Les propos outrés des dirigeants français face au putsch au Niger sont révélateurs et trahissent l’ambiguïté pour ne pas dire le double discours de la France. La défense des intérêts français au Niger et en Afrique n’est plus masquée par les gratifiants écrans de fumée de la lutte contre le terrorisme ou de l’aide au développement.
Le discours de Ouagadougou en 2018 de Mr Macron clamant qu’il « n’y a plus de politique africaine de la France », puis se déplaçant par la suite en Afrique accompagné de la délégation « Business France » n’a jamais trompé personne, surtout pas les Africains.
Il faut reconnaître à Mr Castelnau, ancien Président du Conseil Français des investisseurs en Afrique, le mérite d’une franchise cynique lorsqu’il déclarait sans complexe: « Faut-il encore investir en Afrique ?
Bien sûr! Nous ne sommes pas des sociétés de bienfaisance! Si nous ne trouvions pas notre compte en Afrique, nous n’y serions plus. D’ailleurs les grands groupes sont toujours présents sur ce continent ».
La bollorisation de l’Afrique a de beaux jours devant elle.
Mr Mahamadou Issoufou, le prédécesseur du Président déchu Mohamed Bazoum, fut le gouvernable Directeur de la mine d’uranium d’Arlit pour Areva avant de devenir logiquement Chef d’État du Niger. Son principal ministre, Mohamed Bazoum lui succédant, les intérêts français étaient saufs!
Combien de putschs la Françafrique a t-elle soutenu lorsque ses intérêts étaient en jeu ? Aujourd’hui que ceux ci sont menacés, l’appel au respect du droit international est comme par hasard de retour.
Rappelons qu’une ampoule sur trois en France est éclairée grâce à l’uranium nigérien, classé parmi lesderniers pays à l’IDH (Indice de développement humain). Le pays le plus pauvre éclaire la 5 ème puissance mondiale pour un coût se situant entre l’aumône et le pillage.
« Le Tchad n’est pas une sous-préfecture de la France » criait le peuple Tchadien lors des funérailles de son Président-dictateur en 2021, funérailles lors desquelles le seul chef d’État présent était Mr Macron.
Les peuples du Mali, du Rwanda, du Sénégal, du Maroc et bien d’autres pourraient reprendre ce slogan à leur compte.
Lorsqu’elle ne concourt pas à les installer, la France continue de soutenir ceux qu’elle considère comme ses sous-préfets depuis De Gaulle et son « ministre de l’Afrique », Jacques Foccart qui reconnaissaient que l’indépendance énergétique de la France dépendait des ressources de l’Afrique.
Notre indépendance économique dépend donc bien de la dépendance de ces pays comme au bon vieux temps des colonies, bien loin d’une économie de marché réglementée. Quitte aux Présidents français à pousser l’ironie en faisant de ses obligés des légionnaires décorés tout à leur service.
Total applique son soutien aux généraux birmans comme il a appris à le faire en son jardin d’Afrique, Lafarge fit de même avec Daech. Bolloré trempe sans crainte dans des affaires de corruption au Cameroun, au Togo et en Guinée Conakry. Bouygues, Vinci, Véolia, BNP Paribas, Areva, sans compter
les marchands d’armes (liste malheureusement non exhaustive) sont présents et souvent sur le podium,
notamment là où sévissent les régimes autoritaires et archi-corrompus. On ne compte plus les
conseillers des ministères français passés dans ces entreprises…
La Françafrique continue de se porter bien, merci pour elle. Elle ne cherche même plus à cacher les liens tissés entre économie et politique.
Au Sahara Occidental, pays en attente de décolonisation que des pays prédateurs hors la loi dont la France pillent allègrement, LREM (La République en marche) a ouvert une antenne politico-commerciale à Dakhla. Coïncidence, ses dirigeants sont aussi investisseurs dans des secteurs clés (Tourisme, matérielcpour l’industrie halieutique et maraîchère).
Étaient du voyage, avec des élus de Françafrique, le géant duBTP français Eiffage, qui espérait décrocher la construction du futur port de Dakhla en échange de lareconnaissance de la marocanité du Sahara occidental, ainsi que des investisseurs invités en forum à se
partager le gâteau d’un peuple sahraoui exilé dans les camps de réfugiés, en diaspora ou réprimé dans son propre territoire devenu prison à ciel ouvert. Ouvrir une permanence d’un parti politique ou un consulat au Sahara Occidental est un cadeau fait au roi du Maroc qui peut rapporter gros. Tout le monde est gagnant sur le dos du peuple sahraoui.
La politique des sous-préfectures permet et promet «des jours heureux» chers au Président.
Le Maroc, ancien «protectorat», met à la disposition de son toujours «protecteur» un territoire qui n’est pas le sien et qu’il considère, l’exemple faisant des émules, comme sa propre sous-préfecture. Le pillage moderne des entreprises royales, loin d’une économie éthique et respectueuse, bafouant les règles établies s’associe sans surprise au Sahara Occidental avec des entreprises françaises partageant la
même absence de scrupules.
Le respect des Droits Internationaux, comme celui des Droits Humains n’a pas sa place dans ces pays d’Afrique que la France considère encore comme ses domaines réservés. Dans les territoires occupés du Sahara occidental , en instrumentalisant l’ONU, on coule
depuis des décennies une chape de silence sur laquelle sont bâtis des profits illégaux. L’histoire dure depuis 48 ans.
Au moins deux générations sont nées et survivent en exil ou asservies dans la dernière
colonie d’Afrique.
Pendant ce temps, « les bourreaux tuent toujours deux fois. La deuxième fois par l’oubli ». ( E. Wiesel )
Au Sahara Occidental aujourd’hui, comme ailleurs par le passé, la France est toujours là, complice à chacune de ces deux fois.
L’indépendance et la souveraineté que réclame la France pour elle même ne peut se fonder sur les différentes formes d’asservissement de l’Afrique.