A Béjaïa, le chanteur et acteur Sofiane Zermani ou Fianso se dit prêt à coproduire des films en Algérie

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A Béjaïa, le chanteur et acteur Sofiane Zermani ou Fianso se dit prêt à coproduire des films en Algérie
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Le chanteur et acteur franco-algérien Sofiane Zermani ou Fianso est aux 19e Rencontres cinématographiques de Bejaïa (RCB). L’artiste franco-algérien soutient une bourse qui porte son nom pour financer un projet d’écriture dans le cadre de Béjaïa Film Lab, initié par l’Association Project’heurts qui organise les RCB.  


« Ce projet est le fruit d’une rencontre avec les membres de l’Association autour d’un café, l’été dernier à Béjaïa. Par le passé, ils avaient installé ce laboratoire de création et d’accompagnement de jeunes artistes, notamment des scénaristes et des réalisateurs, sur des premiers projets. J’ai demandé modestement comment pouvais-je mettre ma pierre à cet édifice. On s’est mis d’accord sur ce partenariat autour de potentiels accompagnement sur les premiers projets de jeunes scénaristes issus de toute l’Algérie », a déclaré Sofiane Zermani, vendredi 27 septembre, lors d’une rencontre avec la presse à l’hôtel Brahmi, à Béjaia.


Selon lui, plusieurs artistes et sportifs veulent engager des initiatives mais ne savent pas encore par où passer. « Le lancement de la bourse a été relayé en France d’une manière dont je ne m’attendais pas. Cela a fait beaucoup de bruit. J’étais agréablement surpris. Avec l’âge, je me rapproche plus de l’Algérie. C’est un retour aux sources. J’espère reprendre ce projet tous les ans. Il faut que ça devienne une pierre importante des RCB, que ce soit bien amené. On est là en renfort puisque les RCB sont à leur 19è édition (…) J’ai l’impression que tout ce qu’on fait en 2024 est politique. Je reçois des messages sur les réseaux, des gens qui appellent à rentrer au bled, ça parle beaucoup, mais il y a peu de démarches en ce sens. Il y a donc des voix qui se lèvent, je suis l’une d’elles. Il s’agit de venir contribuer à la création artistique et culturelle en Algérie. Petit à petit, on peut y arriver », a-t-il dit.


Il a confié être prêt à engager des projets cinématographiques en coproduction en Algérie. « Il y a de super producteurs et de super comédiens en Algérie. Si on nous le permet et on nous fait des propositions, on viendra avec tous nos bagages. Avant de te demander ce que l’Algérie va te donner, demande ce que toi tu peux donner à ton pays. On peut travailler ensemble », a-t-il plaidé
Et d’ajouter :


« Sur le plan musical, je suis arrivé à mon maximum en tant qu’artiste, en termes de certification, de ventes, de tournées, de succès, de gloire…le volet fabrication s’est mis en place. Je me suis intéressé à la production avec certains artistes algériens qui sont devenus des stars dans le monde. Et quand le cinéma est venu me chercher pour me proposer des rôles, au bout de projets de formation et de rencontres, c’était juste logique. Aujourd’hui, je m’intéresse énormément à la production cinéma sur des thématiques algériennes et autres », a soutenu Sofiane Zermani.


« Les algériens ont le droit de critiquer les algériens, les autres non ! »

Depuis 2018, Sofiane Zermani a été distribué dans plusieurs longs métrages dont « Frères ennemis » de David Oelhoffen, « Mauvaises herbes » de Kheiron, « Sous emprise » de David Rosenthal et « Avant que les flammes ne s’éteignent » de Mehdi Fikri.
Il a confié vouloir créer un noyau avec des artistes d’Algérie ou des algériens du monde. « C’est une démarche assumée.  Il y a plusieurs personnes qui sont intéressées (par des projets en Algérie ) mais qui n’ont pas encore trouvé le moyen de le faire. Il y a tout un travail à élaborer et des focus à clarifier. Etre algérien est une identité que nous avons besoin de marquer. Nous avons tous des drapeaux et des maillots à la maison même si certains sont coupés de leurs racines et de leur Histoire. La quête mémorielle pour tout algérien est d’abord familiale, s’intéresser à l’histoire de sa famille, c’est par extension, s’intéresser à l’Histoire de l’Algérie », a-t-il dit.


