Au moment où certains reprochent à la Diaspora, une attention aiguë au pays et son histoire, rappelons-nous un épisode de solidarité entre artistes en exil durant les moments de lutte où une génération a endossé ses responsabilités dans un contexte historique particulier .
En 1964 un comité «Art et culture »s’était formé autour de Jean Jacques Lebel, le conservateur de musée Pierre Gaudibert et des peintres dont Abdallah Benanteur et Cherkaoui pour organiser une exposition en hommage à l’Indépendance algérienne dans le Palais des Beaux-Arts de la ville de Paris. Quatre-vingts artistes ont donné des oeuvres qui avaient été rassemblées pour in fine faire l’objet d’une donation au peuple algérien. Par cet acte les artistes signifiaient la place de la culture comme valeur majeure pour le nouvel Etat .
Ce don d’artistes internationaux devait à l’origine promouvoir, une collection d’art moderne pour la création d’un nouveau musée dont l’ambition était de propulser Alger capitale africaine de l’art contemporain, projet qui ne vit jamais le jour hélas .
Ainsi on se rappelle que le peintre libanais Shafic Abbout faisait partie des peintres qui ont offert une oeuvre « De prés comme de loin » à la jeune nation algérienne au sortir de la guerre de libération.
Shafic Abboud, peintre abstrait de la Nouvelle École de Paris, est né le 22 novembre 1926 à Mhaydse au Liban et mort à Paris le 8 avril 2004.
Artistes en exil, le sens des responsabilités
Il s’installe à Paris dès 1947, inscrit à l’École Nationale des Beaux-Arts où il étudie la peinture, la gravure et la lithographie . Avant tout coloriste et en permanente recherche intérieure, il travaille, par série, la matière picturale et les variations de la lumière. Artiste reconnu dès le début des années 50, ses œuvres font aujourd’hui partie de très nombreuses collections internationales publiques ou privées.
Pour mémoire aussi, Jean Jacques Lebel, artiste protéiforme, poète et activiste, écrivain, cinéaste et figure de la contre-culture très tôt engagé contre la guerre d’Algérie, co-organisa en 1960-61 à Paris, Venise et Milan, les Anti-Procès, une manifestation collective contre la guerre, la torture et le racisme. C’est dans ce contexte que naîtra le Grand Tableau antifasciste collectif, peint avec les Italiens Enrico Baj, Roberto Crippa, Gianni Dova, Antonio Recalcati et l’Islandais Erró.
Saisie à Milan et restée vingt cinq ans sous séquestre, retrouvée seulement en 1987 dans les caves de la Préfecture de police, la toile est récupérée par Baj, mais dans un état déplorable. Elle est régulièrement montrée depuis 1992. le Grand Tableau antifasciste collectif a en outre fait l’objet d’un livre-manifeste collectif.
Quant à Benanteur qui a quitté l’Algérie en 1953 pour Paris avec Khadda et exposera dés 1957, il fera partie de ces peintres qui tenteront une synthèse entre l’école de Paris , et la personnalité algérienne avec Khadda et Ben Bella, les « artistes de l’entre-deux dira d’eux » Pierre Gaudibert . On verra éclore une peinture pleine de modernité autant dans le fond que dans la forme. Ces artistes ont intégrés dans leur propos les luttes de leur société.
Ainsi si le réel n’a jamais pris le pas sur leurs créations, les artistes en exil ont, à chaque épreuve du pays natal, marqué leur solidarité et pris leurs responsabilités .
« Chacun est l’ombre de tous » a écrit un jour Paul Eluard .