Le réchauffement climatique, les crises sociales et écologiques ne mettront pas fin à la compétition mondiale. Le monde se prépare à certains tumultes. La compétition passera au travers de ces crises et la traversée ne sera pas égale pour toutes les sociétés. Certaines exporteront les confrontations physiques hors de chez elles, d’autres les importeront faute de n’avoir pu administrer leurs compétitions internes et externes.
Dans ce texte, je soutiendrai que les sociétés réussissent à administrer leurs compétitions dès lors qu’elles peuvent ajuster leurs préférences collectives, leurs politiques publiques et les orientations du marché mondial. De quoi dépendra demain, je répondrai de l’ajustement que nous aurons fait entre les propensions du monde, nos politiques publiques et nos préférences collectives. L’ajustement sera-t-il violent ? S’y préparer, pour s’efforcer de l’éviter.
De la compétition et de la guerre
Selon l’ex-chef d’état-major des armées françaises, le général François Lecointre, il faut « faire prendre conscience à nos concitoyens que le monde qui les entoure est un monde violent et qu’ils vont être rattrapés par cette violence très rapidement, quoiqu’il arrive, qu’ils le veuillent ou non ».
Son successeur, le général Thierry Burkhard, interpelle le politique moins violemment, il renverse le rapport de la violence et de la non-violence. On se trouve selon lui dans une période marquée par la « compétition permanente ». Il affirmait : « Avant, les conflits s’inscrivaient dans un schéma « paix / crise / guerre ». Désormais, c’est plutôt un triptyque « compétition / contestation / affrontement ». […] La compétition est devenue l’état normal, que ce soit dans le champ économique, militaire, culturel ou politique, et les conflits dits périphériques appartiennent à cette compétition.»[1]
Il semblerait que l’état-major français, avec son nouveau chef, se soit mis à l’école chinoise de l’art militaire. Dans la pensée chinoise, les contraires relèvent d’un processus de différenciation et d’indifférenciation, ils s’excluent pour se compléter, se substituer l’un à l’autre et non pour s’anéantir. Ils sont complémentaires et substituables : paix et guerre s’excluent, se complètent et se transforment l’un dans l’autre. Le général passe du couple de contraires guerre et paix, où les termes tranchent en apparence l’un sur l’autre, à l’opposition compétition guerre, où la complémentarité, la transformation d’un terme dans l’autre sont perceptibles. Ce n’est pas le schéma dans lequel s’inscrivaient les conflits qui a changé, c’est la perception qu’on en avait.
Observer que la compétition n’exclut pas la possibilité d’une contestation de ses résultats ou de ses conditions n’est pas rare, particulièrement dans les « sociétés périphériques » du monde capitaliste. La violence n’y est pas exclue au départ de la compétition, elle est seulement reportée et souvent amplifiée au terme de celle-ci. Cela rappelle la frontière entre les mondes dits barbares et civilisés.
Dans les sociétés européennes, la monopolisation de la violence s’est accompagnée de la formation d’un champ de compétition pacifié, réglé par le droit du « plus fort » qui s’illustrait par sa capacité à administrer la compétition en sa faveur et celle des participants. Alors que dans les « sociétés périphériques », comme l’illustrent parfaitement leurs compétitions électorales, la monopolisation de la violence ne suffit pas à créer un champ de compétition pacifié subordonné à une compétition militaire qui en est comme sa pointe. Il s’agit d’administrer une compétition (industrielle) civile en faveur d’une compétition (qui reste celle d’une industrie) militaire. Cette incapacité à administrer la compétition interne et externe est aussi une incapacité à faire faire corps, système, à la société dans un environnement adverse.
Ce dont on prend de plus en plus conscience aujourd’hui, c’est la solidarité de la compétition civile et de la compétition militaire. « Gagner la guerre avant la guerre », c’est gagner les compétitions en général, les petites avant les grandes, celles militaires supposant toutes les autres.
Aujourd’hui, la compétition mondiale s’est élargie à de nouveaux acteurs. Le reste du monde, en s’appuyant sur des puissances émergentes, veut avoir son mot à dire dans la définition des règles du jeu. Celles établies par les puissances occidentales, qui dominaient alors la compétition, sont retournées contre elles, perverties ou contestées.
Bref, la contestation et le détournement des règles de la compétition s’élargissent et les hommes de guerre français suggèrent de s’y préparer. Ils doivent être prêts à affronter la contestation, à faire face par la force aux faits accomplis. Mais ils ne veulent plus assumer seuls la défaite, en particulier lorsque « la guerre est perdue avant la guerre ». Car s’il s’agit de faire aussi face aux compétitions qui en amont de la contestation la préparent, si l’on veut triompher des futures confrontations, de la violence en aval des compétitions perdues.