Il a  invité les « algériens du monde » à venir au pays. « Vous pouvez prendre, mais il faut d’abord donner. Aujourd’hui, l’Algérie est attaquée de toutes parts. Il n’y a qu’à citer le buzz mondial sur la pâte à tartiner (El Mordjene) ou sur la boxeuse Imane Khelif. Les algériens ont le droit de critiquer les algériens, les autres non ! Entre nous, on peut tout se dire. Mais, celui de nous qui sort, c’est non, même pour dire quelque chose de vrai. Au festival de Cannes, un journaliste français est venu critiquer devant mois avec mépris la loi sur le cinéma en Algérie. Je lui ai répondu : « vous êtes en train de me donner des leçons là ? ». Je lui ai rappelé que pour un poste sur Facebook sur Macron, on pouvait faire une garde à vue en France. Donc, en termes de liberté d’expression, personne n’a de leçon à donner », a-t-il déclaré.  


Il a confié qu’il découvre le milieu artistique algérien qu’il trouve chic. « Les messages sont véhiculés vers les peuples passent par le divertissement, les films, par la musique, etc. Les films, par exemple, sont des marqueurs dans le temps. Au dernier festival du film méditerranén d’Annaba (en avril 2024), nous avons présenté le film « Avant que les films ne s’éteignent » sur les bavures policières (en France). Nous avons l’habitude avec ces bavures. Toutes les semaines, des personnes passent. Et, on nous explique après que le gamin était « un délinquant » ou que sa famille n’a pas payé trois loyers, il y a huit ans ! Nous connaissons bien ce narratif des médias français. Nous refusons tout cela… », a soutenu l’artiste.


« Avec l’âge, j’essaie de passer des valeurs positives »

Avant sa sortie en 2023, « Avant que les films ne s’éteignent », les deux acteurs Sofiane Zermani et Camélia Jordana ont été la cible d’une campagne haineuse et menaçante de la part des milieux fascistes français en raison de la thématique du long métrage.


« Les enfants de Seine-Saint-Denis (où est né Fianso) sont un peu agités. Certains artistes, notamment les jeunes, oublient qu’ils sont des leaders d’opinion avec des millions de followers sur les réseaux sociaux et des milliers de personnes qui achètent leurs contenus et leurs disques et viennent à leurs concerts, répètent leurs mots…Donc, forcément, la culture a un rôle à jouer. Ensuite, avoir un propos engagé et politique en France, je le fais », a-t-il déclaré.


L’auteur de « Affranchis » estime avoir toute la légitimité pour parler à haute voix en France : « Je peux parler du racisme systémique et des inégalités. Je manie mon discours avec prudence car l’influence sur l’opinion engage une responsabilité, notamment pédagogique envers les plus jeunes, parce qu’on est énervé et mal à l’aise en société. Il m’est arrivé de faire passer des valeurs violentes et négatives dans mes clips et mes images. Avec l’âge, j’essaie de passer des valeurs positives. Les gens ne comprennent pas pourquoi j’ai parfois un vocabulaire correct et un lexique fluide aujourd’hui ».


« Être un leader d’opinion en France dans un domaine comme le rap ou le cinéma, c’est une chose. Pourvoir parler sur la politique et sur des sujets sociaux, c’est une autre chose. Par contre, je n’ai pas la légitimité de dire que le cinéma ou la musique font bouger les choses en Algérie. Je n’ai pas eu 15 ans à Alger, je ne sais pas ce que c’est. Soolking a la légitimité de parler de l’Algérie puisqu’il y a vécu. Peut-être que dans dix ans, j’aurais la possibilité de parler de l’Algérie », a reconnu Sofiane Zemani.


