Le Parlement libanais a élu, ce jeudi 9 janvier 2025, Joseph Aoun, président du Liban. Il succède à Michel Aoun dont le mandat a pris fin en octobre 2022.
Par 99 voix sur 128 députés, Joseph Aoun, commandant en chef de l’armée libanaise depuis 2017, a été élu, au second tour. Au premier tour, il n’avait obtenu que 71 voix. Les 30 députés du Hezbollah et du mouvement Amal ont voté blanc. Des tractations menées durant la matinée du jeudi au sein du Parlement ont permis de dénouer ce qui pouvait être un blocage. Un accord entre les différents partis siégeant au sein du Parlement n’a jamais été obtenu les 26 derniers mois pour élire un président contribuant à fragiliser encore plus le Liban.
Chrétien maronite et militaire de carrière, diplômé en sciences politiques aux Etats Unis, Joseph Aoun, 61 ans, est le 14e président du Liban depuis 1943. « On dit de lui qu’il « sent le baroud ». Le chef de l’armée, Joseph Aoun, connaît le terrain comme la paume de ses mains, pour avoir servi aux quatre coins du pays avant de prendre la direction de l’institution militaire », écrit à son propos le journal libanais L’Orient-Le jour.
Les médias libanais soulignent que le nouveau président a toujours gardé une certaine neutralité politique lorsqu’il était à la tête de l’armée et a gardé la même distance par rapport à toutes les forces politiques dans le pays, ce qui peut l’aider à diriger le pays avec moins d’adversité.
« Au Liban, qui a l’âge de l’Histoire, les religions se complètent «
« Malgré les guerres, les explosions, les ingérences, l’agression, les convoitises et la mauvaise gestion de nos crises, le Liban est toujours là. Au Liban, qui a l’âge de l’Histoire, les religions se complètent avec un seul peuple. Malgré la diversité confessionnelle, notre identité est libanaise (…) Nous sommes attachés à notre terre comme espace vital de liberté(…) Il faut changer de vision politique par rapport à la protection de nos frontières, nos politiques économiques, notre conception de l’État et du développement et nos politiques environnementales », a-t-il déclaré lors du discours d’investiture devant le Parlement.
Il s’est engagé à lancer des consultations politiques pour nommer un Premier ministre « qui devra obtenir la confiance de la communauté internationale » et qui devra « travailler en coordination avec le chef de l’Etat », à mettre en œuvre des réformes urgentes, destinées à relancer l’économie, à redonner toute sa force au droit et à la loi, à adopter le principe de la décentralisation élargie dans la gestion du pays et à défendre l’économie libre et la propriété privée.
« Aucune communauté ne sera privilégiée par rapport à une autre et aucun Libanais ne sera privilégié par rapport à un autre. Je protègerai l’environnement et les libertés et j’investirai dans l’éducation, surtout publique. Nous devons investir dans la science, la science et encore la science. Nous n’avons pas de temps à perdre. Notre devoir est d’être des femmes et hommes d’État qui pensent à l’avenir de nos jeunes générations, à l’intérêt public et non aux intérêts privés. Je ne vous décevrai pas », a-t-il promis.
Imposer le monopole de l’Etat sur les armes
Il s’est engagé à réformer le système bancaire et à exiger des établissements financiers à restituer l’argent aux déposants. Depuis 2019, les banques libanaises bloquaient l’argent et ne permettaient pas aux clients de le récupérer, suscitant, en 2023, une vague de colère, marquée par des actes de vandalisme contre ces établissements. La monnaie libanaise est au plus de bas de sa valeur et l’inflation a atteint des taux records, près de 70 %, fin 2024 (elle était de 200 % fin 2023). Le taux de chômage est l’un des plus élevés au monde, près de 48 % chez les jeunes, fin 2024.
« Malgré les réactions positives sur la scène internationale, Joseph Aoun fait face à une situation intérieure complexe. La crise économique, qualifiée par la Banque mondiale de l’une des pires au monde depuis 1850, continue de ravager le pays. La monnaie nationale a perdu près de 98 % de sa valeur par rapport au dollar américain depuis 2019, et près de 80 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté », rappelle le site d’information Libnanews.
« Je refuse toute ingérence dans le travail de la justice et des services de sécurité. Il n’y a aucune immunité pour les criminels ou les corrompus. La justice tranche et offre la protection à chaque citoyen. Il n’y a pas de place pour les mafias, la contrebande, le trafic de drogue ou le blanchiment d’argent », a-t-il promis en s’engageant à lutter contre le chômage et la pauvreté. Il a annoncé la préparation d’une loi sur l’indépendance de la justice et l’action des procureurs.
« En tant que commandant des forces armées et chef du Haut conseil à la défense, je vais veiller confirmer le droit de l’Etat d’avoir le monopole du port d’armes. Un Etat qui investit en son armée pour contrôler les frontières, empêcher la contrebande, combattre le terrorisme, protéger l’unité des terres libanaises, appliquer les décisions internationales, respecter l’accord de trêve (avec Israël), repousser les agressions israéliennes contre les terres du Liban. Une armée qui a une doctrine de défense pour protéger la population et mener les guerres conformément à la Constitution », a déclaré le nouveau président libanais.
Il a annoncé sa volonté d’ouvrir un débat sur une politique de défense intégrée comme une partie d’une stratégie globale de sécurité prenant en compte les aspects diplomatiques, économiques, politiques et militaires. « Cela permettra à l’Etat libanais de mettre fin à l’occupation israélienne et à repousser ses agressions. Je promets de reconstruire ce qu’ a détruit l’agression israélienne dans le sud, dans la Bikaa et El Dhahi’a », a-t-il soutenu.
Tebboune félicite Aoun
Le Liban entend, selon lui, établir des partenariats stratégiques avec les pays arabes et à s’opposer à « tout complot visant la souveraineté de ces pays ». Il a indiqué que le Liban veut adopter la neutralité positive et ouvrir « un dialogue sérieux et égale à égale » avec l’Etat syrien pour « régler tous les problèmes en suspens entre nous comme le traçage des frontières dans les deux sens, la non ingérence dans les affaires intérieure d’aucun des deux pays et la question des réfugiés ». Joseph Aoun a indiqué que le Liban est attaché à la solution des deux Etats, sur base de l’Initiative arabe de paix du sommet de Beyrouth, en 2002, pour régler la question palestinienne. « Aujourd’hui, commence une nouvelle ère dans l’histoire du Liban « , a-t-il dit.
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a adressé, ce jeudi, un message de félicitations à Joseph Aoun, lui souhaitant les meilleurs vœux de succès dans l’exercice de ses fonctions.
« Votre élection par les représentants du peuple libanais en ces temps critiques et dans les circonstances difficiles que traverse votre pays frère et les pays de la région, après une vacance de deux ans, témoigne de la confiance placée en votre personne pour assumer ces nobles responsabilités avec sagesse et compétence. Nous nourrissons l’espoir de voir cette étape contribuer à une reprise au Liban, en atténuant les souffrances endurées par son peuple valeureux et en réalisant la sécurité, la stabilité, le développement et à la prospérité auxquels il aspire », a écrit le chef de l’Etat. « A cette occasion, je tiens à saluer les relations historiques entre nos deux pays, fondées sur la coopération et la solidarité, et à réaffirmer notre pleine disposition à œuvrer de concert à leur promotion », a-t-il ajouté.