Mais de ce retournement de situation, les anciennes puissances militaires savent aussi tirer profit. Gagner une guerre n’est plus gagner une guerre militaire, mais détruire les capacités ennemies. Les USA n’ont pas perdu la guerre en Afghanistan ou en Irak, ou comme on va répétant aujourd’hui qu’ils ne gagnent plus les guerres qu’ils engagent depuis le Vietnam. C’est isoler la guerre de la paix, ancienne habitude.
Il y a mauvais cadrage quand on parle de victoire ou de défaite. Le travail qu’a effectué la guerre est au-delà de ses résultats militaires. La société afghane comme la société irakienne ont été largement « défaites » par la guerre à leur libération de l’occupation étrangère. Tout comme la société algérienne à l’indépendance. Ces sociétés à la différence de la société vietnamienne par exemple, n’ont pas réussi à se réparer et à refaire corps dynamique et compétitif dans le monde.
Le militaire et le guerrier
Mais est-ce vraiment aux militaires de préparer la société à ces compétitions qui préparent les contestations et les affrontements en même temps qu’à un engagement de « haute intensité » ? Puisque compétitions, contestations et affrontements se tiennent désormais.
En période de contestation, l’homme de guerre, suite aux enseignements de « ses » échecs (détruire son ennemi), semble être mieux placé que l’homme politique pour prendre en considération les processus qui mènent de la compétition à la guerre et à l’échec de la guerre. Cependant, si la guerre se gagne en amont, dans la compétition et non dans la guerre elle-même, comment l’homme de guerre pourrait-il être plus efficace que l’homme politique ? Le militaire (plutôt que le guerrier, pour nous le moudjahid, pour d’autres le samouraï) se laisse souvent séduire par son équipement, accorde une trop grande importance aux dépenses militaires au point que ce sont ses équipements qui décident à sa place des guerres qu’il doit mener[2].
Il y a une différence entre celui qui invente ses armes pour faire ses guerres, et qui de surcroit à la suite de ses succès peut exporter son « industrie », et celui qui se bat avec des armes qu’il n’a pas inventées pour faire « la » guerre, une guerre qui n’est probablement pas la sienne.
Comment le militaire pourrait-il mobiliser le citoyen autrement qu’en l’engageant dans la guerre ? « Gagner la guerre avant la guerre » signifie gagner les compétitions qui « arment » la guerre en amont. Alors en quoi est-ce l’affaire du militaire ? Le militaire pourrait-il se transformer en homme d’influence, en homme d’affaires ou faudrait-il au contraire que les hommes d’argent et de « soft power » se transforment en guerriers ?
Le citoyen en lutte contre l’injustice, qui veut être considéré comme un égal et veut entrer en compétition, rentrera en confrontation s’il en est empêché et en guerre si pour sa conquête il est prêt à donner sa vie. Son esprit de compétition peut se transformer, s’apparenter à un esprit guerrier. Le Japon et l’Allemagne ont montré qu’il ne suffit pas de priver une nation de son corps militaire pour les priver d’un esprit de battant.
Esprit guerrier que l’on ne refuse pas d’accorder aux protagonistes des grandes compétitions. Il est vrai qu’un tel esprit de n’est pas la caractéristique dominante du salarié habitué à tenir sa place. Il pourrait être « incorporé », mais pas vraiment prédisposé. Ce que je veux dire c’est que la continuité de la compétition et de la guerre se retrouve normalement dans chaque individu en lutte pour la justice. La différenciation entre le civil et le militaire doit pouvoir être « rétractable », autrement, dans les « guerres hybrides » d’aujourd’hui, la victoire ne peut pas être au bout de la peine ou du fusil.
Pour pallier à la rigidité de la différenciation du civil et du militaire dans les sociétés complexes, ou dans celles qui émergent et l’importent, on recourt à l’armement idéologique : communisme, populisme ou nationalisme. Mais l’on comprend mieux pourquoi un tel « armement » ne suffit pas pour armer « la guerre avant la guerre ». L’idéologie doit faire faire corps.
Il y a des sociétés, les sociétés centrales, où il y a continuité de la compétition et de la guerre, de l’industrie civile et de l’industrie militaire, et des sociétés, les sociétés périphériques, où il y a discontinuité. Dans les sociétés centrales, les « bandes » de marchands qui ont conduit à la domination, commerciale puis industrielle du monde, se sont inspirées des bandes de guerriers[3]. Il y a les sociétés qui sont passées de la guerre à la compétition : les sociétés européennes avec le Japon plus tard.
Aujourd’hui les sociétés postcoloniales sont sorties de la guerre, quelques une d’entre elles s’efforcent de se faire accepter dans la compétition, la grande majorité n’y parvient pas, ce qui livre leur population à la dispersion et à la confrontation. Les harraga vont à la confrontation, à la « guerre ».
