L’Algérie estime que la France n’est plus neutre dans le dossier du Sahara Occidental après son alignement sur la position de Rabat. Elle ne peut donc plus contribuer à un processus de règlement du conflit dans ce territoire, considéré comme « non autonome » par l’ONU.
Ahmed Attaf, ministre des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, est revenu, ce mercredi 31 juillet, sur la décision de Paris de considérer « le plan d’autonomie marocain » comme « la seule solution » au conflit au Sahara Occidental. Le chef de la diplomatie algérienne a déclaré, lors d’une conférence de presse, au siège du ministère des Affaires étrangères, que le président Abdelmadjid Tebboune a été informé par son homologue français Emmanuel Macron sur la nouvelle position de Paris sur le dossier du Sahara Occidental, en marge du sommet G7 à Bari, en Italie, le 13 juin 2024.
« La réponse du président de la République a été ferme, résolue et très précise », a indiqué Ahmed Attaf. Il a détaillé « les justifications et explications » avancées par le chef d’Etat français sur le changement qui se préparait à propos du dossier du Sahara Occidental : « Premièrement : cette démarche n’est pas nouvelle et n’apporte rien de nouveau. Elle n’est que le rappel d’une position que la France avait exprimée en 2007 lors de la présentation du plan d’autonomie par le Maroc. Deuxièmement : cette démarche vise à contribuer à la relance de la voie politique pour le règlement du conflit du Sahara Occidental. Troisièmement : la France reste fidèle à ses promesses et à ses engagements de soutenir les efforts du secrétaire général de l’ONU et de son Envoyé personnel ».
« La démarche française ne fait qu’alimenter l’impasse… »
Le chef d’Etat algérien, selon Attaf, a répondu à ces explications en ces termes : « premièrement : La nouvelle position française n’est pas une simple reproduction des positions déclarées précédentes, mais va bien au-delà, car elle se concentre sur l’exclusivité du plan d’autonomie comme base pour résoudre le conflit au Sahara occidental, et qu’elle reconnaît explicitement la soi-disant « marocanité du Sahara occidental » et inclut explicitement le présent et l’avenir du Sahara occidental dans le cadre de la prétendue souveraineté marocaine. Deuxièmement : la démarche française ne peut en aucun cas contribuer à la relance du processus politique, mais ne fait qu’alimenter l’impasse dans laquelle le plan d’autonomie a plongé la question sahraouie depuis plus de dix-sept ans. Troisièmement : la démarche française ne peut pas soutenir les efforts du secrétaire général de l’ONU parce qu’il n’accomplit tout simplement pas sa mission dans le même sens que la France, c’est-à-dire qu’il ne travaille pas à la mise en œuvre du plan d’autonomie, ni ne considère le Sahara occidental comme marocain, ni ne vise à établir la prétendue souveraineté marocaine sur le territoire sahraoui ».
Pour le président algérien, la démarche française ne sert pas la paix, ni la recherche d’une solution pacifique au Sahara occidental, ni ne va dans une direction qui pourrait contribuer à réunir les conditions nécessaires « pour accélérer la cristallisation de la solution souhaitée à ce conflit, telle qu’elle a été dictée et est toujours dictée par la légalité internationale ».
« Graves répercussions et conséquences »
« Dans une phase ultérieure, les autorités françaises nous ont informés, par le biais de notre ambassadeur à Paris, du contenu de la lettre que le président français avait l’intention d’adresser au roi du Maroc, en particulier le texte relatif à la question du Sahara occidental », a indiqué le chef de la diplomatie algérienne.
Et d’ajouter : » sur instruction des autorités suprêmes du pays, notre ambassadeur à Paris a exprimé aux autorités françaises la position algérienne sur cette démarche, en mettant en garde contre ses graves répercussions et conséquences ».
Le plan marocain n’a, selon lui, jamais fait l’objet de négociations ou de débats et n’a jamais été pris en compte par au moins quatre des envoyés spéciaux de l’ONU au Sahara Occidental, ces vingt dernières années, « ni au sein des Nations unies ni en dehors ».
« Ce plan, qui n’est pas sérieux, n’est pas pris comme cadre de résolution du conflit au Sahara Occidental. Ce plan ne peut pas être une base consensuelle de négociations politiques. Le Maroc cherche à légaliser un acte colonial au Sahara Occidental et entend gagner du temps pour consacrer le fait accompli colonial et l’imposer à la communauté internationale. Le soutien absolu de la France à ce plan est une manière de le refaire renaître de ses cendres (…) l’alignement sur les positions marocaines exclue de facto la France de toute contribution aux efforts diplomatiques pour la recherche d’une solution au conflit au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, comme membre permanent, ou en dehors de cette institution onusienne», a déclaré le ministre des Affaires étrangères. Il a estimé que la nouvelle position de la France est le fruit « d’un deal » qui n’est valable ni sur le plan juridique, ni politique ni moral. Il a laissé entendre que le deal, « conclu au détriment du peuple sahraoui », est lié à des intérêts économiques et commerciaux de la France au Maroc.