12e FIOFA: Lyd, une blessure à vif, une mémoire fracturée

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12e FIOFA: LYD : une blessure à vif, une mémoire fracturée
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Le poignant documentaire palestinien Lyd de Rami Younes et Sarah Ema Friedland, présenté au festival international d’Oran d’Oran du film arabe (FIOFA), est un voyage entre fiction et réalité amère. Une exploration poignante des multiples passés, présents et futurs de la ville de Lyd, en Palestine. Pendant 67 minutes, la ville elle-même, incarnée par la voix captivante de l’actrice palestinienne Maisa Abd Elhadi, guide le public à travers cinq mille ans d’histoire et de douleurs accumulées.

Lyd : entre histoire et déchirement

Autrefois considérée comme la première capitale de la Palestine en 636, Lyd, située à 70 kms de Naplouse, a été arrachée à ses habitants en 1948, lors de la création de l’État d’Israël. En quelques jours seulement, ce lieu prospère et riche en histoire est devenu Lod, une ville israélienne. Les forces israéliennes ont massacré des centaines de Palestiniens, notamment lors de l’attaque de la mosquée de la ville. La plupart des 50 000 habitants ont été exilés de force. Pour les survivants et leurs descendants, Lyd symbolise deux Nakba : celle de la perte de la terre et celle de la perte de l’identité.

À travers des témoignages douloureux, le film plonge le public dans le quotidien de ces Palestiniens de 1948, les derniers à avoir connu la ville telle qu’elle était. Abou Youcif, alors âgé de seulement 12 ans, raconte comment, après avoir traversé les lignes militaires, il retourne chez lui pour récupérer les langes de ses frères. Mais une fois sur place, il découvre que sa maison est occupée par une famille israélienne, qui lui refuse même l’accès à ses affaires. « Dans quel pays du monde », demande-t-il, « peux-tu quitter ta maison deux jours, deux jours seulement, revenir et la trouver occupée sans aucun recours légal ? ». Ce sentiment d’injustice l’a suivi toute sa vie, jusqu’à sa mort, avant même que le film ne soit terminé.

Une identité en péril

Le film soulève aussi la question cruciale de la perte de repères des nouvelles générations palestiniennes. Une enseignante palestinienne chrétienne, en larmes, partage sa douleur : « C’est la deuxième Nakba », dit-elle en parlant de la génération actuelle. Lors d’un atelier sur l’identité, seuls trois enfants sur dix se disaient Palestiniens, l’un allant jusqu’à se définir comme Israélien. D’autres ignoraient totalement où se trouve la Palestine, certains croyant qu’elle était en Arabie Saoudite ou en Égypte alors que d’autre la localisait à Ghaza, aux Emirats ou encore le désert. « Pourquoi mon Dieu, pourquoi nous ? » sanglote-t-elle, réalisant que pour beaucoup de jeunes, la Palestine n’est qu’un souvenir lointain.

Le contraste entre le passé glorieux de Lyd et sa triste réalité actuelle est saisissant. Aujourd’hui, la ville est majoritairement peuplée d’Israéliens juifs et d’une minorité palestinienne musulmane ou chrétienne, dans un contexte de racisme et de violence omniprésents. Toute trace de ce qu’était cette ville sont effacé par les nouvelles habitations des colons. Du vieux Lyd, il ne reste que quelques murs d’enceinte et une mosquée, témoin du massacre de ses habitants.

Lyd : la ville fracturée

Le film alterne entre réalité documentaire et fiction spéculative pour nous montrer une autre version de Lyd. Grâce à des images d’archives inédites, on voit la ville elle-même expliquer que le massacre et les expulsions ont brisé sa réalité. Elle existe désormais en deux versions : une Lyd occupée et une Lyd libre. Dans des séquences d’animation, le film imagine un futur où ces mêmes personnages, libérés du traumatisme de l’occupation, évoluent dans une Lyd libre, où le passé n’a pas été effacé.

Cette double réalité soulève la question de savoir quel avenir doit prévaloir pour les habitants de cette ville. À travers ces visions entrelacées de réalités possibles, Lyd ne se contente pas de retracer l’histoire ; il nous pousse à réfléchir à l’avenir. Ces enfants de Lyd se souviendront-ils de leurs ancêtres dans cinquante ans ? Sauront-ils même qu’ils sont Palestiniens, ou seront-ils définitivement perdus dans l’oubli de l’occupation ?

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