Les laboratoires « Roche Algérie » ont ont organisé la 6ème session de « Média Training ». Cette session a eu pour thème « l’accès aux thérapies innovantes en Algérie : État des lieux et recommandations ».
Communiqué.
QUELQUES DONNÉES DE CADRAGE SUR LE FINANCEMENT DE LA SANTÉ EN ALGÉRIE
Selon les données de l’OMS, en 2018, l’Algérie a consacré 6,2% de son PIB au secteur de la santé. Elle se
situe au-dessus de la moyenne de la région de la méditerranée orientale (5,4%) et pas trop loin de la moyenne
européenne (7,6%). La dépense par habitant pour la même année, s’est établit à 256 $US contre 642 $US pour
la région de la méditerranée orientale et 2447 $US pour la région Europe. En 2020, le budget global alloué à la
santé s’élève 410 Milliards de DA, soit le 4éme budget après la Défense nationale, l’Éducation et les Collectivités
locales. Certains pays consacrent moins de ressources et réalisent de meilleurs résultats sanitaires que l’Algérie.
Le financement des dépenses de santé est assuré par trois agents à savoir l’Etat, la Sécurité sociale et les
ménages. En 2018, la part de chaque agent était respectivement de 39,6%, 26,3% et 34,1%. Depuis une
décennie, la contribution des ménages dépasse celle de la Sécurité sociale ; alors que la part des ménages ne
dépassait pas 20% à la fin des années 80. Ces chiffres nous interpellent encore une fois sur la réalité du principe
de la gratuité des soins et le statut de la santé en tant que bien collectif.
INCIDENCE, LOCALISATION DES CANCERS ET MORTALITÉ ASSOCIÉE
C’est dans ce contexte général que la problématique de l’accès aux thérapies innovantes pour les malades
cancéreux se pose avec acuité. Considéré comme la maladie du siècle, le cancer représente une part importante
de la charge de morbidité et cité parmi les premières causes de décès dans la plupart des pays du monde.
Chaque année, quelque 19,3 millions de nouveaux cas de cancers ont été diagnostiqués et 10 millions de décès
sont à déplorer des suites de cette maladie (OMS, 2020). Environ 70 % des décès par cancer surviennent dans
les pays à revenu faible ou intermédiaire. Les répercussions économiques du cancer sont considérables et en
augmentation. D’après les estimations de l’OMS, le coût annuel total de la maladie a atteint les 1 160 $US en 2010.
L’Algérie ne fait pas figure d’exception. En 2020, presque 50 000 cas de cancers ont été recensés. Les
localisations tumorales concernent le poumon pour les hommes et le sein pour les femmes. Estimer les pertes
de production dues aux cancers est un exercice malaisé dans le contexte algérien caractérisé par un système
d’information statistique et sanitaire assez fruste. Une étude conduite par Zehnati (2021) montre que le cancer a
généré des pertes de productions au niveau des entreprises (arrêts de travail d’une durée de 3 mois) de 16,1
millions de $US en 2018.
ÉTAT DES LIEUX EN MATIÈRE D’ACCÈS AUX THÉRAPIES INNOVANTES
Selon une étude menée par IQVIA en 2018 dans la région Moyen Orient, Afrique du Nord et Turquie (MOANT)
et confirmée en 2021 en Algérie sur 78 produits échantillonnés couvrant l’immunologie, la sclérose en plaques,
l’oncologie ciblée et l’immunothérapie, les pays d’Afrique du Nord ont le plus petit nombre de produits disponibles.
Pis encore, seulement 33% des produits sélectionnés sont disponibles en Algérie contre 44% en Tunisie ou
encore 66% en Egypte (la moyenne étant de 57% dans la région MOANT). Les délais d’enregistrement, la
négociation des prix et l’achat par appel d’offres retardent l’accès aux traitements innovants. En effet, dans la
région MOANT, l’Algérie a le plus long délai de lancement (la Tunisie ou l’Egypte ont réduit les délais à moins de
12 mois depuis 2 ans). Parmi 16 innovations thérapeutiques dans la prise en charge du cancer du sein, seules 8
sont enregistrées en Algérie, seulement 4 sont disponibles. Au nombre de 19 thérapies dédiées au cancer du
poumon, seules 7 innovations sont enregistrées et uniquement 3 sont disponibles. Même si les traitements sont
enregistrés, leur disponibilité n’est pas assurée.
