Ain Sefra: plaidoyer pour faire sortir le patrimoine diwan de « la culture orale »

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Ain Sefra: plaidoyer pour faire sortir le patrimoine diwan de "la culture orale"
Troupe El Assil Ain Sefra
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Le Festival national de la musique diwane se poursuit à Ain Sefra où se tient la 13ème édition. En plus des soirées musicales, un débat a été organisé autour de l’héritage diwan en Algérie.

« Il faut développer cette forme d’expression artistique d’une manière intelligente, sortir de la culture orale et passer à l’écrit. Le temps est venu d’écrire les paroles des bradj, les chants », a proposé Laredj Rahmani, chercheur en patrimoine diwan et musicien, lors d’une conférence à la maison de la culture Beghdadi Belkacem d’Aïn-Sefra, mardi 19 octobre.


Il a invité les troupes participantes au festival de faire des recherches sur les textes chantés, faire découvrir de nouveaux bradj :  « Vous pouvez aussi présenter autrement les bradj dans les waadat et Lilat (rencontres nocturnes autour du rituel diwan). Enregistrez les témoignages des plus anciens dans ce domaine, il faut garder des traces. Nous devons constituer un répertoire algérien du diwan avec les textes chantés ».


« Les gens du diwan doivent agir… »

Il a fait un plaidoyer pour un travail technique et scientifique, notamment de la part des musiciens et des universitaires, pour enregistrer tout ce qui a trait au patrimoine diwan en Algérie (instruments, habits, paroles, dialectes, mélodies, rythmes, rituels…) et produire de la documentation.


« On peut s’intéresser notamment à la transe qui diffère d’une région à une autre en Algérie, et d’un pays à un autre. Nous avons besoin d’études approfondies sur tous ces aspects. Les gens du diwan doivent agir, le produit brut est là, il faut le valoriser. Il y a aussi beaucoup de jeunes talents », a insisté Laredj Rahmani.  

Ahl El diwan doivent, selon lui, être fiers de la sauvegarde d’un patrimoine culturel vieux de plusieurs siècles.  
Bellaredj Boudaoud, chercheur en patrimoine et écrivain, a rappelé, de son côté, les racines africaines du diwan ou du gnawi. Un patrimoine partagé, selon lui, par plusieurs pays dont le Niger, le Sénégal, le Soudan, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, l’Egypte et l’Arabie Saoudite.

« Le diwan de Sidi Blal est une expression soufie populaire » 

« Chez nous, le colonialisme  français a tenté de détruire ou de détourner tout ce patrimoine culturel. Le diwan de Sidi Blal est une expression soufie populaire qui fait partie du folklore musical. L’homme africain, à ses débuts, avait inventé la danse et le chant pour s’exprimer et s’adapter à son environnement. Le diwan fait partie d’une mémoire historique collective », a-t-il souligné.

Le diwan ou le gnawi a été, selon lui, islamisé partiellement après la conquête des Almoravides en Afrique de l’Ouest, à la recherche de l’or, vers 1055. « Les habitudes primitives comme celles relatives aux sacrifices humains, existant au Soudan notamment dans les anciens temps, avaient été changées par l’immolation d’un taureau noir lors des lilat, soirées rituelles », a-t-il expliqué.

Les caravanes de commerce, qui passaient par le Soudan, avaient contribué à répandre le rituel du diwan en Afrique du Nord. « Au fil du temps, il y a eu un brassage entre la culture arabo-islamique, amazighe et les cultures africaines. Le diwan fut accepté au fur et à mesure par les sociétés prenant une forme spirituelle musulmane et sortant des espaces fermés »,  a relevé Bellaredj Boudaoud.


Bouderbala, Sergou et les autres

Au stade Mohamed Arfaoui, les soirées musicales se poursuivent en présence d’un public assez nombreux. Lundi 18 octobre, la troupe Al Asil d’Ain Sefra a interprété le célèbre bordj (morceau) « Bouderbala » ou l’homme qui porte la peau du mouton sur le dos. Un musicien a joué ce personnage dans une forme théâtrale originale.


Le jeu explique le sens du bordj, exécuté à fort appui du tambour et des karkabou. Pour le bordj dédié au wali Abdallah, « Abdallah zorou nabina »,  le personnage a utilisé une chaise et un carnet pour rappeler le travail de réflexion du savant qui faisait des louanges à Allah.


« Sergou » était le titre du dernier bordj. « Selon ce que l’on sait, ce bordj a un rapport avec Filala au Maroc. Pour le dernier bordj, le personnage a porté un étendar blanc qui évoque Al rassoul Mohamed, à l’occasion de la soirée du mawlid ennabaoui, la pureté de l’islam », a expliqué Khalil Didi, koyo bango (chanteur) de la troupe Al Assil.


« Nous avons été élevés dans l’univers du diwan »

La troupe Wlad ahl diwan Al Tarh de Béchar a été constituée en 2011 par des jeunes passionnés de la musique diwan. « Nous avons été élevés dans l’univers du diwan. Tous nos pères y étaient et ils y sont toujours. Notre première montée sur scène remonte à 2013 à Béchar, lors du festival national (transféré depuis à Ain Sefra) », a confié Abdelhalim Merzoug, excellent joueur de karkabous (instruments de percussions idiophones ).


D’autres troupes en compétition sont passées sur scène, chacune avec ses propres couleurs, comme celle de Dendoun de Biskra, la troupe de féminine de Ghardaïa, Diwan Saharian de Béchar et la troupe de Mostaganem.
Les deuxièmes parties de soirées ont été assurées par le groupe de Nora Gnawa, qui fait dans la musique moghrabi aux sonorités gnawies et populaires, et l’ensemble Abdelhakim Hamouda d’Adrar, qui interprète du chelali du Touat Gourara aux couleurs maghrébines.

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