Une semaine au Festival européen de musique à Alger : un succès populaire, une édition triomphale

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Une semaine au Festival européen de musique à Alger : un succès populaire, une édition triomphale
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La 24ème édition du Festival européen de musique, organisé par la Délégation européenne en Algérie entre le 27 juin et le 3 juillet 2024, a été marquée par une forte présence du public. Selon les organisateurs, au moins quatre soirées sur sept étaient en sold out au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi à Alger (TNA). Reportage.

« Pour les autres soirées, le taux d’occupation des places était de 75 à 95 %. C’est dire tout le succès populaire du festival », a confié Yacine Babouche, gestionnaire chargé de la diplomatie publique et culturelle au niveau de la Délégation européenne en Algérie. Cédé symboliquement à 500 dinars, les billets étaient vendus sur place ou à travers la plateforme numérique du TNA. Une plateforme qui semble bien fonctionner.


« Europ’africa » était le thème de cette édition dédiée à la musique africaine. Treize pays membres de l’Union européenne (UE) ont participé au festival. Il s’agit de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne, de la Finlande, de la Slovénie, de la France, du Danemark, de la République Tchèque, de l’Autriche, de la Pologne, de la Hongrie, de la Belgique et de la Suède. Des artistes africains vivant en Europe ont animé les soirées festival. Des soirées riches en sonorités et en rythmes.


« Les concerts étaient marqués par une grande diversité musicale, du blues, du rock, du jazz, du rap, de l’afro beat, etc. Des artistes fascinants sont venus de quatre continents, de l’Australie, du Japon, d’Afrique et d’Europe… Le public algérien est exceptionnel. Il y a avait un rapport très proche entre artistes et spectateurs », a déclaré Thomas Eckert, ambassadeur de l’Union européenne en Algérie.

« Un rendez-vous incontournable »

Thomas Eckert, qui doit bientôt quitter son poste diplomatique en Algérie pour être remplacé par un nouvel ambassadeur, a estimé que le festival européen est devenu « un rendez-vous incontournable » dans le paysage culturel algérien.


Il a salué la comédienne Zahra Harkat qui a animé les sept soirées du festival et les partenaires médias dont 24 H Algérie.
Chaque soirée avait une couleur particulière. Samedi 29 juin, le bassiste malien Moussa Diallo, qui a représenté le Danemark avec deux autres musiciens, le danois Preben Carlsen, à la guitare, et le Gambien Salieu Dibba aux percussions, a laissé une agréable sensation chez le public avec une musique ancrée dans la tradition africaine de la belle parole, de la sagesse, de la mélodie colorée et du rythme endiablé. Une fusion chaude avec une forte dose de blues et de jazz.


« J’ai écrit beaucoup de chansons sur la tolérance, la cohésion sociale. Nous vivons dans un monde instable avec les guerres et les conflits qui ne cessent pas. Peut-être qu’ils sont des sources de revenus pour les grandes puissances, mais je n’arrive pas à comprendre que l’humanité ait arrivée à se défaire », a regretté Moussa Diallo.


Il a apprécié la réaction du public algérien à ses chansons. « On a touché un peu aux rythmes gnawa (diwan), cela a parlé au public. Les spectateurs se sont mis debout pour danser et chanter. Je souhaite faire des collaborations dans le futur avec des artistes algériens. En Scandinavie, l’apport culturel de l’Afrique est très important. Moi-même, j’ai accompagné en tant que bassiste des grandes stars en Europe du Nord en apportant ma touche africaine », a confié Moussa Diallo.

Un dialogue musical

Au Mali, Moussa Diallo, soutenu par la chanteuse Oumou Sangaré, travaille, à travers le festival Spot on Mali music, à donner de la visibilité aux jeunes artistes maliens.
Le violoniste algérien Kheireddine M’Kachiche a, lui, apporté aussi sa touche algérienne, maghrébine et orientale en accompagnant, dimanche 30 juin, le pianiste et compositeur finlandais Kari Ikonen, consacré meilleur musicien dans son pays avec le prix Yrjö. Appuyé par le batteur Markku Ounaskari, le trio a offert un véritable dialogue musical. Un dialogue profond qui, encore une fois, a confirmé que la musique n’a aucune frontière. Kari Ikonen est une star de la scène du jazz en Europe du Nord.


