One two three, entre signes et couleurs : Benanteur, Ben Bella et Stambouli
Tableau de Ben Bella
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Au moment ou trois de nos grands artistes nous ont quittés on peut s’interroger sur ce qu’ils sont et sur ce qu’ils ont pointé comme défaillance  ou manque dans les structures qui sont sensées écrire notre roman national, notre culture. Aujourd’hui, la mondialisation de la création contemporaine ne peut que mettre en échec toute velléité de « nationalisation » ou de récupération à des fins idéologiques des artistes . Ceux-ci par leurs contributions questionnent et objectivent les angles morts de leur société d’origine, mais aussi l’histoire de l’art toute entière. Benanteur, Ben Bella, Stambouli se sont attelés à leur art comme on plante des arbres à fleurir pour les générations futures, loin des diktats et des discours égocentrés à des fins de propagande. Ils ont parcouru le monde et nous ont offert leurs moissons. 

Abdellah Benanteur était issu d’un milieu sensible à l’art, à la poésie soufie, à la musique andalouse, il commencera à peindre à dix ans et entre aux Beaux arts d’Oran à quatorze ans  . Benanteur passionné par l’oliveraie de son père, il en répétera incessamment le motif. Il sera initié par son père professeur à la poésie arabe classique et au soufisme . 

Il quitte l’Algérie en 1953 pour Paris avec Khadda et exposera dés 1957.  Il est à noter que dans cette génération d’artistes des années 50 , on verra éclore une peinture pleine de modernité quant au fond et à la forme, qui intégreront dans leur propos les luttes de leur société. 

Il fera partie de ces peintres qui tenteront une synthèse entre l’école de Paris ( qui était alors le centre artistique international), et la personnalité algérienne avec Khadda et Ben Bella, les « artistes de l’entre-deux dira d’eux » Pierre Gaudibert , conservateur et critique d’art, auteur de la première exposition de peintres algériens à Paris en 1964 en l’honneur de l’Indépendance. 

Rappelons que durant cette période d’après-guerre d’Algérie, aucune exposition de peintres algériens n’était possible en France. En effet la blessure de la guerre était vive et elle le restera trés longtemps après, occultant pour des décennies la peinture algérienne .

Benanteur, viendra à la couleur après la découverte de Matisse et Klee mais aussi de Franz Marc et de l’expressionnisme allemand si proche de sa nature mélancolique. 

Installé à Paris, le peintre va aussi venir tout naturellement à l’abstraction où le signe pourra trouver sa place -fragment d’écritures disparue- celui des tapis, des coffres et poteries de son enfance à Mosta. Il va jouer des camaïeux d’ocre, miel, sable à la lisière des monochrome. 

Benanteur, est le peintre de la grâce, du spirituel et de l’intime à la fois, à égale distance entre la peinture et l’écriture. reconnu par les musées internationaux et ignoré dans son propre pays.

La peinture de Ben Bella est liée au signe et à la couleur .

Comme dans un chant incantatoire lancinant et vibrant jusqu’à la transe, il couvrait la toile jusqu’à l’excès et l’emmenait vers l’abstraction où il ne fut alors plus question de calligraphie mais de taches colorées à la polyphonie magique.

Mais rappelons nous de ses premiers travaux faits de journaux contemporains de la guerre d’Algérie, cousus comme un talisman au texte sacré.

La qualité du travail de Abdellah Benanteur ou de Mahjoub Ben Bella n’a fait, jusqu’à aujourd’hui, l’objet d’aucune reconnaissance par l’État algérien alors que ses œuvres ont été acheté par tous les musées occidentaux. 

Ahmed Stambouli dira «  Les musées ne donnent ni de l’importance, ni de la valeur à notre art. Mais nous continuons de travailler pour laisser des empreintes aux générations futures et à l’Histoire ». 

Quant à Ahmed Stambouli il fait partie de ces  artistes qui ont su parler de la modernité au delà des appartenances, tout en prenant appui sur les cultures populaires, ils ont fait une traduction transposée de la réalité profonde.

Animaux rupestres, couleurs vives , signes, visages d’enfants en larmes parfois éborgnés nous sommes loin de la candeur que certains lui prêtent . 

Entre le mouvement Cobra, Basquiat et Garouste, l’univers de l’artiste est fantastique, quotidien et urbain à la fois; les jardins d’enfants sont là, les marelles aux signes en témoignent mais l’ensemble est inscrit dans un ailleurs souvent hostile voire tragique où le trait  s’épaissit et met en garde . 

Des formes humaines dévastées , parfois serties de noir, des bestiaires effrayants où l’étoile et le croissant coiffent en corne un minotaure . Clin d’oeil à Picasso ou à Baya avec ses animaux fantastiques ? « Primitif,, enfantin et folie » répond l’artiste à propos de son dernier travail. Ses dernières oeuvres se font plus douces avec ses aquarelles, remplies de motifs, de signes, de symboles et il rejoint par là Benanteur et Ben Bella . L’art de Stambouli est original, fort, important pour l’histoire de l’art  .

On ne le répétera jamais assez, l’Algérie de par son histoire, sa situation géographique, la jeunesse de sa population, sa richesse, elle a un rôle à jouer, mais cela nécessite du travail, de l’exigence, de la remise en question, de la recherche et de la ténacité .

Nos chemins ne doivent pas être parcourus à vide, nous taquinons le ciel et tellement d’espaces mais nos pupilles se sont habituées à les effacer, à les ignorer, pourtant les gouttes de beauté sur nos fronts frappent aux carreaux. 

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