Plus de 99 % des zones boisées d’Algérie sont confrontées à un risque d’incendie moyen ou élevé, selon un rapport de la Banque Mondiale.
Dans le chapitre consacré aux catastrophes naturelles contenu dans le « Rapport de suivi de la situation économique » en Algérie, élaboré par la Banque mondiale et publié ce mois de décembre, il est précisé que le nombre de départs de feu augmente depuis 2010 et la période de surveillance et de mobilisation des services de lutte contre les incendies de forêt « a été allongée depuis les incendies de 2016 et 2020 ».
« Les pertes annuelles sont estimées entre 15 et 19 millions de dollars. En 2020, l’indemnisation versée aux victimes s’élevait à environ 6 millions de dollars », est-il noté.
L’Algérie est, selon la même source, exposée à d’autres risques climatiques. « Les périodes récurrentes de sécheresse intense qui ont commencé en 1977 constituent une menace pour les ressources hydriques déjà rares du pays. L’érosion des sols affecte plus de 13 millions d’hectares du territoire national, qui perd chaque année près de 400 000 hectares. La désertification menace plus de 17 millions d’hectares dans les zones de steppes. L’érosion côtière entraîne des coûts directs à hauteur de 313 millions de dollars par an (0,2 % du PIB) », est-il détaillé.
« Neuf Algériens sur dix vivent dans les régions côtières »
Il est indiqué que les zones urbaines sont particulièrement exposées aux catastrophes naturelles. « 86 % de la population vivait en 2008 dans les villes et la population urbaine devrait doubler d’ici 2030. Neuf Algériens sur dix vivent dans les régions côtières du Nord, qui ne représentent que 12,6 % du territoire national. Cette situation a entraîné la prolifération et la marginalisation de quartiers informels, la construction de logements de fortune, ainsi que la congestion des transports, la pollution et la vulnérabilité aux risques majeurs », précise la Banque mondiale.
D’après le même rapport, Alger est vulnérable aux risques climatiques, en particulier les tremblements de terre et les inondations, et aux impacts des changements climatiques « en raison de sa forte densité de population, de son taux d’urbanisation élevé et de sa situation géographique ».
« La région est exposée aux tremblements de terre, aux tsunamis, aux inondations, à l’érosion côtière, aux glissements de terrain et aux pénuries d’eau. Concernant les risques d’inondation, 53 % des zones les plus densément peuplées d’Alger risquaient d’être inondées en 2021. En termes d’infrastructures essentielles, 42 % des grands axes routiers, 19 % des écoles, 21 % des hôpitaux et 41 % des casernes de pompiers de la capitale sont situés dans des zones exposées à des risques d’inondation. De même, les bidonvilles et la Casbah sont les plus vulnérables à l’activité sismique », est-il précisé.
Les inondations plus fréquentes que les séismes
Selon le même rapport, entre 1954 et 2021, les inondations dévastatrices ont été, en Algérie, plus fréquentes que les tremblements de terre, mais ces derniers ont causé des pertes économiques plus importantes et frappé le plus grand nombre de personnes.
Il est précisé dans le rapport que le nord de l’Algérie est sujet à de forts épisodes sismiques qui ont causé 6 771 décès et plus de 10 milliards de dollars de pertes économiques entre 1954 et 2021 : « Les tremblements de terre sont la cause principale de pertes économiques et ont touché plus de personnes que toutes les autres catastrophes naturelles. Les tsunamis représentent également une menace pour les zones côtières du pays, avec des pertes annuelles moyennes s’élevant à 170 000 dollars ».
« Entre 1954 et 2021, les inondations ont représenté 60% des événements catastrophiques en Algérie, impactant plus de 800 000 personnes sur l’ensemble du territoire, et représentant plus de 1,5 milliard de dollars de pertes économiques. Le nord du pays concentre les principaux risques d’inondations dues aux crues des oueds et au ruissellement urbain. Le pays est de plus en plus vulnérable aux inondations en raison des effets combinés du réchauffement climatique et de l’urbanisation rapide », est-il souligné.
La dépense publique en hausse
Selon les estimations, le nombre de tempêtes exceptionnelles frappant l’Algérie pourrait croître d’environ 41 %, générant des inondations, des glissements de terrain et des dégâts importants.