AVANTAGES CLINIQUES ET ÉCONOMIQUES DES THÉRAPIES INNOVANTES
Les études menées dans différents contextes montrent l’importance des avantages cliniques, économiques,
et qualitatifs des thérapies innovantes dédiées aux cancers. Cependant, la plupart des pays de la région MOANT
font preuve d’un certain retard quand il s’agit de générer des données réelles sur ces paramètres. Pour ne parler
que des bénéfices économiques, il est démontré que le progrès technologique (incluant le lancement de nouvelles
molécules) a un impact positif sur la croissance du PIB. De plus, l’augmentation de la longévité a un effet direct sur la croissance économique. Une augmentation de 10% du nombre de nouvelles molécules lancées dans un
pays permettent de réduire de 2,4% le nombre d’années potentiellement perdues avant 75 ans (mortalité
prématurée).
L’introduction de nouvelles molécules permettent de réduire certains coûts médicaux (coûts
hospitaliers, nombre de jours de congé maladie…) et améliore la productivité en général. Ces impacts (pas
toujours visibles) peuvent constituer un argument majeur pour justifier un recours accru aux innovations
thérapeutiques en les rendant disponibles au grand bénéfice des cancéreux.
RECOMMANDATIONS POTENTIELLES À ENVISAGER POUR ACCÉLÉRER L’ACCÈS AUX THÉRAPIES INNOVANTES EN ALGÉRIE
Les participants à l’étude conduite par IQVIA ont formulé 15 recommandations. Des actions combinées sur
plusieurs niveaux (financement-enregistrement, données statistiques et économie de la santé, clinique et
patients) citées ci-dessous peuvent être menées dans le but d’améliorer l’accès aux thérapies innovantes en
Algérie.
Au niveau de l’enregistrement, du financement et de l’accès :
- Adopter un processus d’enregistrement accéléré en Algérie qui s’accompagnait de décisions de
financement et d’approvisionnement tout aussi rapides, à travers les canaux officiels de l’État et les canaux
privés :
– Mettre en place un système d’enregistrement accéléré ‘fast-track’ pour les thérapies innovantes
internationalement reconnues et déjà enregistrées par la FDA et/ou l’EMA, une mesure déjà adoptée
par certains pays de la région MOANT (Moyen-Orient, Afrique du Nord, Turquie).
– Dissocier le processus de remboursement de celui de l’enregistrement afin de limiter l’impact des
contraintes budgétaires sur les délais d’enregistrement facilitant ainsi l’accès des patients aux
thérapies innovantes grâce à des financements alternatifs (e.g. assurance privée complémentaire,
mutuelles, paiement direct par les patients…).
- -Encourager les contrats innovants et négociations (e.g. accords prix-volume) entre les autorités de santé
et les compagnies pharmaceutiques afin d’alléger les budgets et permettre l’accès à un plus grand nombre
de thérapies innovantes. - -Revoir le système d’appel d’offres par la mise en place d’un comité d’experts clinique et économique qui
évalue et valide (entre deux appels d’offres) l’intégration de médicaments innovants à forte valeur ajoutée
clinique dans le cadre d’un accord commercial entre la PCH et le laboratoire pharmaceutique. - -Optimiser l’utilisation du fonds de lutte contre le cancer en facilitant ses conditions d’exploitation et son
utilisation, à travers l’identification de nouveaux gisements de financement alternatif pérennes pour
l’alimenter (e.g. surtaxe sur les produits nocifs comme le tabac, déremboursement partiel de médicaments
jugés peu efficaces dans le cadre des maladies chroniques, taxe sur le chiffre d’affaires des établissements
pharmaceutiques, etc…) afin d’augmenter les capacités de financement des thérapies anticancéreuses
innovantes. - -Rendre disponible en pharmacie (officines) certains médicaments hospitaliers actuels notamment ceux
administrés par voie orale et les thérapies adjuvantes, ce qui permettra à la fois l’allègement des budgets
des hôpitaux et le remboursement de ces médicaments par les organismes de sécurité sociale sans coûts
additionnels pour les patients (système tiers-payant). - -Débloquer le financement de thérapies innovantes et d’autres médicaments à travers la formulation d’une
loi contribuant à la prise en charge des patients dans le secteur privé, ce qui permettrait aux patients
cancéreux des secteurs public et privé d’être traités équitablement : en effet, cette mesure peut être mise
en pratique sous la forme de la contractualisation de la prise en charge des cancers entre les organismes
de sécurité sociale (CNAS, CASNOS) et les cliniques privées, une pratique qui a déjà été mise en place
pour d’autre types de soins. - -Encourager la population Algérienne à recourir à des assurances complémentaires privées pouvant couvrir
- la prise en charge du cancer, à travers des initiatives de sensibilisation ainsi qu’à travers la restructuration
- du système de financement : ce dernier pourrait suivre un régime général pour tous les individus et être
- complété par des mutuelles santé et d’assurances complémentaires privées.
