Les visas comme levier de pression de la France sur l’Algérie ? Un mauvais calcul

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Les visas comme levier de pression de la France sur l’Algérie ? Un mauvais calcul
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La presse française indique qu’un conseil interministériel de “contrôle de l’immigration” aura lieu le 26 février prochain avec l’Algérie comme “sujet central” avec à la clé des mesures de rétorsion portant notamment sur les visas. Les médias français – encouragés il est vrai par la rhétorique anti-algérienne du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau – ,  présentent des restrictions possibles sur l’octroi des visas comme un “levier” de pression sur l’Algérie. Le “bras de fer” souhaité par Retailleau et l’extrême-droite fondé sur la question des visas pourrait s’avérer sans effet. Contrairement à l’idée martelée par les médias français, l’Algérie ne devrait pas s’accrocher à l’accord du 10 juillet 2007, accordant une exemption de visa aux détenteurs de passeports diplomatiques français et algériens. La réciprocité jouant dans ce domaine. L’insistance lourde des médias français, avec une volonté manifeste de blesser, pousse d’ailleurs beaucoup d’Algériens, sur les réseaux sociaux, à demander aux autorités algériennes de mettre fin à cet accord. L’accord n’étant pas une “faveur” mais un échange de bons procédés, y mettre fin devrait ôter cet argument du “levier” pour exercer des pressions sur l’Algérie. Le discours incantatoire anti-algérien dans les médias français et la volonté apparente de M. Retailleau d’obtenir une “victoire” sur l’Algérie – pour des raisons purement électoralistes – ne sont pas de nature à faire fléchir les autorités algériennes. 

La question de l’accord du 10 juillet 2007 n’ayant pas un sérieux impact, ce serait plutôt l’option d’une suspension générale de la délivrance de visas Schengen aux Algériens qui semble être envisagée. Son objectif étant probablement de susciter des réactions chez les Algériens qui ont de forts liens nombreux avec leurs familles en France. Un calcul pour le moins erroné, les Algériens, y compris ceux de France et y compris les opposants, sont heurtés par la montée d’un discours anti-algérien clairement néo-colonialiste et emprunt de racisme et de mépris. Mais une telle option serait le chemin vers une rupture totale et la France y aurait beaucoup plus à perdre. De manière globale, l’Algérie exporte des hydrocarbures qui ne présentent aucune difficulté à être placés ailleurs si le marché français se ferme. L’Algérie, même au prix de certaines difficultés, pourrait réorienter l’essentiel de ses achats vers d’autres pays. 

Sur la question des visas proprement dite, la suspension ou l’arrêt de l’octroi de visa aux Algériens aura un coût. En 2024, la France a engrangé  près de 35 millions d’euros de revenus issus des frais de visa. Cette “manne” pourrait – et devrait – se placer vers d’autres pays Schengen. 

En 2024, la France a accordé 250 095 visas aux Algériens, une hausse de 19,3 % par rapport aux 209 723 de 2023, selon le ministère de l’Intérieur français. Ce chiffre ne dit pas tout. Avec un coût de 90 euros par demande depuis juin 2024 (contre 80 euros auparavant), non remboursable, même en cas de rejet, les Algériens auraient déposé environ 384 761 demandes, soit un total de 34,63 millions d’euros dépensés. 134 666 demandes auraient été refusées ( taux de refus estimé à 35 %), générant 12,12 millions d’euros de pertes pour les demandeurs, mais autant de gains nets pour les caisses consulaires françaises. Les 22,51 millions d’euros restants correspondent aux visas accordés.

Les Algériens, déterminés à voyager en Europe pour des motifs touristiques, économiques ou familiaux, se tourneraient vers d’autres États Schengen – Allemagne, Italie ou Espagne, par exemple. En 2023, les refus avaient déjà coûté 13 millions d’euros aux Algériens (sur 166 200 refus, selon Schengen News), et la tendance persiste. 

Un levier sans effet

La France a déjà prouvé que le levier des  visas est sans effet.  En 2021, elle avait réduit de moitié les quotas pour les Algériens, officiellement en réponse au refus d’Alger de reprendre ses migrants irréguliers. Une mesure punitive sans effet, les autorités algériennes n’ont pas changé les règles applicables en matière d’expulsion et ont continué à exiger que les services consulaires vérifient que les personnes concernées sont bien de nationalité algérienne. Les autorités algériennes sont d’autant plus à cheval aujourd’hui sur cette question que le ministre de l’Intérieur français est engagé dans une guerre ouverte contre les Algériens. L’obligation de vérification consulaire est d’autant plus importante que Retailleau a déjà montré qu’il entendait utiliser de manière abusive l’argument de la menace à l’ordre. Même la justice française l’a souligné. 

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