« Si on casse des clichés, c’est qu’on se justifie quelque part… »

« Actuellement, je suis en tournée pour le film  « Barbès, Little Algérie » (réalisé par Hassan Guerrar). Dans ce film, j’ai eu la chance de jouer aux côtés de Khaled Benaïssa et d’Adila Bendimerad et avec des comédiens franco-algériens qui ont grandi à Paris. Il y a avait une algérianité totalement assumée, aucun complexe. Donc, je m’intéresse de plus en plus à ce volet algérien que j’assume. J’ai toute ma force et j’ai l’impression que c’est maintenant que je dois faire des choses », a-t-il appuyé.
Barbès, dans le 18e arrondissement de Paris, est un quartier où vit une forte communauté algérienne.


« Barbès, Little Algérie » est un film sur ce quartier, fait par des algériens, montre comment on mange,  on rigole, on partage…C’est un échange de cultures. J’ai un problème avec cette histoire de cacher les clichés. Si on casse des clichés, c’est qu’on se justifie quelque part. On dit : « regardez, on n’est pas comme vous le pensez, on n’est pas méchant… ». En toute humilité, je n’ai pas envie de te prouver que je suis aussi bien que ton fils ou ton cousin… Je gagne mon droit à être où je suis avec mon travail, ma science, mon public, mon talent…Je refuse d’essayer de me rapprocher d’une ligne ou d’un comportement qui plait pour qu’on m’accepte. Et bien qu’on ne m’accepte pas ! Gardez vos clichés ! Quand on rencontre une culture, on partage un territoire, un repas se fait à deux », a-t-il plaidé.


Sofiane Zermani regrette que la France se « droitise » de plus en plus ces dernières années. « L’islamophobie est promotionnée. Des médias appartiennent à des groupes qui financent certaines politiques et certaines campagnes. « Dis moi qui te finance, je te dirai qui tu es ». On m’a déjà sorti l’idée que je devais tout à la France. Ce n’est pas vrai. J’ai tout fait dans le privé, pas avec l’argent de la République. J’ai une fiscalité à six chiffres. Je paye cher le droit de prendre des autoroutes et d’avoir un passeport. Avec toute la condescendance du monde, je peux dire, c’est cool, mais en aucun je dirai merci », a soutenu l’artiste dans ce qui ressemble à un cri de colère.


Il a appelé à avoir des propos nuancés sur l’émergence des idées extrémistes en France. « On ne parle pas de tout le monde. Il y a, par contre, des gens qui nous vexent, nous méprisent, nous manquent de respect. Cela dit, il y a des généralités à ne pas faire », a-t-il averti.


« Peut être qu’on n’a pas assez pleuré, pas assez crié ! « 

Il a critiqué « les propos coloniaux et méprisants » véhiculés à travers « les lignes éditoriales de grands groupes médiatiques et de chaînes d’information français ».  
« C’est dur de se regarder dans un miroir et de se dire qu’on a fait du mal au monde. Le discours colonial français actuel sur la mémoire et notamment sur l’Algérie est honteux. C’est un déni clair, condescendant, méchant. Peut être qu’ en France, nous n’avons pas exprimé suffisamment et d’une manière audible cette douleur. Il y a une victimisation que nous n’avons pas mis en place. Peut être qu’on n’a pas assez pleuré, pas assez crié ! Peut-être qu’on n’a pas assez fait », a-t-il noté.  


