Des milliers de femmes et d’hommes Algériens sont sortis supporter la boxeuse Imane Khelif pour sa finale face à la Chinoise Yang Liu, Championne du monde en 2023 lors des championnats féminins de boxe à New Delhi, où Imane avait été exclue par l’association internationale de boxe (IBA) pour non-conformité au test de genre.
À Alger, à Tiaret, à Oran, les yeux étaient rivés sur l’écran en soutien à celle qui a été harcelée et diffamée, son combat n’était pas que sportif, il était aussi un moyen de montrer sa détermination face à la haine et la discrimination qu’elle a subis.
À 25 ans, Imane a remporté la médaille d’or par décision unanime en finale des -66kg de boxe aux Jeux Olympiques de Paris. C’est la première boxeuse algérienne et africaine à participer à remporter une médaille d’or. Dans une salle remplie par des supporters Algériens, venus en soutien à la boxeuse, Imane a fait sa danse de triomphe, une danse qu’elle effectue sur les rings en référence à son ami footballeur Youcef Belaili, qui lui l’effectue dans les stades. Fumigènes, défilés en voiture, danse, musique et youyous, la victoire d’Imane a été grandement célébrée en Algérie et en France.
Pour cause, cette victoire n’est pas que sportive, elle est aussi politique. La boxeuse a dû faire face à un cyberharcèlement et une diffamation sans précédent. Suite à sa victoire contre la boxeuse Italienne Angelina Carini lors des huitièmes de finale le 1er août, des personnalités connues telles qu’Elon Musk, JK Rowling, Giley Raines ont accusé Imane d’être un homme. Elle a été prise dans le conflit occidental woke/anti-woke, transactivisme/critique du genre, un conflit loin de la réalité algérienne qui a pris des proportions vertigineuses, où le sujet a été abordé jusqu’au Conseil de Sécurité. Le lanceur de la rumeur a été Umar Kremlev, président de l’association internationale de boxe (IBA), écartée de l’organisation des JO par le Comité International Olympique (CIO) pour mauvaise gouvernance.
Une boxeuse algérienne au milieu d’un conflit idéologique occidental
Depuis des années, des sportives et différentes personnalités dénoncent en Occident la participation des personnes trans dans les compétitions pour femmes, où les athlètes trans de par leur biologie, ont plus d’avantages. Loin des compétitions sportives, un véritable conflit idéologique a pris place entre les transactivistes et théoristes du genre et les critiques du genre ; L’Algérie, loin de ces débats woke/anti-woke, a ses propres conflits liés au conservatisme et aux discriminations basées sur le sexe, la transidentité n’est ni un débat politique ni un débat social, et les transitions ne sont aucunement reconnues.
Imane a été instrumentalisée dans ces conflits.
Le match d’Imane Khelif contre Angela Carini en 8ème de finale a duré 46 secondes. Après avoir reçu un coup, Angela Carini abandonne le combat, elle s’effondre ensuite et crie en pleurant « c’est injuste ». Très vite, les médias et réseaux sociaux s’enflamment et la diffamation commence : Imane Khelif est accusée d’être un homme, ou encore un trans. On parle d’elle au masculin, ou pour faire plus délirant, « en iel ». On commence à parler de ses chromosomes, de ses gonades, de son apparence, des diagnostics se font sur X ou sur instagram. Une réelle cabale se met en place dans un contexte où les lignes entre genre et sexe sont de plus en plus floues.
Or, non seulement Angela Carini a abandonné car elle avait une rage de dent tel que rapporté dans le média italien Corriere della Sera, mais de plus, à quel moment la boxe est un sport de douceur ? La réaction d’Angela Carini a été fortement critiquée par ses compatriotes, notamment par le fait qu’elle ait refusé de serrer la main à son adversaire alors que cette dernière essayait de la réconforter, Angela Carini déclarera avoir regretté son geste tout en présentant ses excuses à Imane.
Mais la cabale est lancée. La nageuse Américaine Riley Gaines a publié un post sur X accusant Imane de battre des femmes, son post a été vu plus de 300 millions de fois. Riley Gaines a dans son parcours été victime de discrimination sexiste, la nageuse avait été en cinquième place aux Championnats féminins de la NCAA, à égalité avec le nageur transféminin Lia Thomas, or le titre a été remis à l’athlète trans. Après qu’elle ait dénoncé cela, Riley a été victime d’un cyberharcèlement massif, avant d’être soutenue par divers personnalités dont des personnalités d’extrême droite à l’instar de Donald Trump. Sauf que Riley Gaines a cette fois tapé sur la mauvaise personne, elle a transféré toute sa frustration sur une athlète qui est loin de ces conflits. Le tweet de Riley a été vite repris par des personnalités telles qu’Elon Musk, JK Rowling, Piers Morgan, Giorgia Meloni entre autres. À cela se rajoute des médias qui répandent l’information qu’Imane aurait des chromosomes XY, leur seule source est la déclaration d’Umar Kremlev au média russe TASS.
Un conflit qui ne date pas d’aujourd’hui oppose le CIO à l’IBA. Dans des vidéos hallucinantes publiées sur X, Umar Kremlev s’attaque au CIO en accusant son chef Thomas Bach d’être un « sodomite », « diabolique », il accuse le CIO d’atteinte aux valeurs traditionnelles, il évoque également le fait que des « hommes qui ont changé de genre » soit autorisés à concourir dans les compétitions pour femmes. Or, Imane n’est pas trans. Il déclare également offrir à la boxeuse Italienne Angela Carini, la somme équivalente à une médaille d’or, soit 100 000 dollars. Ce cadeau « généreux » n’a pas été offert aux autres athlètes.