En vérité, la majorité des sociétés postcoloniales qui sont sorties victorieuses d’une confrontation sur leur territoire n’arrivent pas entrer dans la compétition mondiale. Elles n’ont pas su faire la part des compétitions internes et externes. Elles n’ont pas su administrer une compétition qui soit inclusive en interne et à leur mesure en externe. Elles n’ont pu ainsi s’organiser pour franchir les barrières à l’entrée de la compétition mondiale. Ce dont se rend compte l’homme de guerre occidental, c’est le manque d’attention qu’il avait prêtée aux résultats ambivalents de ses « petites guerres ».
Les Chinois ont réussi à bousculer ces barrières et préviennent qu’ils continueront à le faire. Ils préparent à la guerre qu’il sait l’opinion mondiale vouloir éviter, la compétition leur étant de plus en plus déniée, pour ne pas avoir à la faire. Compétition déniée non seulement dans les secteurs de pointe, mais aussi dans ceux manufacturiers de base.
La Chine avec son marché intérieur a cependant les moyens de défier les puissances dominantes. Aussi y a-t-il peu de chance que l’Allemagne se soumette aux États-Unis et compte sur eux pour faire de l’Europe une puissance mondiale. La Grande-Bretagne s’est décidée à dériver de l’Europe, l’Europe pas encore des États-Unis.
Avec le nouveau schéma, compétition/confrontation/affrontement, le mythe de la séparation comme discontinuité du civil, du politique et du militaire apparait. La séparation est différenciation, elle ne remet en cause la continuité que lorsque la relation se fige, se solidifie sous certains effets. Quand les corps particuliers ne communiquent plus, n’arrivent plus à faire corps dans leur environnement commun.
Qui est en effet premier la guerre ou la compétition ? Je soutiendrai que la guerre a été première et que la compétition a été sa servante. Le développement des armes avec la maitrise du feu, la transformation de la matière en chaleur et énergie, a conduit le progrès technologique. Avec l’accumulation du capital, la guerre est devenue économe des ressources, économique.
Les guerres ont été externalisées, portées hors économie dominante. Leurs coûts y auraient été plus importants que leurs bénéfices. Ainsi, les civils engagés dans la compétition économique n’ont plus été transformés en esclaves par la guerre. De plus les travailleurs libres étaient plus motivés.
La direction de la société appartient toujours au politico-militaire à qui il revient de mobiliser la société et ses deux industries ; à qui il revient de veiller à ce que la compétition ne se transforme pas en guerre destructrice du capital des deux industries ; à ce que la guerre mette fin à la série de défaites non militaires en détruisant seulement le capital de la puissance émergente. Il reste que les sociétés peuvent se partager sur la définition du politico-militaire selon la continuité ou la discontinuité de la société civile et militaire, la discontinuité ou la continuité de la société civile et de la société politique.
Les « vieilles » sociétés européennes ont distendu et solidifié la relation après l’avoir structurée dans une relation de classes, puis professionnalisée et hiérarchisée. Au contraire des autres sociétés. Celles d’Asie orientale et du nord de l’Europe n’ont pas transformé la séparation en discontinuité. Celles postcoloniales ont du mal à différencier leur relation, le « militaire » budgétivore s’est substitué au guerrier, et ne permet pas la conversion de l’homme de guerre en homme d’influence/d’intelligence ou d’affaires.
Le politique se développe sur la base d’une société civile atrophiée. Il en est résulté un homme politique désincarné, désarmé, car les armes du politique sont dans la finance et le savoir, les désirs et les croyances. Il doit y avoir du guerrier dans ces différents types d’hommes pour qu’il puisse y avoir continuité de la compétition et de la guerre ; du guerrier, non pas pour gagner la guerre, mais pour savoir éviter les chemins qui mènent de la compétition victorieuse à la confrontation, puis de la confrontation à la guerre destructrice de capital ; pour éviter les impasses de la compétition, gagner les compétitions sans aller à la guerre pour perdre son capital.
Pour emporter la guerre, sans la faire ou avant de la faire, il faudra mobiliser de plus nombreux diplomates dans la compétition, mais il faudra aussi être prêt pour affronter la guerre qu’on n’aura pas choisi de faire et qui aurait pour objectif de détruire le capital accumulé.
La société et son environnement
Dans le cadre d’une compétition qui s’est élargie à de nouvelles puissances et qui s’intensifie de ce fait, il s’agira de savoir quelles sociétés souffriront le moins de leurs compétitions, des divisions sur lesquelles les sociétés rivales ne manqueront pas de jouer ; il s’agira de savoir quelles sociétés pourront dominer la compétition, imposer et partager leurs règles. Nous allons évoluer dans un monde où la compétition autour des ressources naturelles va se faire de plus en plus rude. Les guerres civiles africaines n’en sont qu’un avant-goût.
