Abdelaziz Rahabi : «La France instrumentalise la question migratoire contre l’Algérie»

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Abdelaziz Rahabi : «La France instrumentalise la question migratoire contre l’Algérie»
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Invité par visioconférence par la chaine de télévision France 24, Abdelaziz Rahabi, ancien ministre et diplomate algérien, n’a pas mâché ses mots face à l’escalade des tensions entre l’Algérie et la France. Entre le dossier du Sahara occidental, les différends migratoires et les récentes déclarations françaises, les sujets de discorde s’accumulent. Pour Rahabi, cette crise, l’une des plus graves depuis l’indépendance, révèle une politisation dangereuse des relations bilatérales par Paris.

Une focalisation injuste sur l’Algérie

Au cœur des débats : l’attentat commis à Mulhouse par un ressortissant algérien sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Paris affirme avoir tenté de le renvoyer en Algérie à 14 reprises et menace de dénoncer les accords migratoires de 1968 si Alger refuse de reprendre une liste de plusieurs centaines d’Algériens jugés « dangereux ». Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a même parlé d’une « épreuve de vérité ». Une posture jugée exagérée par Rahabi : « L’Algérie a délivré près de 3 000 laissez-passer consulaires en 2024, soit un taux de satisfaction de 42 à 43 %, comparable à celui des autres pays d’Afrique du Nord. Pourquoi ce débat se focalise-t-il uniquement sur nous ? »

Pour le diplomate, cette insistance cache une manoeuvre électorale en France. « On donne l’impression que la délinquance, ce sont les Algériens. C’est un débat dirigé contre l’Algérie, destiné à servir des intérêts politiques intérieurs en France », déplore-t-il. Une stratégie qui, selon lui, met sous pression la communauté algérienne et ternit l’image du pays, sans que l’Algérie n’ait jamais cherché à politiser la question migratoire.

Le Sahara occidental, véritable déclencheur

Mais au-delà des OQTF, c’est la reconnaissance par Emmanuel Macron de la « marocanité » du Sahara occidental qui a mis le feu aux poudres. Lors d’une visite au Maroc, cette prise de position a été perçue à Alger comme un grave désengagement de la France. « La France a perdu son rôle de modérateur au Maghreb », assène Rahabi. « En choisissant le camp marocain, elle s’est disqualifiée pour jouer les bons offices entre l’Algérie et le Maroc, un rôle qu’elle tenait depuis les années 1970-1980. » Pour lui, cette décision nuit davantage à la France qu’à l’Algérie sur le plan international, tout en fragilisant le processus de construction maghrébine.

Interrogé sur une éventuelle « vengeance » algérienne – via l’arrestation de l’écrivain Boualem Sansal ou les critiques virulentes dans la presse locale contre Bruno Retailleau –, Rahabi rejette cette idée. « Nos officiels parlent peu, contrairement aux Français. Nous avons le sentiment que la décision à Paris n’est pas autonome, influencée par des lobbies anti-algériens et l’extrême droite nostalgique de l’Algérie française. »

Vers une rupture irréversible ?

Face aux mesures vexatoires évoquées dans une note du ministère français de l’Intérieur – restrictions pour les passeports diplomatiques algériens, menaces contre les ressortissants –, Rahabi appelle à la retenue. « Les conventions internationales, comme l’accord de 1968, peuvent être révisées ou dénoncées, mais cela doit se faire par la diplomatie, pas sur la place publique. » Il regrette les signaux contradictoires de Paris : un discours d’apaisement parfois porté par Macron, vite contredit par des déclarations belliqueuses des membres don Gouvernement.

Pour autant, Rahabi écarte l’idée d’une rupture totale. « La sécurité de notre communauté en France est centrale. Nous privilégions la sérénité, pas l’escalade. » Sur la question des OQTF ou de Sansal, il refuse de faire de ces dossiers des enjeux isolés : « Nos relations avec la France doivent être abordées dans leur globalité – humaine, économique, stratégique –, pas sous l’angle étroit de la migration, qui profite aux discours antialgériens. »

Un appel au dialogue

Rahabi insiste sur la vocation de la diplomatie : tendre des passerelles. « Il y a en France des esprits de bonne volonté qui cherchent l’apaisement, mais ils sont noyés par des forces influentes qui ne veulent qu’une chose : taper sur l’Algérie. » Un constat amer pour cet ancien ministre, qui voit dans cette crise un test crucial pour l’avenir des relations algéro-françaises.

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