La libre circulation des personnes figure parmi les principes clés du volet politique de l’accord d’association entre l’Algérie et l’Union européenne. Pourtant, la réalité actuelle semble en contradiction flagrante avec cet engagement. Les restrictions drastiques sur la délivrance des visas, en particulier à destination des pays du Sud, viennent compromettre cet accord, alimentant un sentiment d’injustice et de frustration croissante.
L’Algérie incarne parfaitement cette situation paradoxale. Alors que le pays applique une stricte réciprocité en matière de visas – à la fois sur les coûts et les documents requis – ses ressortissants font face à un véritable mur administratif lorsqu’ils cherchent à rejoindre l’espace Schengen.
En 2023, les demandeurs algériens ont essuyé 166 200 refus sur les 474 032 demandes déposées, soit un taux de rejet de 35 %. Ces refus se sont traduits par une perte sèche de plus de 13 millions d’euros pour des frais de dossiers non remboursables.
Des coûts de refus accablants
Cette situation n’est pas propre à l’Algérie. Les ressortissants africains sont les plus touchés par ces restrictions : ils concentrent à eux seuls 704 000 refus de visas en 2023, pour un coût global évalué à 56,3 millions d’euros en frais non restitués. Avec l’augmentation des frais de demande de visa à 90 euros depuis le 11 juin dernier, la facture ne cesse de s’alourdir.
Les Algériens, tout comme leurs voisins marocains qui ont essuyé près de 136 300 refus, doivent désormais débourser une somme qui représente plus du tiers du salaire moyen national pour une simple tentative de voyage en Europe.
L’Afrique, le grand perdant du système Schengen
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les pays africains et asiatiques ont supporté 90 % des coûts des visas Schengen refusés, évalués à 130 millions d’euros. Pourtant, ces mêmes pays, souvent liés historiquement et économiquement à l’Europe, voient leurs citoyens dissuadés de voyager légalement.
Cette situation, perçue comme une rupture des principes de partenariat, alimente une colère justifiée sur le continent africain. « Avoir un visa, c’est presque de l’ordre de l’impossible », confient de nombreux Algériens confrontés à des rejets systématiques et à l’opacité des décisions européennes.
La nécessaire refonte du système
Alors que l’Europe met en avant des politiques visant à renforcer les partenariats avec l’Afrique, la politique de visas actuelle semble aller dans le sens opposé. Loin de rapprocher les deux rives de la Méditerranée, elle contribue à creuser le fossé. Pour beaucoup, une refonte du système de délivrance des visas et une reconnaissance effective de la liberté de circulation semblent aujourd’hui indispensables pour rétablir un équilibre et respecter les engagements pris dans les accords d’association.