Il a cité la chanson du rappeur franco-algérien Médine sur les massacres du 17 octobre 1961 à Paris. Ce jour-là, la police française avait réprimé dans le sang une manifestation de nationalistes algériens réclamant l’indépendance de l’Algérie.  
« Le propos colonial n’est pas que français. Il est dans une partie du monde contre  l’autre partie. La mort d’un tel ne vaut pas celle d’un autre. Dernièrement, mon père, qui est pudique, m’a dit : « mais qui a dit à ces gens de venir dans mon village et de tuer mon père » (à propos de soldats français lors de la période coloniale en Algérie). Des mots simples qui m’ont brisé. Le sacrifice de nos parents doit être nourri et entretenu. Il est hors de question d’expliquer à des gens qui ont plus d’un million de morts, à quelle heure ils doivent oublier tel ou tel événement. Des dizaines de documentaires sont produits chaque mois sur la deuxième guerre mondiale. On ne met pas un pansement sur une plaie, on la soigne. Tu ne veux pas reconnaître que tu as tort, tu ne veux pas reconnaître les massacres et la torture, et bien, à un moment donné, on va arrêter de parler. C’est tout », a tranché Sofiane Zermani. Il a rappelé que la moitié de sa famille est morte lors de la guerre de libération nationale en Algérie.


Dans les années 1970-1980, les algériens de France étaient, selon lui, préoccupés par assurer de meilleures conditions de vie. « Il fallait survivre. Donc, ils n’avaient pas le temps de penser aux questions de mémoire. Aujourd’hui, ma génération, qui est bien assise dans la société, commence à voir une position d’une manière plus libre. Notre génération a besoin de raconter son histoire. Cela passe aussi par la musique, par le cinéma, l’art… », a-t-il soutenu.


« Le cinéma voyage plus que le rap »

Il est revenu sur son parcours professionnel dans le domaine du rap qui a commencé en 2007. « Plus jeune, je m’exprimais avec une certaine rage dans le rap. Un rap dur parce que nous venions de quartiers durs. Aujourd’hui, j’ai 38 ans, j’ai des enfants. J’ai l’impression que ce n’est plus ma place dans cet univers. Ce discours étonne dans l’industrie de la musique. Ils ne comprennent pas qu’on ne peut pas continuer à faire ce rap un peu dur, un peu cité, un peu kaïra (…) Avoir des propos artistiques ou militants prend une autre forme pour moi. J’estime avoir fait le tour. J’ai eu cent fois ce que j’attendais. Aujourd’hui, il y a des jeunes qui ont plus de légitimité à dire des choses. Moi, je le fais d’une autre manière », a-t-il confié.


Et d’ajouter : « Le combat continue vers d’autres sphères.  C’est une chance de faire du cinéma, une aubaine. Le cinéma voyage plus que le rap. Un film peut faire le tour du monde, traduit en plusieurs langues. Une chanson de rap français fait le tour de quelques pays d’Europe ou de pays francophones ».


Selon lui, le rap est un des derniers pans du divertissement qui ne cache pas ses mots, qui assume ses propos. « Et pour le peu de message à texte et d’engagement qui peut rester dans ce rap français, il a un impact énorme notamment à des périodes cruciales, comme celles des élections. Un artiste n’est pas un élu, mais il reste l’élu des cœurs des gens. Les gens attendent des fois quelque chose de nous. A un moment donné, le public a réclamé à des artistes de prendre position sur la Palestine. Pour le public, l’artiste n’a pas le droit de garder le silence. Il y a des artistes qui ont eu peur de parler et d’autres qui ont dit qu’ils préféraient perdre les financements et les médias pour garder leur public », a-t-il soutenu.


Il a évoqué l’existence du « lobbying » dans les domaines artistiques. « Vous ne savez même pas qui est autour de la table dans tel comité de financement ou de subvention. Le cinéma et la musique sont des métiers coûteux, des sports de riches. On dépense des millions d’euros pour raconter une histoire qui risque de ne pas marcher ! Dans ces médias et dans ces comités d’attribution de subventions, il y a des convictions personnelles qui s’invitent. A nous de  défendre nos propos et nos points de vue dans ces comités. Certains ont peur d’être blacklistés dans les médias ou moins financés », a-t-il souligné

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