Le 6ème Festival national du théâtre féminin d’Annaba se poursuit au théâtre régional Azzeddine Medjoubi jusqu’au 5 octobre 2023. Les pièces en compétition se croisent dans certaines thématiques comme celle de la folie et de la dépression. La pièce « La nuit blanche », mise en scène par Makhlouf Louchni, d’après le texte ديك المزابل (Le coq des poubelles) du dramaturge syrien Talal Nacerddine, narre l’histoire d’un enseignant d’histoire dépressif.
Il fuit la société et ses bruits et va se réfugier dans une décharge publique, vivant au milieu des rats, des cafards et des chiens. Il se croit être roi sur les animaux après avoir rompu avec les humains.
Il noie sa solitude et son spleen dans la boisson. Une nuit, un jeune homme débarque avec l’envie de se suicider après avoir été abandonnée par sa fiancée.
Entre l’enseignant dépressif et le jeune homme désespéré naît un dialogue sur l’existence, la philosophie de la vie, l’utilité de certains gestes par rapport au regard social, l’amour, l’argent…. Le vin, pris à grosses gorgées, permet au jeune suicidaire de confier tous ses tourments et ses déceptions à l’enseignant qui l’écoute et que le conseil malgré ses blessures intimes.
Une scénographie étouffante
Il lui parle de certains dirigeants du monde, à l’image de George W.Bush, qui ont provoqué la mort dans le monde, sans être pris par la tentation de se suicider. L’enseignant, qui n’a pas perdu sa sagesse, fait comprendre au jeune homme que cela ne sert à rien de perdre la vie à cause d’une petite, très petite, déception amoureuse. En bref, il ne s’agit pas d’une grande cause pour laquelle on se sacrifie.
Les comédiens, qui dialoguent sans arrêt, évoluent dans une scénographie réaliste étouffante. La scène est surchargée de détritus pour représenter la décharge publique. La pièce manque de rythme et d’action. Mohamed Amine Kadi, qui est comédien et adaptateur du texte, justifie la lourdeur du spectacle par « le théâtre philosophique ».
Lors du débat, après la représentation, des intervenants ont évoqué la nécessité pour les comédiens d’améliorer leurs voix et leurs dictions pour pouvoir mieux capter l’attention du public. La pièce se veut une critique vive sur le peu de valeur que donne la société aux intellectuels. Des intellectuels poussés à la marge.
Un regard amer sur le monde
La pièce « Le puits » de Leila Benattia de l’association Wojooh El Masrah de Blida porte aussi un regard amer sur le monde d’aujourd’hui. Un vieux couple (Leila Benattia et Ribat Amirouche) a perdu la vue après une catastrophe qui a éradiqué toute trace de civilisation dans le monde. Dans ce monde post-apocalyptique, le couple fait la rencontre d’un forgeron qui leur parle d’une eau bénie d’un puits pouvant leur redonner la vue.
Mais, ce puits magique est sous le contrôle d’un « saint », d’un homme qui a le pouvoir sur les autres. Une fois la vue retrouvée, les deux personnages, habillés en haillons, découvrent un monde laid et chaotique. Ils préfèrent rester dans l’obscurité au lieu de voir un monde qui a perdu toute beauté, tout attrait et toute douceur.
Le scénographe Mohamed Brik Chaouch semble s’être inspiré du film Mad Max pour les costumes et les décors. Leila Benattia et Ribat Amirouche ont réussi à constituer un duo efficace sur scène avec des dialogues soutenus et une action presque continue ne laissant pas de place à l’ennui. Le texte de la pièce est du dramaturge syrien Mamoun Al Khatib, adapté d’une pièce de l’irlandais John Millington Synge.
A noter enfin que les pièces ont été présentées parfois dans des conditions difficiles en raison de pannes électriques récurrentes au Théâtre régional Azzeddine Medjoubi d’Annaba.