Du manager investisseur glorifié au manager fonctionnaire humilié

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Du manager investisseur glorifié au manager fonctionnaire humilié
Du manager investisseur glorifié au manager fonctionnaire humilié
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Le manager algérien se présente dans l’actualité sous deux images contrastées. D’un côté, un manager porté aux nues dans les réseaux sociaux. De l’autre, un manager d’une entreprise publique menotté et encadré par des policiers. L’un, patron de la société privée « Laiterie Soummam », s’illustre par la généreuse contribution qu’il apporte à l’approvisionnement en oxygène des hôpitaux algériens en cette période de pandémie.

L’autre, ancien PDG de Sonatrach, fait l’objet de poursuites judiciaires pour des faits relevant de la gestion de la société nationale des hydrocarbures. Deux images qui ne manqueront pas de marquer les consciences. Deux images qui devraient provoquer une réflexion salutaire chez tous ceux qui comptent s’engager dans la vie économique.

LE MANAGER INVESTISSEUR

Le hasard de l’actualité nous livre un « self made man », le patron de la « laiterie Soummam ». Un patron qui a réussi. Il a su faire à temps des investissements dans un marché ouvert à la concurrence. Ses produits, notamment les yaourts, connaissent une distribution massive. Les consommateurs sont nombreux sur tout le territoire national à les plébisciter quotidiennement. Peut-être que cet investisseur a su se mouvoir avec habileté face à une administration algérienne tatillonne et rétive à l’initiative privée. Personne ne peut le lui reprocher. Le fait est là.

Il est la preuve que la prise de risque d’un investisseur dans un marché ouvert à la concurrence comporte des effets bénéfiques pour l’investisseur et les consommateurs. Pour l’investisseur, les profits recueillis sont une juste rémunération des capitaux engagés. Ils récompensent des choix judicieux et des réponses adéquates aux demandes des consommateurs. Pour les consommateurs, la disponibilité sur le marché des produits laitiers en quantité et en qualité permet de satisfaire tous les goûts et inévitablement, les prix subissent des pressions à la baisse. Cette situation profite donc à l’investisseur et aux consommateurs, sans oublier les salariés et les fournisseurs de la « laiterie Soummam ». Sur le plan économique, c’est tout le processus vertueux qui multiplie les échanges et aboutit à la création de richesses.

La contribution à l’économie générale est incontestable. Le marché des produits laitiers figure parmi les secteurs qui échappent en partie à l’étatisme et qui montre tous les bienfaits de la libre concurrence. Ce que l’on ne voit pas, ce sont les cas d’investisseurs privés qui n’ont pas fait les bons choix et qui sont contraints à la faillite. Ce sont ceux qui ont subi la juste sanction du marché et qui sont donc invités à modifier leurs choix d’investissement. Malheureusement, parmi eux, certains sont victimes des blocages que l’Administration dresse sur le « parcours du combattant » de tout investisseur. Mais pour revenir à l’exemple heureux de la « laiterie Soummam », l’opinion publique découvre avec satisfaction que l’on peut s’inscrire dans la logique du profit et faire preuve de sentiments altruistes. La logique du profit connait donc un répit.

Ses contempteurs ne renoncent certainement pas au travail de sape. Nombreux parmi eux ont abandonné l’alternative socialiste et sont donc réduits à la critique négative. Faute d’une défense franche de l’économie dirigée avec son lot de pénuries et de subventions qui obèrent le trésor public, ils alimentent les préjugés contre l’investissement privé.

La logique du profit n’a donc pas encore la partie gagnée. Mais inévitablement, les résultats concrets viendront à bout d’une logique indéterminée faite de promesses non encore tenues à l’échelle planétaire. Dans tous les cas, l’opinion publique découvre que logique du profit et altruisme ne sont nullement incompatibles. Bien au contraire, l’initiative privée peut échapper au carcan de l’étatisme. Le patron de la « laiterie Soummam » aura donc mérité les louanges qu’il reçoit en retour de ces gestes généreux de solidarité. On ne peut manquer de comparer au triste sort réservé à l’ancien PDG de Sonatrach.