A l’étranger, Kheireddine M’Kachiche, qui a été formé à l’école arabo-andalouse, a accompagné plusieurs groupes de jazz-fusion, célébrant ainsi la rencontre artistique entre Occident et Orient.

L’autrichien d’origine congolaise Kimyan Law a, lui, choisi la musique électronique pour exprimer son attachement à ses origines africaines sans rompre avec sa ville d’accueil Vienne. La gamme sonore de ce jeune artiste est vaste et diverse.
La Slovénie, qui vient d’ouvrir une nouvelle ambassade à Alger, a marqué sa première participation au festival par la participation de la troupe Diaspora Collective Harmelogic qui a présenté le spectacle « La place ». Les artistes Maša Kagao Knez, Irene Akweley Yebuah Tiran et Dalanda Diallo ont occupé l’espace accompagné d’un percussionniste et d’un pianiste. Le spectacle, qui célèbre la coexistence et le vivre-ensemble, s’inspire, en partie, de la riche tradition chorégraphique africaine.

« La danse est une thérapie, une libération, une purification »

Rafael Ramirez est, lui, un danseur espagnol qui a choisi de faire du flamenco contemporain à sa manière. Accompagné de deux chanteuses, Rosario Conejero Linera et Fabiola Santiago Castillo, et d’un guitariste, Alejandro Peralta de la Herran, Rafael Ramirez a fait appel au percussionniste et luthier soudanais El Wafir Shaikheldin Gibril comme pour dresser un pont solide entre Europe et Afrique, entre Occident et Orient.


« Lo preciso » (la précision) est le nom donner à ce spectacle raffiné avec une expression corporelle intense et une gestuelle aérienne en quête de perfection. Wafir Shaikheldin Gibril a interprété « Bent Chalabia », un titre connu de la diva libanaise Fairouz. Une chanson qui a pris une coloration flamenco sur scène avec un mélange avec un titre flamenco, « Mujer dorada » (Femme dorée).


« Tous les artistes se complètent sur scène, les chanteuses, avec le guitariste et le danseur. Rafael Ramirez a voulu élaborer cette forme de spectacle connaissant le rapport entre le flamenco et la musique arabo-andalouse et algérienne », a soutenu Wafir Shaikheldin Gibril


Rafael Ramirez, qui a fêté son anniversaire à Alger, a estimé que la danse est, elle même, un art en quête de précision et de perfection. « Dans le flamenco, on peut se permettre un peu d’improvisation. J’ai complètement conçu la chorégraphie en restant attaché à la tradition du flamenco. En tant que danseur, je devais intégrer la musique en moi pour pouvoir m’exprimer en mouvements. Le spectacle évoque les relations sociales. A un moment donné, j’ai choisi qu’il y ait « un conflit » entre moi et les deux chanteuses. Le conflit fait partie des relations humaines. Pour moi, la danse est une thérapie, une libération, une purification », a confié le chorégraphe. Rafael Ramirez dit s’être inspiré de sa grand-mère qui adorait la musique arabe.

Entre Budapest et Accra

La hongro-ghanéenne Sena Dagadu a mis le feu à la scène de la grande-scène Mustapha Kateb du TNA dans la soirée du mardi 2 juillet. Soutenue par le DJ Ákos Pásztor et le flûtiste Márton Élő, Sena Dagadu, pieds nus comme la capverdienne Cesaria Evora, a arraché tous les spectateurs de leurs sièges en interprétant des chants mêlant le rap, l’électronique et le dub. Elle a assuré une liaison artistique intense entre Budapest, où elle vit, et Accra, la capitale de son pays.
« Mon style est un mélange de musique traditionnelle ghanéenne, de musique contemporaine européenne et des airs urbains. J’aime bien le hip-hop, le rap, la soul et le reggae. Tous ces genres me représentent. Je suis une grande fan de la world music. Nous prenons les sons et les rythmes de partout. La flûte traversière ajoute une touche magique à nos compositions. Parfois, nous invitons d’autres artistes à nos concerts, des claviéristes, des chanteurs… », a déclaré Sena Dagadu, après le concert.
Selon elle, la musique africaine devient de plus en plus populaire en Europe ces dernières années.

