Tebboune évoque les Etats Unis, la Chine, le Maroc, la Palestine, la Syrie, l’Ukraine, le Mali et la Tunisie

0
Tebboune évoque les Etats Unis, la Chine, le Maroc, la Palestine, la Syrie, l'Ukraine, le Mali et la Tunisie
Google Actualites 24H Algerie

Le président Abdelmadjid Tebboune a rappelé, lors d’une interview accordée au quotidien français L’Opinion, lundi 3 février 2025, les fondements de la politique extérieure de l’Algérie et évoqué les relations avec certains pays.


« De notre indépendance à ce jour, nous avons toujours eu deux axes fondamentaux en politique étrangère. D’abord le non-alignement. Ces derniers jours, nous avons accueilli à Alger des membres du gouvernement russe dans le cadre de notre commission mixte, eu des échanges sécuritaires et diplomatiques au plus haut niveau avec les Etats-Unis, reçu une délégation de l’Otan. Nous avons d’excellentes relations avec tous les pays méditerranéens qui investissent et commercent avec nous, et vice versa. Nous sommes une force stabilisatrice en Afrique. Alors, quand certains politiques français disent que l’Algérie est isolée, cela nous fait bien rire », a-t-il déclaré.
Et d’ajouter : « Le deuxième axe est celui de la non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays. Ce qui explique que nous rejetons aussi toutes les tentatives de vassalisation de notre pays. Et je n’ai pas de complexe à le dire aux grandes puissances ».
A propos des relations avec les Etats Unis après l’élection du président Donald Trump, Tebboune a précisé que les relations de l’Algérie sont restées bonnes avec les différents présidents américains, « qu’ils soient démocrates ou républicains ».
« C’était déjà le cas lors du premier mandat de Donald Trump. Lorsque j’ai été élu en 2019, il m’a envoyé une lettre pour me féliciter quelques heures après les résultats, quand le président Macron a mis quatre jours pour « prendre acte » de mon élection. Nous n’oublierons jamais, non plus, que les Etats-Unis ont introduit la question algérienne à l’ONU. Ils accueillent aussi nos meilleurs chercheurs. C’est le seul pays qui a une ville du nom de notre héros national, l’émir Abdel Kader. Nos plus grands projets sous les présidents Boumediene, Chadli et Bouteflika ont été réalisés avec les Américains, dans les hydrocarbures et ailleurs ».


« Nous avons réussi à faire reconnaître la Palestine par 143 Etats de l’ONU comme membre à part entière »


Interrogé sur les déclarations du président américain sur « le déplacement » de la population de Ghaza vers l’Egypte et la Jordanie, le chef de l’Etat a eu cette réponse : « L’expression est malheureuse mais, dans son esprit, il ne s’agit pas de la population palestinienne qui a toujours eu des soutiens en Europe, dans le monde arabe, en Afrique… L’OLP est représentée à l’Unesco. Nous avons réussi à faire reconnaître la Palestine par 143 Etats de l’ONU comme membre à part entière. On ne va pas faire table rase de tout ce qui a été accompli ».
Le journaliste français a alors posé cette question : « Seriez-vous prêt à normaliser vos relations avec Israël si la relance du processus de paix aboutit au final à la création d’un Etat palestinien? »
« Bien sûr, le jour même où il y aura un Etat palestinien. Ça va dans le sens de l’histoire. Mes prédécesseurs, les présidents Chadli et Bouteflika, que Dieu ait leurs âmes, avaient déjà expliqué qu’ils n’avaient aucun problème avec Israël. Notre seule préoccupation, c’est la création de l’Etat palestinien », a répondu Tebboune.
Concernant la saisie récente du livre « L’Algérie juive » de Hédia Bensahli, le chef de l’Etat a noté qu’il s’agit d’une question qui relève de la polémique. « L’Algérie a accueilli plusieurs communautés et religions durant les derniers millénaires, y compris les juifs qui font partie intégrante de l’histoire du pays », a-t-il dit.