LE MANAGER FONCTIONNAIRE

Tous ceux qui connaissent le monde des entreprises publiques ne sont certainement pas restés indifférents aux images diffusées par la télévision nationale : L’ancien PDG de Sonatrach menotté et encadré à l’américaine par des policiers. Il n’est pas question ici d’aborder les « affaires » que devra traiter la justice. Rappelons seulement que l’intéressé doit bénéficier de la présomption d’innocence.

Par-delà aussi les rancœurs, les jalousies et l’esprit de revanche de certains, l’ex-PDG s’impose à son corps défendant comme un symbole. Il symbolise le risque encouru par tout manager du secteur public. Et ce risque n’est pas des moindres. Ce n’est pas le risque de l’investisseur soumis à la perte et au profit. Mais la déchéance publique, l’incarcération et la privation de liberté qui guettent le manager d’une entreprise publique peuvent constituer un risque de plus grande intensité. Depuis l’émergence du secteur économique public, les exemples de managers qui ont subi ce sort ne manquent pas.

En dehors des cas de malversations dûment établis, les managers du secteur public courent le risque de l’appréciation politique ou idéologique de leur management, de leur gestion de l’entreprise. Les managers des pays démocratiques rendent compte à des Conseils d’administration et à des actionnaires. Leurs performances sont économiques. Elles se mesurent en chiffre d’affaires, en part de marché, en niveau du cours des actions et en retour d’investissement. Toutes ces catégories sont universellement définies. Des documents dûment certifiés par des cabinets comptables experts attestent de ces performances. Les actionnaires jugent le management selon des critères objectifs. Les managers de ces entreprises sont donc sanctionnés positivement ou négativement selon ces critères économiques.

Le manager de l’entreprise publique algérienne inscrit sa gestion dans le cadre d’un étatisme prédominant. Qu’est-ce que signifie concrètement l’étatisme pour un manager public ? C’est l’imbrication de l’économique, du politique et de l’idéologique. Cette imbrication ne peut que s’établir au détriment de l’économie. Le politique se manifeste souvent par l’orientation gouvernementale qui détermine à une entreprise économique des objectifs qui la conduisent inévitablement au déficit et à la recherche de subventions. L’entreprise publique sort ainsi de la logique économique, de la logique du profit, de la logique de la création de richesses, pour devenir une institution sous perfusion.

Dans ces conditions, le manager algérien court de graves risques d’appréciation partiale de sa gestion par des politiques intéressés. La tendance connue à placer ses « fidèles » s’appuie sur l’arbitraire auquel conduit l’absence de critères économiques objectifs. Il arrive, et c’est le cas de l’ex-PDG de Sonatrach, que le manager s’inscrive dans la vision de l’équipe gouvernementale en place. Le rachat par Sonatrach de la raffinerie d’Augusta en Italie aurait dû, dans une logique d’entreprise, s’appuyer sur des retours d’investissement escomptés par la société pétrolière. Or, l’argument principal avancé a trait à l’approvisionnement du pays en produits pétroliers raffinés.

Ce qui dans le cadre de l’économie dirigée de l’Algérie devrait relever de la compétence gouvernementale. Il n’est pas exclu que la décision de l’ex-PDG de Sonatrach ait reçu l’aval de l’équipe dirigeante qui le parrainait. Mais cela illustre l’implication du manager dans la politique gouvernementale. Cette implication est souvent commandée par des promesses de carrière. Elle renseigne surtout sur la dépendance politique du manager public algérien. Que de carrières certainement méritées furent brisées par cette incrustation du politique, de l’État, dans le monde des entreprises. L’étatisme produit des managers fonctionnaires.

Ce sont des managers qui acceptent les entorses aux normes économiques. Ils ont le choix entre une carrière dans ces conditions ou quitter le fonctionnariat. La culture ambiante depuis l’ère du socialisme est hostile à l’entreprenariat privé.

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