Il s’agira moins de savoir quel système social offre le système économique le plus productif, que de déterminer quels systèmes sociaux seront en mesure de mieux faire face à leurs besoins, aux conditions de leur satisfaction donc aux crises sociales et écologiques ainsi qu’à la compétition internationale[4]. En d’autres termes, quelles sociétés réussiront à faire corps avec leur système social, car les systèmes économique et politique n’en sont que des spécifications. Il n’y a pas de système social, économique et politique universel, autrement dit et comme il est dit désormais très souvent, il n’y a pas un capitalisme, mais des capitalismes.
Nous assistons certes à une compétition de modèles sociaux, hier entre celui du socialisme et du capitalisme, aujourd’hui entre capitalismes différents (scandinaves, anglo-saxons, chinois et autres), la réelle compétition n’étant pas entre les systèmes politiques comme voudraient le faire croire les démocraties occidentales et les institutions internationales aux « sociétés émergentes ». Et une telle compétition ne tend pas à universaliser un modèle, ou autrement dit sa diffusion ne tend pas à le généraliser, même si son succès suscite l’imitation.
La bonne copie ne dépend pas que du respect dû au modèle, de la conformité à l’original comme pour une photocopie, elle dépend aussi de ce qui le copie, de la société qui le copie, autrement dit, de ce que la société fait de la copie et de ce que la copie du modèle fait de la société. Bref, la bonne copie est ce qui permet à la société de faire système, emprise sur elle-même et son environnement. Le vrai problème est non pas donc de savoir quel est LE système social et économique qui offre le plus de sécurités et de libertés, quel est celui qui combine le mieux solidarité et compétition en général, mais quelles sont les sociétés qui font le mieux, meilleur système, avec leurs désirs et leurs ressources.
Pour les « sociétés émergentes », la question est de prêter attention à celles d’entre elles dont l’expérimentation a réussi. Elles sont souvent celles à qui l’Occident prête le moins d’attention[5]. Car, ces sociétés ne peuvent pas échapper à l’imitation, à l’expérimentation des réussites étrangères pendant la période où il leur faut rattraper le monde avancé. Elles ont à imiter, à imiter la réussite des autres pour ne pas réinventer la roue. Il doit donc être évident que l’expérimentation d’une expérience étrangère ne peut ignorer les différences de conditions de réussite chez le modèle et d’expérimentation chez l’imitateur. Un modèle ne peut pas passer aussi facilement de l’Asie orientale à l’Afrique, comme un modèle a pu le faire entre l’Europe et l’Asie féodales.
L’Afrique a besoin de se découvrir dans l’expérimentation. Un modèle ne doit être tenu que comme un prétexte à expérimentation et à révélation de soi dans une réussite. C’est la réussite de l’expérimentation qui consacre le modèle et son protagoniste. Le problème pour les « sociétés émergentes » est le manque de confiance en elles-mêmes. Cette faiblesse leur interdit d’expérimenter, confie leur expérimentation à des experts étrangers. Il faut consacrer à la confiance sociale, au capital social, plus de soin.
La démocratie tunisienne nous dit quelque chose du rapport entre les différents « systèmes » : la solution politique à la crise économique et sociale n’est pas comprise dans la démocratie représentative. Il ne suffit pas d’élire un parlement pour résoudre la crise. La solution est de l’ordre de la différenciation, de la structuration des systèmes, du système social et de ses sous-systèmes économique et politique. Il ne faut pas inverser le rapport du système social et du système politique.
Le système politique est un sous-système des systèmes social et économique. La solution est d’abord de l’ordre de l’organisation de la coopétition (compétition et coopération) sociale (interne et externe). Quand on pense que le régime politique peut engendrer un système social et économique, on finit par se rendre compte que la « superstructure » politique est vide de l’intention qui en ferait un instrument de la transformation des « infrastructures » sociales et économiques.
Systèmes sociaux et capitalismes
Pour le sociologue danois Gosta Esping-Andersen, à l’aube du XXIe siècle, l’État-providence occidental qui a résulté de la compétition des deux systèmes sociaux capitaliste et socialiste du XX° siècle est en crise. Cette crise se caractérise par la globalisation, le choc démographique et l’instabilité de la famille. Les capitalistes peuvent mettre en concurrence les travailleurs de différents pays, les sociétés industrialisées n’arrivent plus à se reproduire démographiquement et la famille traditionnelle se disloque étendant la pauvreté enfantine.
Il distingue trois types de systèmes sociaux, trois grandes formes de relations modernes entre État, marché, classes sociales et genres, trois modèles qui n’existent pas à l’état pur, même si l’on peut dire que l’État libéral caractérise les pays anglo-saxons dont le Canada, l’État corporatiste : l’Allemagne, la France et l’Italie, et l’État social-démocrate : les pays scandinaves[6].
Le philosophe Philippe Van Parijs a théorisé une solution originale pour réformer l’État providence : une allocation universelle versée à tous de manière inconditionnelle tout au long de la vie. Cette solution permettrait de traiter le problème de la polarisation du marché mondial du travail qui s’accentue avec la compétition internationale.
