8 mai : le rituel et l’Histoire

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8 mai : le rituel et l’Histoire
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Le rituel sera sans doute respecté pour le 8 mai. Des commémorations et des rencontres officielles. Et comme de coutume, certains adresseront, en direction de l’ancienne puissance coloniale, des exigences de reconnaissance des crimes coloniaux ou, c’est encore plus vague, de « repentance », qui, en l’état actuel des choses, ne viendront pas.

Ces exigences font partie aussi du rituel et ont tendance à faire oublier des choses essentielles. Le plus important ou le plus grave n’est-il pas que l’histoire nationale s’est ossifiée dans les cérémonies rituelles, sans donner du sens au présent ou à l’avenir ? Que peut dire le 8 mai 1945, ce grand sursaut de survie d’une société que la colonisation avait cru irrémédiablement soumise, à des jeunes générations que le présent désenchanté rend, c’est le moins qu’on puisse dire, perplexes ?

Cette perte de sens, il est difficile d’en accuser les autres quand on a durablement instrumentalisé l’histoire pour des questions de pouvoir. Il en est aujourd’hui du 8 mai comme du 5 juillet ou du 1er novembre, des routines officielles et, pour des jeunes et des moins jeunes, des dates vagues et parfois de simples jours fériés.

Le 8 mai 1945, c’est hier

A l’échelle de l’histoire, le 8 mai 1945 ou le 1er novembre 1954, c’est hier. A l’échelle du vécu, c’est une histoire riche que la politique s’est évertuée à appauvrir. A trop s’acharner à posséder l’histoire, le système de pouvoir l’a rendue trop plate, trop lointaine. Une histoire se vit quand son sens profond se renouvelle et se régénère. Le 8 mai 1945, c’était une exigence de liberté clamée face au monde. Cette aspiration peut-elle être de mise quand l’histoire est transformée en rente et en barrage pour l’émergence de nouveaux acteurs ?

On a souvent entendu des responsables se lamenter de la perte de la « fibre » patriotique chez les jeunes générations. L’accusation est bien entendu fausse. Les jeunes aussi aiment leur pays, mais ils restent distants à l’égard d’une historiographie officielle destinée à justifier une situation où des anciens n’en finissent pas de discourir sur le «passage du flambeau aux jeunes» sans jamais le lâcher. Ces responsables n’ont sans doute pas compris que le patriotisme existe mais qu’il a simplement cessé d’être naïf.

Dans les librairies algériennes, ce qui se vend le plus, ce sont les livres d’histoire et cela est un signe. Les jeunes Algériens ne cherchent pas l’histoire chez les officiels, ils la cherchent dans les livres. Il y a un besoin de connaître ce qui s’est passé et de comprendre pourquoi l’élan premier s’est estompé. On ne le doit pas assurément aux autres, mais à une instrumentalisation interne. Quand un système s’approprie l’histoire, il ne fait que la dévitaliser. A défaut d’avoir un cadre national ouvert et pluraliste permettant d’entretenir la puissante aspiration à la liberté du sursaut du 8 mai 1945, les Algériens sont devenus distants, voire méfiants.

Beaucoup cherchent l’histoire «vraie» et non celle qu’on leur énonce. Les citoyens ne sont pas des historiens. Ils ont un regard sur le passé qu’ils ne séparent pas du présent. Ils pressentent au fond que leur histoire est riche mais qu’elle est appauvrie par l’appropriation rentière qui en est faite. Ils attendent qu’elle soit enfin libérée du pouvoir pour redevenir la leur…

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