’artiste et sur les rêves brisés des jeunes, dans la pièce « Baccalauréat ».
Produite en 2018 par le Théâtre régional Djillali Ben Abdelhalim de Mostaganem, la pièce, qui a décroché le grand prix du Festival national du théâtre professionnel (FNTP), n’a pas pris de rides.
Présenté au Printemps théâtral de Constantine, le spectacle a été fortement applaudi par le public du théâtre régional Mohamed Tahar Fergani. Rires aux éclats, réactions vives, applaudissements ont accompagné le spectacle puisé dans la comédie noire d’après une idée de Abdelkader Mostefaoui.
Amin, un artiste, souffrant de marginalisation, loue une cave à Houria (Adila Soualem), une enseignante désabusée, sans scrupules. Elle assure, au pied levé, des cours particuliers à des élèves qui se préparent à passer l’examen du Bac, supposé être un moment important de leur vie. L’endroit est poussiéreux. Des caisses de marchandises importées, dont les viandes du Brésil, y sont déposées. Elles servent de tables. La viande du Brésil a également « servi » à transporter de la cocaïne (saisie au port d’Oran en mai 2018).
Amertume maladive
Les dialogues dévoilent au fur et à mesure les caractères des personnages. Il y a d’abord Wahif (Aissa Chouat), natif d’une famille aisée, qui cherche l’amour auprès d’une insaisissable voisine. Il y a aussi Toufik (Fouad Bendoubaba) qui veut réussir dans ses études pour faire plaisir à son père. « Pendant toute sa vie, mon père n’a pas cessé de pédaler », crie-t-il.
Et, il y les autres élèves peut attirés par les cours décousus qu’assure, parfois avec agressivité, l’enseignante dont la chevelure est poussiéreuse autant que les habits. Houria semble avoir raté plusieurs marches dans son existence. Son amertume est maladive.
Colère de l’enseignante
Elle n’a aucune crainte de la diffuser parmi les élèves. Elle donne une explication tordue au sens du mot « liberté », tente d’imposer une logique irrationnelle à la valeur des chiffres comme le 5 et le 7 et développe un discours creux sur les langues.
Sa colère est exprimée par un cri qui soulève les « tables » et provoque une petite tempête. Les élèves, qui « résistent » à ce déchaînement, passent leur temps à blaguer, danser ou chanter. Cela va du rap old school au chant langoureux égyptien en passant par le raï. Le chant complète le récit.
Autant que les musiques préparées par Abdelkader Soufi pour appuyer l’interprétation des comédiens évoluant dans une scénographie statique. L’arrivée d’ une jeune élève, au caractère trempé, avive les petites tensions au sein du groupe. La nouvelle de la « classe » entre en conflit avec l’enseignante décidée à « ‘imposer ses lois » et sa « vision » du monde.
« Vous devriez réussir, ne salissez pas ma réputation », crie-t-elle, intéressée par une carrière déjà terminée. Elle a appris à ses dépends que les élèves ne sont plus « impressionnés » par ses leçons.
Particules de poussière
Le tableau sous forme de guillotine, peu utilisé, évoque les « horreurs » du système éducatif algérien. Un système qui « coupe » les têtes au lieu de les instruire. L’enseignante lance de la poussière sur les élèves. Et, en dansant dans une expression de colère, les élèves, n’ayant presque plus de rêves, diffusent également des particules de poussières, comme pour se venger.
Ils apprennent que Kadour, fils du cordonnier, leur camarade de « classe », est parti harraga. Une vision du néant y apparait. Et, l’échec est expliqué en quelques mots par l’artiste mélancolique en un monologue poignant mais qui aurait pu être évité par le metteur en scène puisque la pièce a tout « dit ».
Les répliques et les tirades, chargées de satires, ont plu au public même si l’idée centrale du spectacle est lourdement dramatique : l’absence de perspectives pour les jeunes et le doute sur l’avenir.
Azzeddine Abar, qui recourt parfois au « discours direct » sur scène, a posé donc plusieurs interrogations sans chercher à trouver des réponses.
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