La majorité de la population ne tiendrait plus son revenu de sa performance économique. Elle conviendrait à l’État/état libéral, dans la mesure où elle permettrait d’autonomiser le système économique vis-à-vis du système social. Le système économique serait ainsi débarrassé de la contrainte sociale et pourrait assumer une polarisation du marché du travail poussée.
Une telle autonomisation du système économique suppose un système social compétitif et performant, refusant sa dualisation, partageant un même esprit, en mesure de redistribuer une certaine part de son revenu. Il faut admettre qu’une telle solution peut-être plus facilement adoptée par l’Etat/état social-démocrate qui compte déjà sur un esprit collectif et une forte redistribution et des services publics performants.
La démarchandisation de certains services, autrement dit la part de la consommation collective dans la consommation globale y serait clairement établie et assumée. Il semble même que cet ancien type social-démocrate d’État-providence est en passe de mieux représenter le nouveau type libéral d’État-providence alors que l’ancien type libéral serait plus exposé à l’explosion des inégalités. Par contre on peut constater que l’État-providence de type corporatiste a plus de difficulté à progresser dans la libéralisation. Il est moins bien adapté au développement des inégalités et à la polarisation du marché du travail.
On continue à opposer le système chinois aux systèmes occidentaux au travers de leur système politique. On oppose couramment les systèmes sociaux au travers de leur système politique : systèmes démocratiques et non démocratiques, systèmes démocratiques libéraux et illibéraux. Mais comme nous l’avons vu avec l’exemple tunisien, cette caractérisation est superficielle, elle déduit le système social du système politique. Le système social chinois ne connait pas la crise qui affecte l’État-providence occidental.
La politique de l’enfant unique a certes eu des conséquences sur la reproduction démographique et donc économique, mais le système social ne traite pas cette crise de la même manière que les sociétés occidentales. Elle n’a pas le même effet sur le système de sécurité sociale. Celui-ci compte sur la famille et son épargne et non sur la redistribution étatique. Dans le système social chinois, les rapports entre l’État, le marché et la famille sont différents.
L’État est considéré comme un prolongement de la famille, il n’a pas tendance à se substituer à elle. Pour simplifier, l’État peut être vu comme une grande famille qui administre la compétition entre ses membres. Il n’y a pas de discontinuités entre État, marché et société contrairement aux sociétés occidentales qui confondent encore séparations et discontinuités.
Les leviers de la transformation sociale
On peut distinguer trois leviers de la transformation sociale : la propriété au travers de la production, les préférences collectives au travers de la consommation et le citoyen au travers de la loi. Les propriétaires décident de l’usage des moyens de production et donc de la production, les consommateurs de la validation d’une production et de ses conditions, la loi des incitations et des prohibitions générales à la production et à la consommation.
Le second levier, celui des préférences collectives, est exclu par le libéralisme occidental et la science économique mainstream qui sépare les préférences de l’individu de celles de la société par le marché. Les préférences ne relèveraient pas de la concertation sociale, mais de chacun et de la compétition marchande. Ce levier qui est refusé théoriquement commence à être mobilisé pratiquement, mais plutôt dans la pratique politique et pas encore dans la pratique économique.
Les individus concédant encore à la science économique des préférences individuelles et préférant ne pas se concerter en matière de consommation. Et pourtant le consommateur pourrait décider de favoriser ou défavoriser une consommation selon la combinaison de facteurs utilisée pour sa production. La fonction de redistribution accordée par la science économique mainstream à l’État qui ne modifie pas les conditions de production, serait ici court-circuitée par le consommateur qui prendrait en compte les conditions de production. Ce ne serait plus seulement au producteur de décider s’il faut substituer du capital au travail, mais aussi au consommateur.
La compétition ne séparerait plus les producteurs et les consommateurs, plus précisément les consommateurs prendraient le droit de se mêler de la compétition des producteurs. Les producteurs dominants se mêlant depuis longtemps de la compétition des consommateurs.
La règle du profit ne serait plus seule à définir son champ d’application, le profit ne serait plus acceptable dans les conditions qui ruinent le capital dans ses formes sociales, humaines et naturelles. Le consommateur stratégique prendrait en compte la distribution globale de revenu et donc de sa production dans ses choix de consommation.
Le consommateur ne viserait plus seulement à optimiser sa consommation, son revenu étant donné, mais aussi celui-ci. La production qui réaliserait le plein-emploi du capital humain, la préservation du capital social et naturel, autrement dit une croissance inclusive, serait validée par la consommation, celle qui aurait tendance à concentrer les revenus, à disqualifier le facteur travail et détruire le capital social et naturel, ne serait pas validée.
