La troupe de Tilufa de l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira a présenté au 14ème Festival national du théâtre universitaire de Sidi Bel Abbès, qui s’est achevé mardi 23 avril au soir, « Thirga », une adaptation en tamazight de la célèbre pièce de l’écrivain syrien Mohamed Al Maghout, « K’assak ya watan ».
Produite en 1979, cette pièce, mise en scène par Khaldoun Al Malih, et interprétée par Duraid Laham, Sabah Djazairi et Omar Hadjou, et l’une des plus célèbres du théâtre arabe contemporain. Une pièce qui a posé des questions parfois douloureuses sur le monde arabe.
« Thirga »(rêve) est mise en scène par Atik Abdedou, d’après un texte de Houd Yabadas, lequel a interprété le rôle principal, celui d’Abdelkader, un citoyen ordinaire écrasé par la pauvreté. Il espérait que sa fille, qu’il a veillé à bien éduquer et qu’il a appelé Thilili (liberté), réussisse dans sa vie professionnelle pour le faire sortir de sa mauvaise condition sociale. Mais, son rêve se brise lorsqu’il apprend que sa fille est morte à l’hôpital, après une erreur médicale. Une erreur que le personnel soignant n’assume pas. L’homme plonge dans la déprime et la tristesse. Il voit tous ses rêves se briser.
La pièce débute par une chorégraphie plongée dans une lumière rouge, puis blanche. Les danseurs exécutent des mouvements circulaires changeants avant de s’attacher à une étoile de cinq branches formée par un ruban blanc.
Dans chaque branche, un danseur ou une danseuse montre ce qu’il ou elle veut devenir : artiste-peintre, musicien, écrivain… »Finalement, personne n’a pu réaliser son rêve. La pièce évoque justement l’impossibilité de réaliser ses rêves », souligne Houd Yabadas. « Thirga » est sa première écriture dramatique. « Nous avons écrit, moi et des copains, une autre pièce « Thafath. J’ai assisté à des pièces, et je me suis dit, un jour, que moi en tant que comédien, je peux essayer l’expérience de l’écriture, et pourquoi pas, de la mise en scène. Il suffit d’y croire et d’y travailler « , souligne Houd Yabadas.
« Thirga » a décroché un prix au Festival du théâtre universitaire amazigh à Bejaïa et été présenté au festival national du théâtre amazigh à Batna. « A Bouira, le théâtre manque de beaucoup de moyens. Tilufa (les problèmes) est une troupe théâtrale amateure qui n’a pas les moyens de payer un metteur en scène ou un scénographe. Le théâtre de Bouira est fermé. On nous a ouvert les portes pour y faire des répétitions uniquement », regrette Houd Yabadas.
La peur de l’amour
Dans un autre registre, la troupe El Masrah el djadid de l’université Ahmed Ben Bella d’Oran a, de son côté, présenté la pièce « Philophobia », mise en scène par Zinou Benhamou. Une thématique peu explorée sur les planches : la peur de l’amour. Un étudiant peine à nouer une nouvelle relation après avoir subi des échecs et des déceptions. Va-t-il continuer de vivre avec ses peines ? Va-t-il dépasser ses peurs et ses cassures pour reprendre vie ?
Il rencontre une étudiante qui souffre comme lui de philophobie (peur de s’engager dans une relation sentimentale). Le conflit naît alors entre ces deux obsessions-déceptions. Le spectacle a commencé avec une chorégraphie symbolisant la peur et le refus. Les deux personnes tentent de s’aimer. Le metteur en scène s’est appuyé sur une scénographie mouvante et expressive et sur un narrateur pour passer d’un tableau à un autre. Le narrateur qui noue les fils de l’histoire s’appuie sur des illustrations animées projetées sur écran.
« Ce sujet concerne tous les jeunes algériens. Nous avons constaté de nos jours qu’une psychose s’est développée par rapport à l’amour, provoquée par tous types d’extrémisme, par le phénomène du divorce, par des séparations familiales. Les réseaux sociaux ont paradoxalement contribué à intensifier le phénomène. La relation sentimentale reste un cliché de l’amour. Nous avons donc abordé ce sujet à travers une relation entre deux étudiants. L’une des conséquences graves de cette situation est la volonté de fuir la société. D’où le phénomène de la harga qui emporte chaque année des vies de jeunes algériens. Nous voulons poser cette problématique lors de ce festival du théâtre universitaire », explique Zinou Benhamou.
Il estime qu’un travail est mené pour relancer le théâtre au niveau de l’université d’Oran « après une longue période de stagnation ». « Nous voulons faire du théâtre universitaire et amateur. Il y a un grand intérêt des étudiants pour le théâtre mais il est encore pénible de produire des spectacles. Il y plus d’animations théâtrales dans les cités universitaires que de pièces à proprement parler. Peut-être que nous serons les pionniers dans la relance du théâtre universitaire à Oran, suivis de nos amis », dit-il.