« L’Algérie se proposait, avec l’aval de l’ONU, de servir d’intermédiaire » en Syrie


Tebboune a confié avoir voulu réintroduire la Syrie au sein de la Ligue arabe lors du sommet arabe d’Alger en 2022. « Deux pays s’y sont opposés alors qu’ils ont invité le président Bachar el Assad au sommet suivant à Riyad. Il n’y a pas toujours de solidarités dans le monde oriental. Pour le reste, nous avons toujours parlé à l’ex-président syrien tout en étant ferme avec lui. Nous n’avons jamais accepté les massacres contre son peuple. Avant sa chute, je lui ai envoyé un émissaire. L’Algérie se proposait, avec l’aval de l’ONU, de servir d’intermédiaire pour qu’il discute avec son opposition. Cela n’a pas abouti. La suite, nous la connaissons », a-t-il expliqué.
Tebboune a répondu aussi à une interrogation sur l’Ukraine. « L’Algérie est entière. Elle a du mal à comprendre le double standard. Il faudrait condamner l’intervention en Ukraine, mais pas l’annexion du Golan ou du Sahara occidental… Quand je suis allé voir Vladimir Poutine en Russie en juin 2023, Emmanuel Macron m’a dit de voir si je ne pouvais tenter quelque chose pour la paix. Le président russe m’a aussi donné son feu vert. Il était prêt à dialoguer, mais Volodymyr Zelensky n’a pas répondu ».
Le chef de l’Etat est revenu aussi sur les relations économiques de l’Algérie avec la Chine.


« Nous avons une longue amitié » avec la Chine


« Les Chinois s’intéressent à de nombreux secteurs d’activité : des technologies de pointe à l’électronique en passant par le numérique, les batteries au lithium puisqu’on dispose de cette matière première. Ils sont venus au début pour construire des logements au grand dam des groupes français comme Bouygues qui lorgnaient le marché de la Grande mosquée d’Alger. Les Chinois ont proposé les meilleures offres, les délais les plus courts. Nous sommes satisfaits de leurs prestations. Et sur le plan politique, nous avons une longue amitié. Tous les responsables chinois reconnaissent la bataille qu’a menée l’Algérie pour ramener la Chine populaire comme membre de l’ONU et de son conseil de sécurité. De son côté, Pékin a été le premier pays à soutenir la guerre de libération du FLN et à recevoir le gouvernement provisoire de la République algérienne. Et c’est encore eux, avec l’Indonésie, qui nous ont introduits à la conférence des non alignés à Bandung », a-t-il souligné
Il a rappelé que l’Algérie est aussi en train de faire ses propres investissements et « a ouvert son économie à d’autres investisseurs étrangers dont l’arrivée est facilitée par la nouvelle loi sur l’investissement ».
« Nous avons déposé presque 11 000 projets au niveau de l’Agence nationale de promotion d’investissements », a-t-il noté.

« L’Algérie ne cherche pas à administrer le Mali »


