De 1830 à 1962, il existe une seule constante dans l’histoire de l’Algérie coloniale : l’élite militaire française, polytechniciens et saint-cyriens réunis, s’est illustrée dans la barbarie et la sauvagerie répressive, faisant fi des principes les plus élémentaires de la chevalerie militaire dont elle s’auréole de façon grandiloquente à la moindre occasion.
Tous ces personnages prétendument héroïques ou légendaires, furent en réalité les miasmes d’une histoire mille fois tragique. Leurs noms à écorcher les oreilles de nos aïeux, incongrus sur cette terre, ont vérolé pendant longtemps, trop longtemps, la géographie de notre pays, parfois hélas bien au-delà de l’indépendance.
Ces grands généraux que leur patrie reconnaissante honore encore jusqu’à aujourd’hui, hante notre histoire nationale et leurs « hauts faits de guerre » résonnent dans nos mémoires comme les sabots des cavaliers de l’apocalypse.
Parmi les méthodes diaboliques expérimentées pendant la conquête de l’Algérie, deux tiennent le haut du pavé par leur caractère particulièrement odieux : l’enfumade et l’emmurement et ont donné une funeste célébrité à deux personnages : Pélissier et Canrobert.
Saint-cyrien, affublé du doux prénom d’Aimable (ce qu’il ne fut jamais pour nos compatriotes), Pélissier est un officier français qui prit part à l’expédition de 1830 contre l’Algérie. En 1844, il revient en Algérie où il « s’illustre » de façon particulièrement inhumaine dans ce que l’on a appelé « les enfumades du Dahra » en 1845. Le Dahra est un massif montagneux situé entre Ténès et Mostaganem, avec un terrain particulièrement accidenté. Plus d’un millier de personnes avaient trouvé refuge dans des grottes, nombreuses dans la région, croyant ainsi pouvoir échapper à la soldatesque française. Pélissier donna l’ordre de boucher les issues des grottes avec des branches d’arbres et d’y mettre le feu, tuant par asphyxie tous ceux qui s’y trouvaient, n’épargnant ni les femmes, ni les enfants, ni les vieillards. Pélissier explique lui-même sa méthode : « Je fais hermétiquement boucher toutes les issues et je fais un vaste cimetière. »
Son exploit accompli, Pélissier est nommé général de brigade par Bugeaud, qui ne tint aucunement compte du scandale soulevé malgré tout dans certains milieux à Paris. Il sera même nommé gouverneur général de l’Algérie en 1851. Les enfumades étaient une pratique courante dans l’armée française : elles ont été inaugurées en 1841 par Cavaignac. Elles étaient destinées à saper le moral des Algériens et casser leur résistance.
Canrobert, maréchal de France, adopte quant à lui l’emmurement, faute de bois, lors d’une expédition toujours dans le Dahra : « Comme il n’y a pas de bois, je bouche l’entrée de la caverne avec des pierres. » Après quoi, il est fait chevalier de la légion d’honneur. Il s’illustre également lors du siège de Zaatcha qui se termine par le massacre de tous ses habitants , après la décapitation de tous les chefs, dont les crânes , trophées dérisoires pour une France indigne, font encore l’objet de « négociations ».
Selon l’historien Charles-André Julien, « il est probable que la pratique des enfumades et des emmurements fut plus fréquente qu’il n’y paraît. »
Certains esprits tourmentés ou adeptes de l’objectivité historique (qui n’existe pas : l’histoire est écrite par les vainqueurs pour les vainqueurs) objecteront que Abdelkader et ses troupes n’étaient pas en reste et savaient se montrer intraitables. Mais Abdelkader n’a jamais tué un français sur le territoire français.
Les Français ont bien raison, une fois n’est pas coutume, d’évoquer les bienfaits de la colonisation. C’est ce que l’Algérie fut pour tant d’entre eux et d’ailleurs : un bienfait. Un bienfait inespéré pour les miséreux de l’Europe entière : français bien sûr, italiens, espagnols, maltais, alsaciens, etc…
A. de Tocqueville, élite intellectuelle et littéraire, a écrit dans son « Travail sur l’Algérie » : « Aux colons venus du continent, le règne du droit ; aux Arabes et aux Kabyles, ni égalité, ni libertés civiles, ni universalité de la loi ni aujourd’hui ni demain. »
On entend depuis quelques temps, par-ci par-là, que d’anciens pieds-noirs veulent récupérer leurs biens abandonnés en 1962. Nous sommes en plein délire surréaliste.
Comment, après nous avoir infligé l’enfumade et l’emmurement, le cantonnement et le séquestre, la responsabilité collective, le code de l’indigénat, l’assassinat systématique et planifié de populations entières, certains osent espérer pouvoir récupérer le fruit de leurs rapines. Comment cette idée peut-elle seulement effleurer leur esprit ? Inconscience ou culot ? On se pose la question.
Il faut dire que l’attitude ambiguë de nos dirigeants, à un moment ou un autre, a pu faire naître chez certains quelque espoir. Souvenez-vous de l’affaire Macias ?