- Au niveau de l’économie de la santé :
- -Rendre accessible les données de la CNAS et d’autres organisations telles que les hôpitaux, services
oncologiques, facultés de médecine et les sociétés savantes, afin de permettre l’élaboration d’analyses
locales sur l’impact économique des cancers du sein et du poumon en Algérie.
– Les données de la CNAS sont de nature économique (arrêts de travail, durée des arrêts, coûts,
médicaments remboursés, etc.). Elles permettent de mesurer efficacement les conséquences
financières liées à la prise en charge et à la perte de productivité des populations actives atteintes de
ces cancers.
– Les données des hôpitaux, des services d’oncologie et des facultés de médecine permettent de
réaliser des évaluations et un suivi en temps réel de l’état de santé des patients pour établir l’efficacité
des traitements.
– Les données des sociétés savantes, quant à elles, permettent de développer un consensus et des
lignes directrices thérapeutiques appropriées pour la prise en charge des patients cancéreux.- -Sensibiliser les décideurs et les payeurs au fardeau économique (coûts directs et indirects) des cancers
du sein et du poumon ainsi qu’à leur fardeau sanitaire, à travers l’organisation de sessions éducatives et
des congrès scientifiques, en plus de l’immersion pratique au niveau de plusieurs services cliniques. - -Introduire de nouvelles techniques de diagnostic (e.g. séquençage génétique) qui permettent de
personnaliser les thérapies et d’éviter ainsi des lignes de traitement inutiles, ce qui réduirait à la fois les
coûts de prise en charge et les conséquences sur la qualité de vie des patients.
Au niveau clinique :- -Centraliser, harmoniser et numériser les données des registres du cancer se trouvant au niveau régional
via une instance dédiée à cet effet, afin d’être en capacité de générer des données nationales complètes
sur les cancers du sein et du poumon. La numérisation des données cliniques et l’adoption de dossiers
électroniques de patients faciliteraient la collecte des données telles que les données de vie réelle (RealWorld Evidence) qui pourraient être recueillies et centralisées au niveau de l’Institut national de santé
publique (INSP), ce qui simplifierait leur exploitation et leur interprétation par les chercheurs. - -Assurer un accès précoce des patients à des traitements innovants pour les cancers du sein et du poumon
par le biais d’Autorisations Temporaires d’Utilisation (ATU) (ATU de cohorte) et la mise en place des essais
cliniques. - -Réformer le système administratif et mettre à niveau les centres hospitaliers afin de permettre la mise en
place des essais cliniques locaux.
Au niveau des patients :- -Intégrer des instruments captant la qualité de vie des patients atteints de cancers du sein et du poumon
dans la pratique clinique quotidienne tels que les questionnaires standardisés Short Form-36 et EuroQoL5D, qui sont relativement simples à utiliser, et rendre public les données de qualité de vie déjà collectées
à travers les essais cliniques locaux précédents. - -Promouvoir l’éducation thérapeutique des patients par rapport aux cancers du sein et du poumon et les
informer des thérapies innovantes disponibles en Algérie. Les sessions d’éducation encourageraient
l’observance des thérapies adjuvantes et innovantes prescrites et pourraient être dispensées au niveau
des établissements hospitaliers d’une façon multidisciplinaire par les infirmiers, les pharmaciens ou les
médecins traitants.