En 2021, l’Algérie a subi de nombreuses catastrophes climatiques, dont les crues subites qui ont touché, fin octobre, Alger. « Causées par des précipitations soudaines et abondantes, ces inondations ont succédé aux incendies de forêt dévastateurs de cet été et à une longue période de sécheresse qui a considérablement réduit la sécurité hydrique du pays », est-il noté.
« Au cours des 15 dernières années (2004–2019), les dépenses publiques annuelles allouées à la réponse aux inondations, aux tremblements de terre et aux incendies de forêt se sont élevées en moyenne à 255 millions dollars. Alors que les impacts des catastrophes naturelles historiques, essentiellement de nature locale, n’ont eu en Algérie que des conséquences limitées sur les agrégats macroéconomiques, ces catastrophes ont eu de nombreux impacts territoriaux et redistributifs négatifs », est-il souligné.
Selon la Banque mondiale, l’impact économique des catastrophes historiques ne reflète que partiellement les risques auxquels le pays est confronté. « Des évaluations probabilistes indiquent que les pertes potentielles liées aux catastrophes pourraient atteindre environ 0,7 % du PIB en moyenne et par an, soit presque le double de la moyenne historique, cela étant largement influencé par le potentiel dévastateur d’une catastrophe sismique majeure en milieu urbain », a-t-elle averti.
Plan national climat
L’institution financière mondiale souligne que l’Algérie a lancé des plans qualifiés ambitieux pour lutter contre les effets du changement climatique et s’adapter à ses conséquences, « à travers l’élaboration d’une stratégie visant à intégrer les différentes activités sectorielles qui soutiendront le renforcement de la résilience aux risques climatiques et de catastrophe ».
Elle reprend le Plan national climat qui anticipe les effets suivants : « dégradation du couvert végétal et des sols entraînant une érosion accrue, des événements météorologiques extrêmes plus fréquents (pluies torrentielles, sécheresse, canicules, feux de forêt, submersion marine, etc.), élévation du niveau de la mer, perturbation des zones côtières et des milieux marins, perturbation de la recharge des aquifères, du ruissellement de surface, de l’envasement ou du remplissage des barrages-réservoirs et détérioration de la sécurité alimentaire et augmentation des déplacements de population dus à l’avancée du désert ».
La Banque mondiale indique que l’Algérie dispose d’un cadre juridique moderne de gestion des risques de catastrophe (GRC), un cadre clair de prise de décision en matière d’intervention d’urgence, et reconnaît l’importance de protéger les infrastructures stratégiques et les secteurs essentiels.
« De sérieux efforts de réduction des risques ont été menés, surtout dans la gestion des interventions d’urgence et la reconstruction, au détriment de la prévention. De plus, le partage de l’information n’est pas systématique, entraînant des incohérences notamment dans la prévention des catastrophes, et l’application de la législation GRC peut être améliorée. Des efforts importants devraient encore être fournis pour la réduction et la gestion globale et intersectorielle des risques climatiques et de catastrophe », préconise-t-elle.
Un Atlas des zones inondables élaboré
Elle indique que plusieurs mécanismes de coordination intersectorielle de GRC ont été mis en place, tels que la Commission nationale pour la protection des forêts (CNPF), l’Organe national de coordination pour la lutte contre la désertification (ONC/LCD) et le Comité intersectoriel chargé d’assister la Délégation nationale aux risques majeurs (DNRM). « Cependant, la mise en œuvre de ces différents mécanismes n’est pas efficace.
Suite à l’approbation de la Loi n° 04/2046, de nombreuses évaluations sectorielles des risques ont été menées. Par exemple, un Atlas des zones inondables basé sur des données spatiales recense 865 sites à risque dans tout le pays. Pour les risques sismiques, de nombreuses études utilisent la cartographie des risques, le micro-zonage, la vulnérabilité, le risque urbain et les géotechniques », est-il relevé.
La Banque mondiale indique que depuis 2000, d’importants moyens humains et financiers ont été mobilisés pour protéger les villes algériennes exposées aux risques d’inondation et depuis le séisme d’El Asnam (Chlef) de 1980, un nombre important d’études ont été menées sur les différentes composantes du risque sismique.