Tebboune a estimé que le retour des coups d’Etat au Sahel était prévisible. « Les Etats du Sahel, comme beaucoup d’autres pays africains, n’ont pas réussi à construire des institutions solides et plus résilientes », a-t-il dit. Il a qualifiant d’aberrant le propos de Bamako accusant l’Algérie de « soutenir des groupes terroristes » au Nord du Mali. « Nous avons permis la conclusion de l’Accord de paix d’Alger que le pouvoir malien a dénoncé l’année dernière en expliquant qu’il s’agissait d’une ingérence étrangère. Nous avions même un plan de développement pour le nord Mali que nous étions prêts à financer à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars. Nous avons une importante communauté touareg en partage et avons toujours été disponibles pour rassembler les signataires de cet accord, car il n’y a pas de solution uniquement sécuritaire. L’Algérie ne cherche pas à administrer le Mali que nous considérons comme un pays frère pour lequel notre main sera toujours tendue », a indiqué le chef de l’Etat.
Et de poursuivre : « Nous avons seulement du mal à accepter la présence de groupes paramilitaires comme Wagner à notre frontière. Nous l’avons d’ailleurs dit à nos amis russes ».
A une question sur l’imam malien Mahmoud Dicko qui vit actuellement en Algérie, le président Tebboune a souligné que ce chef religieux est un homme sage. « Lorsqu’il s’est installé en Algérie, il a naturellement rejoint le conseil de la Grande mosquée d’Alger qui prône un islam du juste milieu », a-t-il appuyé.
Le chef de l’Etat a relevé qu’il n’y a pas de « recul des droits politiques » en Tunisie. « Pas du tout. La révolution du Jasmin, qui a abouti à la mise en place d’un régime parlementaire, a bloqué toutes les initiatives de Kaïs Saeid qui a remis les pendules à l’heure en restaurant le régime présidentiel qu’a connu la Tunisie depuis son indépendance. Mon frère, le président tunisien, est un universitaire reconnu, populaire, qui continue à aller faire ses courses au marché. Contrairement aux critiques, la Tunisie n’a pas de sérieux problèmes en dehors d’un endettement et d’une croissance faible. Nous l’aidons autant que l’on peut parce que c’est un excellent voisin qui a subi les bombardements de l’aviation coloniale à cause de son soutien à la guerre d’indépendance algérienne. C’est un pays dont la population est très instruite, fière de ses traditions. Il mérite d’être soutenu, le temps de passer cette conjoncture difficile », a-t-il déclaré.

« Nous sommes malheureusement dans la réaction avec notre voisin » marocain


Tebboune a abordé aussi le dossier du Sahara Occidental. « L’indépendance de l’Algérie a été obtenue après cent trente ans de combat. La RASD est un membre de notre organisation panafricaine, l’OUA devenue l’UA. La Cour internationale de Justice a dit qu’il n’y avait aucun lien de tutelle entre le Sahara occidental et le Maroc, si ce n’est des relations économiques. La justice européenne reconnaît progressivement les droits des Sahraouis. Ces derniers réclament des armes que nous nous préservons de leur donner pour le moment. Le roi Hassan II voulait régler le problème du Sahara occidental juste avant sa mort en juillet 1999. Il avait d’ailleurs confié au président congolais, Denis Sassou Nguesso : « Je ne laisserai pas cet héritage à mes enfants ! ». Mais Mohammed VI ne l’a pas suivi, hélas… », a-t-il souligné.
Question du journaliste : « La rupture des relations avec le Maroc est-elle durable ? » Réponse : « Je l’ai expliqué à tous les présidents à qui j’ai eu l’occasion d’en parler. Nous sommes malheureusement dans la réaction avec notre voisin. C’est presque un jeu d’échecs où nous sommes contraints de répondre à des actes que nous jugeons hostiles. Le Maroc a été le premier à vouloir porter atteinte à l’intégrité de l’Algérie avec son agression en 1963, neuf mois après notre indépendance, une agression qui a fait 850 martyrs. Il a toujours eu des visées expansionnistes, pour preuve, il n’a reconnu la Mauritanie qu’en 1972, soit douze ans après son indépendance. C’est encore les autorités Marocains qui ont imposé le visa aux ressortissants algériens en 1994 après les attentats de Marrakech. Nous leur avons récemment interdit le survol de notre espace aérien parce qu’ils réalisent des exercices militaires conjoints avec l’armée israélienne à notre frontière, ce qui est contraire à la politique de bon voisinage que nous avons toujours essayé de maintenir. Nous devrons mettre un terme à cette situation un jour. Le peuple marocain est un peuple frère pour lequel nous ne souhaitons que le meilleur ».

Article précédentTebboune : « nous avons pris la résolution de ne plus envoyer nos malades en France »
Article suivantEntretien téléphonique entre Chanegriha et Brown : Alger et Washington entendent consolider la coopération militaire

Laisser un commentaire