Moyens de fortune sahraouis et infortune des moyens de règlement d’un conflit oublié

0
Moyens de fortune sahraouis et infortune des moyens de règlement d’un conflit oublié
Google Actualites 24H Algerie

Avec des chambres à air découpées en lanières ils bandaient les grosses canalisations d’irrigation percées de la moto-pompe. Il fallait à la fois trouver la tension optimum pour arrêter les fuites sans déchirer les lanières souvent cuites par le soleil. Aux lanières de caoutchouc trop courtes s’en ajoutaient d’autres engagées sous le dernier tour des précédentes pour stopper l’hémorragie. J’ai compris assez vite qu’en tant qu’humanitaires nous faisions la même chose : Colmater avec des moyens dérisoires les fuites en attendant le plombier onusien ! Par notre présence sur le long terme nous participions involontairement et indirectement sans doute à la lenteur de son arrivée. L’ONU elle même s’empêchant par son propre règlement d’avoir le pouvoir de faire appliquer ses propres résolutions avait fini par déployer  ses services humanitaires (OMS, UNICEF, HCR, PAM,…) devenant ainsi juge et partie. Juge impuissant finissant par faire vivre ses parties humanitaires, se contentant de la reconduite de mesures d’urgence depuis des décennies. 

Attend t’on d’ un plombier qu’il vous fournisse des seaux ?

Les pansements ou les garrots permettent de supporter de vivre en attendant le retour à une vie normale en une terre promise. « Aman Iman », l’eau c’est la vie. Depuis 46 ans la vie fuit dans les camps sahraouis. Deux générations sont nées dans les camps de réfugiés. A leurs périphéries, sous des pierres dressées en vigies mémorielles protectrices, deux générations précédentes mêlent leur poussière à celle de la hamada de Tindouf. 

En bien d’autres circonstances j’appris comment les sahraouis, avec des moyens de fortune, pouvaient gérer une situation imprévue ou difficile. Un problème n’en est pas un. C’est l’opportunité de relever un défi dans la monotonie d’un temps depuis trop longtemps confisqué. Ce n’est pas forcément  le plus doué pour le résoudre qui s’y colle mais celui dont l’autorité est reconnue par les personnes présentes. J’ai ainsi vu devant une quinzaine de personnes le wali (équivalent d’ un préfet) du camp où je vivais, réussir à ouvrir avec un vieux fil de fer une voiture dont les clés étaient perdues en le glissant par une vitre entr’ouverte de quelques millimètres. Puis s’installant à la place du conducteur, il fouilla parmi les fils sous le volant, en sélectionna deux qu’il mit en contact et démarra la voiture. Cette démonstration au milieu d’un camp peut se révéler salvatrice en plein désert. J’ai appris qu’ il est rassurant de confier à une autorité locale la possibilité de trouver une solution en absence de clés à disposition. La volonté de survivre n’autorise pas la négligence ou l’erreur. La technocratie des institutions peut se le permettre.

Pour survivre les Sahraouis répondent quotidiennement à leur façon à l’immobilisme des instances internationales depuis des décennies. Un manque coupable de volonté que l’aphorisme d’un politicien français put résumer ainsi : « Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse par résoudre ». Pourtant l’invasion de certains pays et le viol des principes internationaux (pillage des ressources, Droits humains bafoués, empêchement du Droit des peuples à disposer d’eux même…) font aujourd’hui légitimement réagir le monde. Ceux d’autres nations dont le Sahara Occidental ne génèrent que des négociations ignorées ou une guerre « à bas bruit »dans les médias. Pourquoi deux poids-deux mesures dans l’application du même droit international ?

Depuis presque cinq décennies malgré des moyens dérisoires, le peuple Sahraoui, ceux des camps, ceux des territoires occupés, de la diaspora ou détenus au Maroc, retient et maintient l’espoir d’indépendance et de liberté, comme cette eau aussi précieuse qu’est la vie. La volonté délibérée d’absence de solution, l’option d’un statu quo privilégiant trocs et services rendus entre états-voyous (diplomatiquement « pays-amis ») quitte à les espionner, le chantage à la migration et au trafic de drogue doivent enfin céder la place à l’application des résolutions légalement et officiellement adoptées et à toute forme de réparations.

Article précédentJoan Mitchell la femme sauvage, Claude Monet ou la compétition entre l’école de Paris et celle de New York
Article suivantFestival de musique symphonique d’Alger: Une rencontre russe et sud-africaine pour la clôture

Laisser un commentaire