Après le report des élections générales, qui étaient prévues fin décembre 2021, la Libye replonge dans l’incertitude politique avec la désignation d’un nouveau premier ministre.
Les événements s’accélèrent en Libye. Moins de vingt quatre heures après une tentative d’assassinat à Tripoli du Premier ministre Abdulhamid Dbeibeh, la Chambre des représentants, basée à Tobrouk (Est), a voté, jeudi 10 février, pour un nouveau Premier ministre en la personne de Fathi Bachagha, ex-ministre de l’Intérieur. L’autre candidat était Khaled Al-Bibass.
Abdulhamid Dbeibeh qui a été élu en janvier 2021 dans le cadre du dialogue interlibyen organisé sous l’égide de l’ONU, a déclaré ne pas tenir compte de ce vote. Il dit rester à son poste à Tripoli.
« Je ne remets le pouvoir qu’à un gouvernement élu »
Dbeibeh a rappelé que le Forum de dialogue politique libyen avait fixé la durée du mandat de l’autorité exécutive intérimaire à 18 mois, soit jusqu’en juin 2022. « Je ne remets le pouvoir qu’à un gouvernement élu. Je n’accepte aucune nouvelle phase de transition. Une minorité au Parlement a décidé de retirer la confiance au Premier ministre en recourant à la fraude », a-t-il accusé.
La tentative d’assassinat apparait donc comme un acte de plus pour faire pression sur Dbeibeb, devenu interloculteur des instances internationales au nom de la Libye ces derniers mois.
Sans donner de détails, Abdallah Bliheq, porte-parole du Parlement, a annoncé « le vote » en faveur de Fathi Bachagha.
Un vote rapidement salué par Khalifa Haftar, autoproclamé chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), installé à Benghazi, dans l’est de la Libye. Fathi Bachaga, ancien pilote de chasse, saura, selon ses dires, « diriger la Libye vers un avenir meilleur ».
Haftar, qui compte sur le soutien des Emirats arabes unis, de la Russie et de l’Egypte, a, selon l’agence turque Anadolu, appelé, à oeuvrer pour « rétablir le prestige de l’État, préserver ses ressources, protéger les institutions souveraines du chantage et de la mainmise des hors-la-loi et soutenir la guerre contre le terrorisme et unifier les institutions de l’État ».
« Difficile de tenir les élections en 2022 », selon le Parlement de Tobrouk
« Le nouveau gouvernement sera celui de tous les Libyens et pour tous les Libyens. Et nous tendons la main à tout le monde, sans exception. Notre relation avec les autres pays sera basée sur le respect mutuel », a déclaré, quelques heures après sa désignation, Fathi Bachagha, lors d’un point de presse diffusé par la chaîne Libya Al Ahrar.
Fathi Bachagha, 59 ans, était candidat à l’élection présidentielle reportée.
La Chambre des représentants à Tobrouk a annoncé, sans explications, qu’il sera difficile d’organiser des élections générales en 2022.
Les profondes divergences entre les institutions officielles libyennes sur la législation liée au vote et le rôle de la justice dans l’organisation des scrutins ont compliqué la tenue des élections générales en décembre 2021, prévues dans le processus politique engagé sous l’égide de l’ONU.
Aucune nouvelle date n’a été fixée aux élections présidentielles et législatives. Pour la communauté internationale, la tenue de ces consultations est nécessaire pour doter le pays d’institutions élues et légitimes et mettre fin à une crise politique et sécuritaire qui dure depuis onze ans.
L’ONU reconnaît toujours Dbeibah comme Premier ministre
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a appelé, ce vendredi 11 février, toutes les parties libyennes à « préserver la stabilité en Libye comme une priorité absolue ».
« Je rappelle à toutes les institutions l’objectif premier d’organiser des élections nationales dans les meilleurs délais afin de garantir le respect de la volonté politique des 2,8 millions de citoyens libyens qui se sont inscrits sur les listes électorales », a déclaré Antonio Guterres, repris dans un communiqué publié sur le site des Nations Unies.
Stéphane Dujarric, porte-parole de l’ONU, a déclaré, jeudi 10 février, que les Nations Unies continuent « de soutenir Abdelhamid Dbeibah comme Premier ministre intérimaire en Libye ».
« Nous avons vu les informations sur la nomination d’un autre Premier ministre. Notre position reste inchangée », a-t-il soutenu lors d’un point de presse.
La position de l’ONU n’a pas plu au Parlement de Tobrouk. « C’est au Parlement de prendre les décisions. Ni les Nations Unis ni aucun pays n’ont le droit de s’immiscer dans les affaires internes de la Libye », a déclaré Abdallah Bliheq à la chaîne France 24 en arabe.
En dix ans, la Libye a connu cinq Premiers ministres : Ali Tarhouni (2011), Abderrahim Al Kib (2011-2012), Ali Zeidan (2012-2014), Ahmed Miitig (2014-2014) et Fayez Al Saradj (2016-2021). Entre 2014 et 2016, la Libye a été dirigée par deux Premiers ministres, l’un à Tripoli, l’autre à Benghazi. A l’époque, le pays avait deux banques centrales aussi.