Les Chinois n’opposent pas la globalisation à la souveraineté. La souveraineté n’a d’avenir que dans la globalisation, la compétition internationale n’en décidera pas autrement. Leurs économistes opposent un circuit intérieur et un circuit extérieur dont la complémentarité permet à la société à faire corps, système, dans la globalisation. Il est vrai que la différence de la taille de marché est importante, mais elle n’est pas décisive. On peut faire la différence entre produire pour la consommation de l’étranger et produire pour consommer soi-même et assumer les relations d’interdépendance que cela suppose. Une frontière peut être nettement établie en jouant des trois leviers précités.
L’économiste du développement Dani RODRIK envisage la mise en action du levier de la propriété. Selon lui, comme il l’a fait devant la menace d’une révolution socialiste, le capitalisme doit faire face à la menace qui pèse aujourd’hui sur l’économie mondiale : celle d’une technologie destructrice d’emplois et concentratrice du revenu. On peut supposer que la crise de l’énergie ne réduira pas cette tendance, mais affectera la façon dont les sociétés en traiteront.
La compétition internationale tend à substituer du capital au travail de l’homme et les gains de productivité tendent à revenir aux propriétaires des machines et des nouvelles technologies. Il faut, selon cet économiste de renommée mondiale, une fois de plus que le capitalisme se réinvente. Comme dans le cadre de l’État-providence, l’État doit jouer un rôle considérable. Dany Rodrik suggère la mise en place d’institutions adaptées à des fonds publics de capital-risque par lesquels la société par l’intermédiaire du gouvernement serait ainsi copropriétaire de la nouvelle génération des technologies et machines.
Discordance et concordance des leviers.
Pour l’ingénieur polytechnicien Jean Marc Jancovici, la crise économique est énergétique en premier lieu[7]. L’humanité ne peut plus continuer à multiplier les esclaves mécaniques à son service, il lui faudra réduire sa consommation de matières premières et d’énergie fossile. Il propose un plan de sortie de crise qui envisage la mise en action de politiques publiques tout en conseillant de bonnes actions individuelles. Comme dans la science économique standard, il n’est pas question de préférences collectives[8].
Ses propositions n’excluent pas la possibilité d’user du levier de la propriété en adoptant la proposition de Dani Rodrik. Il reste que ses propositions se heurtent à une difficulté : conformément à l’idéologie économique, les producteurs ne concèdent pas aux consommateurs le pouvoir de définir leurs préférences collectives et les individus ne sont pas disposés à « jouer collectif » et à exercer cette capacité.
Apparait alors un gap entre les préférences collectives révélées par le marché et les objectifs des politiques publiques. Ce que s’accordent les citoyens politiquement ne correspond pas à ce que leur compétition révèle, il y a alors discordance entre les intentions publiques et les réalisations. Cette discordance se retrouve entre leur forte demande d’intervention publique et leur forte aversion à l’impôt. Cela du fait que les préférences collectives n’y sont pas suffisamment déterminantes pour orienter et accorder les politiques publiques et le marché. Car il y a bien solidarité entre ces trois dimensions, contrairement à ce que refuse l’idéologie de l’homo oeconomicus, et placer les préférences collectives après les politiques publiques (l’Etat) et la compétition (le marché) dans l’ordre de leur détermination casse leur continuité et leur unité.
Les sociétés qui font passer l’individu avant le groupe et après l’Etat ou le marché, continuent de séparer la politique publique pour laquelle les citoyens accordent leur suffrage, de leur comportement privé. Autrement dit, elles continuent de séparer leur comportement politique, de leur comportement social et économique. Ce n’est pas aussi aux citoyens (par les moyens de l’État et du marché) de réaliser les objectifs publics, mais seulement à l’État.
Le citoyen, le consommateur et le producteur propriétaire ne sont pas pris pour une seule personne, mais trois personnes dans trois silos différents. L’individu ne vote pas avec son argent, ou seulement en politique (USA). L’Union européenne est un bon exemple : il y a égalité devant la loi pour autoriser la différenciation (l’inégalité) par la compétition[9]. Par exemple, tout le monde doit pouvoir être libre de choisir l’école de ses enfants, mais chacun choisira parmi des écoles de qualité différente : préférence pour l’égalité politique et juridique (égalité des chances), préférence pour l’inégalité en matière de comportement privé.
On confiera ensuite la réparation des torts, que cause la compétition à la solidarité, à l’État. Avec la solidarité publique, une discontinuité est introduite entre compétition et solidarité, la solidarité intervient en fin de parcours, ce qui la fait souvent oublier. On assiste alors à une discordance entre une demande importante d’État d’un côté et une grande aversion à l’impôt d’un autre.
Alors que lorsque la solidarité est confiée à la communauté (sociétés scandinaves), elle ne manque pas de se manifester dans une compétition contenue (exemple souvent cité de l’école finlandaise en matière d’éducation), lorsque la demande de solidarité est adressée à la communauté nationale, elle s’accompagne d’un consentement à l’impôt.