Misogynie, racisme et réponse de l’athlète algérienne
Imane Khelif a gagné en quart de finale contre la boxeuse hongroise Luca Hamori, cette dernière avait posté plusieurs publications insultantes envers Imane, l’accusant d’être un homme. Suite à la plainte du Comité Olympique et Sportif Algérien auprès de l’IOC, Luca Hamori a reçu un avertissement et a été contrainte de supprimer tous ses posts. A la fin du match, Imane et son adversaire, les deux avec un large sourire se sont serré la main. Après toute la pression qu’elle a subie, Imane a émis un cri de victoire face au monde entier. C’est en se dirigeant dignement vers ses coachs, vers les siens, qu’elle a laissé les larmes couler. Face aux médias venus l’interviewer, Imane a évoqué une « atteinte à son honneur ».
Du côté algérien, une grande consternation a eu lieu. On est arrivé jusqu’à publier les photos d’Imane enfant pour montrer que c’est bien une fille. Son père a dû montrer à des chaînes télévisées le livret de famille où il est mentionné qu’elle est une fille. Mais les détracteurs n’en démordent pas. Ignorant totalement la réalité d’Imane, de son peuple et de son pays, ils transfèrent leurs fantasmes sur elle, les critiques du genre en font leur cible et accusent l’Algérie de considérer une athlète selon eux « intersexe » comme femme.
Ces accusations ne démontrent que le nombrilisme occidental. Croyant que les discriminations ne sont que chez les autres, alors que les personnes intersexes sont elles-mêmes discriminées en Occident, car lorsqu’elles sont assignées à un sexe, des actes chirurgicaux et médicaux non nécessaires sont souvent pratiqués pour assurer une conformité au sexe choisi. Pratique également répandue en Algérie. Les diagnostics sur les réseaux sociaux ont battu leur plein, on a parlé de chromosomes XY avec déficit en 5-alpha-réductase, de dysgénie gonadique partielle, alors qu’on a accès à aucune information concrète. Il est à rappeler que les données génétiques relèvent du secret médical. L’IBA après avoir répandu la rumeur, a annoncé dans une conférence de presse lunaire tenue à Paris qu’ils ne pouvaient déclarer clairement les résultats des tests effectués car ils sont confidentiels, ceux-là même qui arguent qu’Imane Khelif aurait un chromosome XY. Alors secret médical ou pas secret médical ?
L’affaire a même été évoquée au Conseil de Sécurité de l’ONU le 07 août. Après qu’un diplomate russe ait avancé des allusions sur Imane, le diplomate algérien l’a recadré en arguant : « la boxeuse courageuse, la dame, la demoiselle Imane Khelif est née fille, a vécu son enfance comme fille, a pratiqué le sport comme femme sur tous les plans, il n’y a aucun doute sur cela, hormis pour ceux qui ont un agenda politique dont on ne connait pas les considérations ».
Une femme inspirante, courageuse et exemplaire
Imane a un parcours atypique et exemplaire. Elle a grandi à Tiaret, dans le petit village Biban Mesbah où elle a dû vendre du pain, des matériaux en ferraille, en plastique et en bronze pour subvenir aux besoins de sa famille et pour pouvoir se permettre d’aller à la salle de boxe, située à 10km du village. La boxe étant considérée comme un sport masculin, elle a dû se battre pour faire accepter ce choix et poursuivre les entrainements qu’elle a débutés en 2016. Dans une société qui relègue la place des femmes « à la cuisine », il faut faire preuve d’énormément de motivation pour poursuivre ses objectifs. Elle a déjà fait face à un harcèlement au niveau national, à cause de son apparence et son style jugés trop « masculins ». Imane a dû surmonter ces nombreux obstacles, pour arriver là où elle est. Ceux qui l’ont accusé d’avoir volé la place à une femme, ont tenté eux-mêmes de l’écarter d’une place pour laquelle elle a dû se battre pendant des années. Se battre contre la pauvreté, contre la misogynie, contre le harcèlement, avant de se retrouver à se battre également contre le racisme et le cyberharcèlement de masse.
Après sa victoire finale, durant la conférence de presse, un journaliste de RFI a demandé à l’athlète si elle pensait que son honneur a été lavé par cette médaille. Imane a répondu en arabe : « j’ai repris mon honneur, mais ce qu’ils ont fait sur les réseaux sociaux sont une atteinte à la pudeur, des choses non sensées et qui touchent à la dignité des personnes (…) Dieu merci j’ai pu surpasser cette période ». Imane a toujours été digne et honorable, ce sont ses détracteurs qui ont fait preuve de déshonneur en la diffamant.
Elle a réalisé son rêve, celui de remporter une médaille d’or aux JO et de rendre fier son peuple. Sa victoire est historique et sera racontée aux enfants et aux adultes de demain, elle a montré que la meilleure réponse face à la haine est la réussite. Imane est un exemple pour chaque Algérienne et Algérien qui a des projets et des rêves à réaliser, chaque obstacle est un défi à relever. Elle est également un exemple de la force et de la détermination des femmes algériennes. Aujourd’hui, on peut s’identifier à Imane, à Kaylia, à d’autres athlètes telles que Salima Souakri, Hassiba Boulmerka, car l’identification à un modèle est importante, pour pouvoir se dire : moi aussi, je peux le faire. Bravo, Championne !