Le cinéaste algérien Karim Moussaoui réalise un nouveau court métrage « Les divas du Taguerabt » qui vient de sortir dans les salles en France à la faveur du programme « Celles qui chantent », initié par la plate- forme 3ème Scène, une idée de Stéphane Lissner, directeur de l’Opéra de Paris. Trois autres films figurent dans le programme : « Une nuit à l’Opéra » de l’ukrainien Sergei Loznitsa , « Hidden » de l’iranien Jafar Panahi et « Violetta » de la française Julie Deliquet. Karim Moussaoui voyage dans la région du Timimoun et tente de retrouver les femmes qui chantent assises le Taguerabt, une forme de l’Ahellil, ce chant polyphonique zénète du Gourara pratiqué en groupe lors des fêtes de religieuses ou les cérémonies de mariage. L’Ahellil rassemble aussi la danse et la poésie.
24H Algérie: Votre court métrage « Les divas du Taguerabt » fait partie d’un programme de quatre films projetés depuis le début de ce mois de juillet 2020 en France sous un même titre : « Celles qui chantent ». Parlez-nous de votre participation à ce projet artistique?
Karim Moussaoui: A la base, c’est une proposition de l’Opéra de Paris qui a lancé une opération consistant en la réalisation de plusieurs courts métrages abordant le thème de l’opéra. Chaque réalisateur est libre d’évoquer le sujet comme il l’entend. Mes producteurs côté français m’ont contacté pour proposer une idée. J’ai essayé d’imaginer ce que pourrait être l’opéra . Chez nous, le chant opéral n’est pas une tradition alors j’ai pensé à ces femmes qui chantent le Taguerabt dans le sahara, un chant traditionnel.
Et vous êtes donc parti au Gourara ?
En fait, j’ai écrit un scénario presque une fiction. J’ai eu une discussion avec mon amie Djalila Kadi-Hanifi (plus connue par son nom d’auteur Hajjar Bali) et m’a parlé d’une cérémonie de chant de femmes dans les grottes à Timimoun. L’idée m’a beaucoup intéressé. A Timimoun, j’ai commencé à faire la recherche de ces chanteuses. Je sais que dans la région du Gourara les femmes chantent aussi de l’Ahellil (habituellement interprété par des groupes d’hommes). Dans la réalité, je n’ai pas trouvé des femmes qui chantent dans les grottes. Et dans le film, je n’ai pas donné de réponse. Il s’agit d’un mélange de faits réels et de fiction.
Mais, on voit quand même des femmes chantant le Taguerabt dans les célèbres grottes du Ksar d’Ighzer
Oui, j’ai contacté des femmes qui avaient l’habitude de chanter, qui ont eu des passages à la télévision et qui ont même fait une tournée en Europe il y a quelques années. Il y a donc une scène comme celle du film d’Assia Djebbar (La Nouba des femmes du Mont Chenoua). Ces films sont généralement mis en ligne sur le site de la plateforme la 3ème Scène. Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, a choisi quatre des films retenus dans le programme « Celles qui chantent ». Ils devaient être projetés dans une catégorie au Festival de Cannes en mai 2020. Comme le festival n’a pas eu lieu, à cause de la pandémie de Covid 19, les initiateurs du programme ont décidé de faire sortir les films en salles. Nous avons tourné en février 2019. Le tournage a duré quatre jours.
C’est donc un retour au court métrage pour vous après la sortie de votre premier long métrage «En attendant les hirondelles », en 2017 (Karim Moussaoui s’est fait connaître en 2013 avec son court métrage « Les jours d’avant »)
Je ne n’ai jamais exclu l’idée de refaire des courts métrages. Pendant ce confinement sanitaire à cause du Covid 19, j’ai pensé à plusieurs reprises à des projets de courts métrages. C’est vraiment le moment d’expérimenter de nouvelles choses sur le plan artistique…
Pensez-vous à réaliser un second long métrage?
Là, je travaille sur l’adaptation du roman de Samir Toumi, « L’effacement » (paru en 2016 aux éditions Barzakh à Alger). L’écriture est bien avancée. Avec le confinement actuel, il est difficile de lancer la production.
Pourquoi le choix de ce roman qui narre l’histoire d’un homme, fils d’un ancien combattant de guerre de libération nationale, qui ne voit plus son reflet dans le miroir…
Parce que la question de la transmission m’intéresse toujours. L’héritage est important mais peut en même temps être handicapant. J’ai choisi ce roman parce qu’il évoque un cas extrême avec un père omniprésent et un rapport de force malsain. C’est aussi l’histoire de rapports entre générations. Chaque génération a sa manière de voir le monde. Parfois, la nouvelle génération peine à se défaire de la vision des parents, des grands parents et de la famille. C’est donc l’idée de l’émancipation de l’individu au sein de la société et de la famille qui m’interpelle.
On va donc voir un psychodrame…
On verra !
Le confinement sanitaire ne vous a pas inspiré pour un film
Durant ce confinement, j’ai appris à tout faire y compris la préparation du pain ! J’ai écrit, fait de la musique…C’est une occasion de se recentrer sur soi même. C’est un exercice difficile car il faut gérer sur le plan émotionnel et comprendre qu’à un moment donné, on peut être dans un état de stress. Chacun doit pouvoir trouver un moyen de ne pas subir. Après, on n’est pas tous dans la même situation. Pour les familles nombreuses vivant la promiscuité, il est clair que c’est compliqué à gérer tout cela.