« Je mets en garde contre une ingérence dans la vie politique du #Liban. Elle ne sera pas acceptée. Le Liban n’est pas un protectorat français. je mets en garde les Libanais à propos des réformes de Macron : protégez les revendications de votre révolution citoyenne. ».
Le message de Jean-Luc Mélenchon, chef de La France Insoumise adressé au président français Emmanuel Macron est limpide: le Liban a besoin de l’aide – dont celle de la France – mais il ne faut se tromper ni sur le diagnostic de la situation, ni sur les réponses possibles. Entre bain de foules, admonestations et injonctions, le chef de l’Etat français a franchit une limite que même un Liban effondré, en situation de crise majeure, ne peut accepter. En appelant par exemple à une enquête internationale, Emmanuel Macron endosse, trop légèrement, une revendication des adversaires du gouvernement en place animés du seul souci d’en découdre avec un « ennemi ».
Une revendication qui vient d’une opposition qui faisait encore récemment partie du pouvoir et qui est incluse dans le rejet général de la classe politique par les libanais. Ils sont encore dans le registre politicien alors que le pays est à genoux. Ceux qui sont au pouvoir actuellement comme ceux qui l’étaient récemment – à l’image de Saad Hariri – font partie de ces féodalités politiques qui se sont enracinées à l’ombre d’un système confessionnel mis en place durant le mandat français au Liban (1920-1943) et conforté par l’accord de Taëf du 23 octobre 1989.
Cette exigence d’une enquête internationale n’a pas pour but la manifestation de la vérité et le Liban, même à genoux, a les moyens de la mener et vite. Les autorités libanaises ont demandé des réponses rapides à l’équipe de l’enquête en charge de déterminer les causes et les responsabilités du désastre et si les « opposants » en rajoutent en matière de suspicion, cela n’est pas le rôle d’un chef d’Etat étranger d’abonder dans leur sens.
La France se pose traditionnellement en défenseur de la minorité chrétienne au Liban, mais le pays du cèdre n’est pas réductible à cette communauté, elle-même divisée et politiquement non homogène. C’est une composante importante du Liban dont les liens avec la France sont forts, mais ce n’est pas tout le Liban.
Le président français – et les médias français – devraient sortir de ce tropisme qui consiste à ignorer que le Liban n’est pas réductible à la minorité chrétienne. Ce que M. Macron a entendu de la part de Libanais en colère existe bien, mais tous les Libanais ne pensent pas la même chose. L’aide de la France – comme celle des pays arabes et autres – est la bienvenue, elle ne peut être assortie à des conditions politiques attentatoires à la souveraineté du peuple libanais. Or, beaucoup de Libanais que le président français n’a pas rencontré ont eu, en sus de la grande peine liée au désastre, le sentiment que M.Macron jouait au pro-consul. Au président du Liban, en « protecteur ».
Le président français a ainsi déclaré qu’il proposerait « un nouveau pacte politique » aux dirigeants libanais et que si, lorsqu’il reviendrait le 1er septembre, les dirigeants libanais n’avaient « pas su tenir » leurs engagements, « je prendrai mes responsabilités avec vous ». C’est une sommation à appliquer « sa » réforme et elle est aussi cavalière que contre-productive. Il existe bien un large consensus « anti-système » chez les Libanais mais comment et par quoi le changer est une autre paire de manche. Cela suppose un travail de gestation que les Libanais sont désormais contraint d’engager.
La quasi-banqueroute financière du pays, l’effondrement progressif des services publics et cette catastrophe qui a éventré Beyrouth fait que ce débat est inévitable. Comment réformer un système confessionnel qui reste fortement enraciné? Avec quels acteurs? Selon quelle démarche? Ce sont des questions qu’il reviendra aux Libanais de discuter et de trancher; cela ne relève pas des prérogatives des acteurs étrangers, même ceux qui se disent « amis ».
Macron devrait écouter M. Melenchon: le Liban réel est plus large, plus vaste et plus varié que le Liban que la France connaît. Car même si l’Etat libanais est à genoux, il reste encore les Libanais, tous les Libanais. C’est à eux de trouver le chemin et la voie, ceux qui veulent les aider sont à remercier, ils ne doivent cependant pas leur dicter ce qu’ils doivent faire.
On ne le rappellera jamais assez: le Liban a « trop » d’amis, ils ont été très pesants dans sa vie, pour le pire le plus souvent et non pour le meilleur. Aux Libanais de se parler et de trouver, sans l’interférence des « amis », les chemins de la nécessaire réforme de l’Etat et de la politique.
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