Théâtre: « Allo » de Tounes Ait Ali ou la folle envie de s’exprimer

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Théâtre: "Allo" de Tounes Ait Ali ou la folle envie de s'exprimer
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Tounes Ait Ali remonte sur scène après trois ans d’arrêt. La comédienne revient avec « Allo », un monodrame sur le sens de la liberté en société.
Après El Oued, « Allo » est présenté pour la deuxième fois en Algérie. Le spectacle, écrit et mis en scène par le tunisien Wajdi Gaidi, a été présenté, ce vendredi 17 février, au Théâtre municipal de Sétif.


Le projet « Allo » est né lors du 2ème Festival international du monodrame féminin d’El Oued en novembre 2022.  Il s’agit d’une coproduction de la Compagnie les Trois loges (Algérie) et le Centre dramatique de Nabeul (Tunisie).  


Tounes Ait Ali, qui est également metteure en scène, campe plusieurs personnages typiques dans une pièce où la tonalité critique côtoie le verbe cynique. Il y a d’abord la maman qui essaie de faire dormir ses enfants, ensuite la couturière qui reçoit un appel d’une femme inquiète par ses rondeurs, qui ne supporte plus son corps.


Une couturière, qui se débat avec le fil du téléphone et qui veut parler, s’exprimer, dire ce qu’elle ressent…Elle évoque sa liberté. La liberté de vouloir faire ce qu’elle entend. Mais qu’en est-il de la liberté au sein de la société ? Et comment la femme qui réclame une liberté est-il perçue dans l’univers où elle vit ?


Le sens de la liberté

Un personnage représente une animatrice radio qui déclame un poème censé exprimer les douceurs de l’amour sur une chanson sensuelle de Fairouz. Elle se rend compte qu’elle ne peut pas « tout dire » à l’antenne. Il y a aussi ce militaire, qui veut apparaître autoritaire, qui ne peut s’exprimer, en raison de sa posture, mais qui arrive à dire des choses sur « la démocratie » et sur la liberté.  


La pièce porte aussi une critique profonde sur l’abus que font certains de la liberté à travers le personnage du clown qui s’étonne du bruit que l’on fait sur « la reproduction des mouches ou des lapins » dans les manifestations. Le clown aborde avec des expressions burlesques des questions aussi sérieuses que la polygamie.  


Un avocat, en état d’ébriété, dit aussi tout ce qu’il pense du sens de la liberté en s’adressant à chaque fois au juge. A chaque fois, Tounes Ait Ali passe avec aisance d’un personnage à un autre, sans distinction de sexe. Elle s’appuie sur les accessoires présents sur scène, soutenue par la musique dans les changements de tableaux. Elle évolue dans un carré blanc comme si elle était « enfermée » mais un espace vital. L’homme ne naît-il pas comme « une feuille blanche » ?


« C’est d’abord une question humaine »

Le metteur en scène a voulu faire secouer légèrement le spectateur en exposant un petit moment d’intimité de la comédienne à travers un échange téléphonique avec la mère de Tounes Ait Ali. Une manière de créer la distanciation entre la comédienne et ses personnages et d’amener le public à se poser des questions. Une technique contemporaine utile dans les arts vivants.  


« Pour revenir sur scène, je voulais un sujet important. Je pense que la question de la liberté concerne tout le monde. C’est d’abord une question humaine. Nous n’avons pas voulu aborder le sujet de la femme non émancipée ou victime de la hogra. Nous avons voulu faire sortir la femme de ce moule », a souligné Tounes Ait Ali, après le spectacle.


Wajdi Gaïdi a expliqué que l’idée du spectacle est née d’une discussion entre amis à El Oued sur le sens des libertés. « On se disait, je suis libre, mais qu’en est-il après ? Que dois-je faire de ma liberté ? Comment je l’ai utilisé ? Des questionnements qui ont abouti à l’écriture du spectacle. La comédienne évoque la maman qui supporte la naissance de son enfant, le nettoie de ses saletés. Comme la patrie qui accepte ses enfants malgré leurs travers. Notre propos porte sur l’après-liberté, et dans la foulée, sur le post-modernisme », a souligné le metteur en scène.


« Quel message transmettre  à travers les nouveaux médias ? »

Il n’a pas écarté l’idée que le spectacle ait un lien avec la situation politique et sociale en Tunisie. « La question de la liberté concerne tout le monde. Dans les pays dévelopés, où existe la liberté, le taux de suicide reste élevé. Vous êtes libres de manifester, mais allez vous détruire  un hôpital ou une banque au nom de cette liberté ? La liberté est d’abord une position « , s’est-il interrogé.


Le titre « Allo » renvoie, selon Wajdi Gaidi, à l’idée de la modernité. Il a cité le far west américain « touché » par la civilisation avec l’arrivée des lignes téléphoniques et du train. « Le téléphone est aujourd’hui un appareil moderne, mais que pouvons nous dire à travers cet appareil ? Quel message transmettre  à travers les nouveaux médias et supports? Aujourd’hui, l’insignifiance a pris une bonne place dans les réseaux sociaux et à la télévision », a souligné Wajdi Gaidi.

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