« Mieux faire connaître la culture algérienne » en Allemagne

La dernière soirée du festival a été animée par un duo représentant l’Allemagne : l’algérienne Sarah Lilia Benadda (Lilia), au chant, et le japonais Ryosuke Hara (Rio) à la guitare électrique. Très à l’aise sur scène, Lilia, qui a une voix rassurante, a interprété des chansons allemandes, portugaises, japonaises, coréennes, turques, françaises, espagnoles, italiennes…Un tour du monde apprécié par le public. Un public qui a complètement adhéré à son spectacle en l’accompagnant dans la reprise de « Ya Zina » du groupe algérien Babylone.


Lilia et Rio se sont rencontrés à Kassel, une ville située à 380 km au sud-ouest de Berlin, dans le Land de Hesse. Ils se produisent ensemble sur scène depuis quatre ans. « Je suis en train d’apprendre les chansons classiques arabes, comme celles de Fairouz et d’Oum Keltoum, pour les chanter en Allemagne. Je souhaite aussi mieux faire connaître la culture algérienne dans ce pays. Les allemands aiment bien les chansons rythmées et dansantes comme celles qu’on fait en Algérie. Nous sommes plutôt concerts Live qu’albums (musiques enregistrée en studio). Nous avons animé des concerts en Allemagne et au Japon. En plus de la chanson, j’enseigne l’anglais, les mathématiques, la philosophie dans un collège et un lycée. Rio est professeur de guitare dans des écoles de musique », a déclaré Lilia dont la famille est originaire d’Oran. Elle était ravie d’animer son premier concert en Algérie.


Premier concert en Algérie aussi pour le jeune Sofian Medjmedj, lors de la dernière soirée du festival. Fils d’un père algérien, originaire de Constantine, et d’une mère thèque, Sofian Medjmedj a transformé la grande salle du TNA en une piste de danse avec des chansons lancées à grande vitesse avec un style qui va de l’Acid-rock au hip-hop en passant par la pop et le rap.


Master class sur la kora, l’instrument des griots

Accompagné de David Kandler, à la guitare, et de Petr Hataš, à la batterie, Sofian Medjmedj a investi totalement le plateau du TNA avec un son puissant à réveiller tous les dormeurs de la ville. La musique est énergique, puissante, entraînante…Formé à l’école britannique du pop-rock, Sofian Medjmedj a rappelé, dans certains passages, les performances du légendaire Freddie Mercury, leader du groupe rock Queen. Sofian Medjmedj était ravi, après le concert, que les spectateurs en fassent la comparaison.


Il a terminé son concert avec un « One, two, three viva l’Algérie » plus que convaincant avant de porter avec fierté l’emblème national algérien sur les épaules.
« Le public algérien est incroyable. Il a totalement adhéré à notre show. Nous nous sommes échangés l’énergie. Mon premier concert en Algérie était le meilleur. Je ne m’attendais pas à cela. C’était une ambiance folle. J’ai rencontré beaucoup d’amour chez les gens », a confié Sofian Medmedj.


Et d’ajouter : « je n’ai visité Constantine qu’une seule fois. Malheureusement, mon père ne m’a pas appris la langue arabe mais il m’a appris à dire Bismillah. En Tchéquie, ils ne connaissent pas vraiment la culture et la musique algérienne ».
En plus des concerts, certains artistes comme la belgo-camerounaise Lubiana et le suédo-sénégalais Maher Cissoko et la suédoise Sousou Cissoko ont animé un master class au TNA sur l’instrument ouest-africain de la kora en présence de Saïd Ben Khira et de Hassan Daggar du groupe Tikoubaouine. Un moment de rencontre qui a plu aux jeunes artistess algériens.

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