Ce type de sociétés qui ne veulent pas reconnaitre de préférences collectives aux citoyens autres que celles que définit le marché, aboutissent à une discordance entre les intentions publiques et les comportements privés, elles ont quelque chose de schizophrénique et ont du mal à faire corps dans la globalisation, à réaliser l’unité de la décision collective au travers la continuité de la propriété, des préférences collectives et des politiques publiques.
Elles ne peuvent pas réaliser une identité de la production et de la consommation qui soit de plein emploi du capital humain et de préservation/amélioration du capital naturel. Car il y a bien continuité entre préférences collectives, distribution de la propriété et politiques publiques, chaque terme pouvant affecter l’autre. Les sociétés individualistes ne peuvent pas séparer les préférences que dictent la production mondiale et celles collectives qu’elles pourraient adopter pour constituer un circuit interne de leur économie dans la globalisation.
Le consommateur qui se soumet à la loi du consommateur de la science économique mainstream – maximiser l’utilité de son revenu et non pas de son revenu futur, n’a pas de prise sur la production, locale et mondiale. Dans les sociétés individualistes, c’est l’État et/ou le marché qui réalisent l’unité des préférences collectives au travers des politiques publiques et/ou des politiques producteurs qui dominent le marché.
Par différenciation à ces sociétés, celles qui ne posent pas le primat de l’individu réalisent l’unité des politiques publiques et des orientations du marché par le moyen de leurs préférences collectives. La compétition n’ignore pas les préférences collectives qui sont à son départ, les préférences collectives n’ignorent pas la compétition des producteurs et ce qu’il en résulte. Les préférences collectives sont au départ des politiques publiques et au bout des politiques des producteurs.
Or l’État national n’est plus en mesure de déterminer les orientations du marché mondial et les producteurs globaux n’abandonnent pas la définition des préférences collectives à la société. Le marché mondial tend alors à configurer le marché intérieur. À moins que cette société et cet État aient un rôle leader dans l’économie mondiale.
Selon Jancovici, pour que la société puisse continuer de progresser, il faut inventer une Europe post-carbone. « Cette invention est le souffle neuf dont l’Europe a besoin, et qu’elle peut offrir au monde pour empêcher la ruine des conditions de vie sur Terre. »[10]
Selon lui, l’Europe devrait adopter les neuf propositions suivantes pour changer d’ère et l’individu, pour bien faire faire, devrait adopter certaines conduites.
Pour l’Europe, il s’agirait :
1. Fermer toutes les centrales à charbon. Substitution par les énergies renouvelables et/ou le nucléaire, en fonction d’une réévaluation des coûts économiques et écologiques (gestion de l’intermittence, sécurité, etc.) de chaque filière.
2. Généraliser la voiture à moins de 2L/100km.
3. Accomplir la révolution du transport en ville. Poursuite du développement des transports collectifs en site propre, en synergie avec le vélo, encouragement du covoiturage, développement des réseaux de bus express dans le périurbain, limitation de l’étalement des villes.
4. Relier les grandes métropoles par des trains rapides. Priorité au train pour le transport de passagers à moyenne distance, grâce en particulier à l’amélioration des réseaux existants et à l’extension des lignes à très grande vitesse. Le but : diviser par deux le recours aux véhicules particuliers.
5. Inventer l’industrie lourde post-carbone. Priorité à l’économie circulaire et à l’écoconception, renforcement du marché européen des quotas d’émissions, soutien à la recherche, notamment sur la capture-séquestration du CO2, afin de diviser par deux les émissions du secteur.
6. Rénover les logements anciens. Vers la sobriété énergétique et une isolation optimale pour la quasi-totalité de l’habitat construit avant 1990, et décarbonation du chauffage (pompes à chaleur, bois, solaire thermique), afin de diviser par quatre les émissions des chauffages résidentiels.
7. Lancer le grand chantier de rénovation des bâtiments publics. Rénovation systématique des bâtiments publics non-résidentiels (écoles, hôpitaux, etc.) à un rythme de 3% du parc par an, grâce à la mise à disposition d’outils de financement de long terme et à taux d’intérêt bas. Le but : des bâtiments publics à consommation d’énergie quasi nulle.
8. Développer la séquestration de carbone par les forêts européennes. Soutien aux investissements dans les matériaux « bio-sourcés » locaux ainsi que dans la reforestation, limitation de l’artificialisation des terres.
9. Réussir le passage à l’agriculture durable. Division par deux du gaspillage alimentaire. Pour l’élevage, priorité à la qualité et non à la quantité (via des politiques de label et d’origine protégée des animaux), à l’adaptation des modes de rémunération des éleveurs et à la reforestation[11].
Pour les individus, il établit une liste de bonnes pratiques dont il s’efforce de chiffrer l’efficacité et l’impact financier. Il les classe selon la difficulté[12].
1. Très facile : baisser la température l’hiver de 1°C dans les lieux chauffés. Utiliser le moins possible la climatisation en voiture. Ne pas regarder la publicité (et surtout éviter que ses enfants la regardent !)
