La cérémonie d’ouverture des 33e Jeux olympiques de Paris, organisée le vendredi 26 juillet 2024, continue de susciter la controverse à travers le monde. « Clairement notre intention n’était pas d’afficher un manque de respect à quelque groupe religieux que ce soit. À l’inverse, notre intention était de montrer de la tolérance et de la communion. Si des gens ont été offensés, nous nous en excusons », a déclaré, lors d’une conférence de presse, Anne Descamps, directrice de la communication de Paris 2024.
La CIO a réagi à une vague de protestation après la reproduction de la Cène de l’artiste italien Léonard de Vinci lors de la cérémonie. La Cène représente le dernier dîner de Jésus-Christ avec les douze Apôtres lors du Jeudi Saint avant sa « Crucifixion » (dans le Coran, Le Prophète Aissa n’a pas été crucifié, mais remplacé par un autre homme, » وما قتلوه وما صلبوه ولكن شبه لهم « ).
Les milieux chrétiens ont dénoncé cette reproduction avec des drag queens. Des protestations ont été exprimées aussi dans les pays musulmans. Apparu presque nu, peint en bleu, le chanteur français Philippe Katerine a campé le personnage de Dionysos, le dieu du vin, fils de Zeus dans la mythologie grecque, dans cette scène.
Sorti d’une cloche sur fond d’une représentation de la Cène, il a interprété une chanson au titre évocateur, « Nu ». Plusieurs chaînes de télévision, aux Etats Unis et dans les pays arabes, ont coupé la retransmission en live de la cérémonie de Paris, lors de ce passage. En Australie et en Chine, les commentateurs des télévisions ont, selon le journal français L’Equipe, montré un certain embarras, restés sans voix devant les conséquences controversées. La chaîne Sky news Australia a qualifié la cérémonie de Paris de « bizarre » et de « wokiste » (le wokisme est un mouvement contemporain défendant des idées progressistes, de gauche généralement).
« Une parodie LGBT »
À Moscou, Maria Zakharova, porte-parole du ministère des Affaires étrangères russe a évoqué sur son compte Telegram « une parodie LGBT de la Cène avec des apôtres représentés par des travestis ». Dans la même scène, Jésus-Christ a été représenté par une DJ de forte corpulence.
L’Eglise orthoxe russe a, elle aussi, protesté en parlant de « suicide historique et culturel ». Les évêques de France ont également réagi. «Nous remercions les membres des autres confessions religieuses qui nous ont exprimé leur solidarité. Ce matin, nous pensons à tous les chrétiens de tous les continents qui ont été blessés par l’outrance et la provocation de certaines scènes. Nous souhaitons qu’ils comprennent que la fête olympique se déploie très au-delà des partis pris idéologiques de quelques artistes», ont-ils écrit dans un communiqué.
La chaîne Saoudienne Al Arabiya et la qatarie Al Jazeera ont critiqué la présence d’artistes ouvertement gay lors de la cérémonie de Paris. L’homme d’affaires Elon Musk, patron de X, ex-
Twitter, a, pour sa part, parlé d’une cérémonie « totalement irrespectueuse » à l’égard des chrétiens.
En Hongrie, le Premier ministre Viktor Orbán (droite conservatrice) a ouvert le feu sur la cérémonie de Paris et critiqué « l’absence de morale publique ». Selon lui, les Occidentaux se sont délestés petit à petit « des liens métaphysiques, avec Dieu, la patrie et la famille ».
« Le satanisme décomplexé »
Certains internautes arabes, comme Liwa Chérif, se sont interrogés sur la présence d’une représentation de Moloch, une divinité cananéenne liée au sacrifice d’enfants. La représentation était visible derrière la chorale qui interprétait l’hymne des jeux olympiques. D’autres ont évoqué la présence de « rites sataniques » lors de la cérémonie de Paris.
Sur son compte X, le rappeur français Rohff a dénoncé ce qu’il a appelé « le satanisme décomplexé sur l’espace public ». « Manquait plus que l’antéchrist… Nous avons assisté à une cérémonie occulte à ciel ouvert qui aurait dû, de surcroît, avoir lieu dans une sphère privée. Je vous passe les détails, un film d’horreur truffé de symboles morbides ! C’est tout ce qu’on en retiendra malheureusement », a-t-il écrit.
« Ils veulent imposer leurs pourritures au monde », a réagi, pour sa part, l’écrivain émirati Habib Al Mulla. Selon Majed Al Majed, créateur de contenu saoudien, la représentation de la Cène lors de la cérémonie de Paris était « une revanche contre l’Église qui avait interdit les jeux olympiques depuis plusieurs siècles ».
En 394 de l’ère chrétienne, l’empereur chrétien Théodose avait aboli les fêtes païennes, dont les jeux grecs. C’était la fin des jeux olympiques antiques.La scène de Marie-Antoinette, dernière reine de France, décapitée, tenant sa propre tête entre ses mains, lors d’une prestation du groupe de metal français Gojira, a également suscité le tollé. A la Conciergerie, où elle fut détenue avant d’être exécutée le 16 octobre 1793, Marie-Antoinette est apparue à la fenêtre lors de la cérémonie alors que Gojira, accompagné de la chanteuse franco-suisse Marina Viotti et les Chœurs de l’Orchestre de Paris interprétait « Ah ! ça ira », un chant révolutionnaire appelant à prendre des aristocrates.
« Glorifier une décapitation »
Le tableau plongé dans la couleur rouge sang était intitulé « Liberté », en référence à la Révolution française. « À quel moment quelqu’un a pu trouver que c’était une bonne idée de glorifier une décapitation dans le contexte actuel ? » s’est interrogée Gabrielle Cluzel de Boulevard Voltaire, citée par le Journal du dimanche (JDD, droite).
«Nous avons aboli la peine de mort… et nous la célébrons devant le monde entier. Nous n’aurons jamais aussi bien porté nos ceintures noires… », a réagi, de son côté, Charles Prats, un magistrat, proche du la droite.
La présence du rappeur américain Snoop Dogg parmi les relayeurs de la torche olympique a également été critiquée. Certains ont parlé d’un « artiste toxicomane » qui ne peut pas être « un symbole sportif ». Le choix de certains artistes comme Lady Gaga a été critiqué aussi. Lady Gaga a interprété une chanson de music-hall aux paroles insignifiantes, « Mon truc en plume » de Zizi Jeanmaire. La star n’était même pas là au moment du live. Sa prestation fut enregistrée. « Les gens n’y ont pas cru, au début. On était en face du décor de Lady Gaga. Et au moment où la musique démarre, l’escalier est vide. Certains spectateurs ont hué et regretté d’avoir payé 180 euros pour ne rien voir », a protesté Yannick Le Gall, journaliste de France 3, présent au bord du fleuve, durant la soirée, cité par Franceinfo.
« Nous avons voulu inclure conjointement tout le monde »
Les organisateurs de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques de Paris, qui aurait coûté 150 millions de dollars, ont défendu le choix. « Notre intention n’a jamais été d’être impertinent, subversif. Notre idée est que dans cette grande diversité nous avons voulu inclure conjointement tout le monde. En France, la création artistique est libre, j’en ai profité. Il n’y avait pas de volonté de passer des messages militants mais des messages républicains. En France, on a le droit de s’aimer comme on veut, avec qui on veut. On a le droit de croire ou de ne pas croire », a déclaré Thomas Jolly, directeur artistique de la cérémonie, lors d’une conférence de presse.
« L’idée était de faire réfléchir. On a travaillé avec le CIO pour leur présenter la ligne directrice et les messages qui seraient véhiculés. On n’a pas pris par surprise la communauté internationale. C’était la cérémonie de la France. On a fait confiance à un directeur artistique et à son équipe », a déclaré, pour sa part, Tony Estanguet, président du comité d’organisation.