2. Facile : penser à la manière dont on va se déplacer avant de déménager. Manger le moins de viande possible, et au sein de la viande, le moins de bœuf possible. Acheter une voiture sans climatisation. Acheter une petite voiture. Acheter une voiture hybride.
3. Moyennement difficile : ne pas prendre l’avion. Ne pas acheter américain. Baisser la température au maximum dans son lieu d’habitation. S’organiser avec des collègues de travail pour partager les voitures pour le déplacement domicile-travail. Isoler thermiquement sa maison du mieux possible. Faire le plus possible ses courses chez les commerçants de proximité, y aller de préférence à pied ou à vélo. Ne pas se faire livrer les choses achetées par correspondance en 24H chrono. Boire l’eau du robinet. Manger des produits de saison et cultivés ou élevés localement.
4. Difficile : prendre les transports en commun plutôt que la voiture pour aller au travail. Vivre en appartement et non en maison. Laisser sa voiture au garage et prendre le train pour les déplacements de quelques centaines de km. Utiliser des modes non motorisés pour ses déplacements de proximité. Remplacer sa chaudière au fuel par une chaudière à gaz. Installer un chauffe-eau solaire. Acheter le moins possible de produits avec beaucoup d’emballages. Acheter le moins possible de produits manufacturés. Ne pas avoir de chien (spécialement en zone urbaine) 5. Très difficile : déménager pour moins se déplacer. Devenir travailleur à domicile. Ne plus avoir de voiture du tout quand on en avait une[13].
Pour conclure ce texte, je reviendrai à l’exemple de la Tunisie en posant la question suivante : la démocratie représentative est-elle le meilleur système de coordination pour ajuster les préférences collectives, les politiques publiques et le marché ? Car il est possible d’ajuster les préférences collectives proprement dites et le marché, c’est-à-dire les préférences des individus avant la compétition et celles révélées après la compétition. Comme il est possible d’ajuster les politiques publiques et les pratiques des individus et collectivités.
Les élus pour gagner les suffrages de leurs électeurs n’ont-ils pas tendance à décharger les citoyens de leurs responsabilités, à privilégier leur carrière ou fortune et à distribuer les faveurs ? Les citoyens n’ont-ils pas aussi tendance à surcharger les élus, même si c’est sans trop d’illusions ? La démocratie représentative peut-elle mettre les citoyens en situation de mettre en cohérence leurs préférences et celles du marché mondial, de mettre les élus en situation de mettre en cohérence les préférences collectives, les politiques publiques et le marché mondial ?
La loi n’est plus extérieure à la société, elle n’est effective que si elle s’inscrit dans le cours du monde et des préférences collectives. Elle a besoin d’une société qui puisse faire corps dans un environnement donné, ayant prise et action sur lui et sur elle-même.
[1] Le Monde du 05.10.2021.
[2] “These two sentences, “fight the fight that fits one’s weapons” and “build the weapons to fit the fight,” show the clear demarcation line between traditional warfare and future warfare, as well as pointing out the relationship between weapons and tactics in the two kinds of war. The former reflects the involuntary or passive adaptation of the relationship of man to weapons and tactics in war which takes place under natural conditions, while the latter suggests the conscious or active choice that people make regarding the same proposition when they have entered a free state.” Unrestricted Warfare, Qiao Liang, Wang Xiangsui, PLA Literature and Arts Publishing House, 1999.
[3] Je ne me souviens plus si c’est à F. Braudel qu’il faut se référer ici ou à G. Duby.
[4] Selon Pierre Rosanvallon par exemple : « C’est au niveau de la société et des rapports sociaux qu’elle (la crise de l’État-providence) se joue. Le véritable enjeu est celui d’un nouveau contrat social entre les individus, les groupes et les classes. Le principal blocage de l’État-providence est, finalement, d’ordre culturel et sociologique. … la crise de cet État-providence … doit simultanément être comprise comme crise d’un modèle de développement et crise d’un système donné de rapports sociaux. »
[5] Acemoglu et Robinson donnent l’exemple du Botswana. Dans l’actualité africaine, ce n’est évidemment pas de lui que l’on parle. Pourquoi les nations échouent : les origines de la puissance, de la prospérité et de la pauvreté. Markus Haller. 2015. Genève.
[6] Gøsta Esping-Andersen. Les trois mondes de l’État-providence. 1990. Paris. PUF.
[8] [8] Sur la question de l’existence des préférences collectives voir les travaux d’Amartya SEN.
[9] Finalement pour une hiérarchie des nations que les moins puissantes refusent d’accepter.
[10] https://decarbonizeurope.org/
[11] Ibid..
[12] https://jancovici.com/changement-climatique/agir-individuellement/effectuer-sa-ba-pour-agir-contre-le-changement-climatique-quelques-ordres-de-grandeur/
[13] Ibid.