Chaïma, pourquoi ? (BLOG)

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Ce texte intitulé « Chaïma, pourquoi  » a été publié le 25 décembre 2012, dans le Quotidien d’Oran, il évoquait le martyre d’une petite fille assassinée. La similitude entre les situations n’est pas que dans les prénoms des victimes. D’où sa republication.

Pourquoi ne pas avoir parlé « à temps » du martyre de la petite Chaïma enlevée et assassinée à Mahelma, pas très loin d’Alger ? A cette question, qui a été posée à l’auteur de ces lignes, la seule réponse sincère est que l’on est trop écrasé par le fait et que les mots manquent pour traduire ce mélange d’effroi, de colère et d’abattement.

On est suffisamment informé pour savoir que des horreurs de ce genre existent aussi ailleurs mais cela n’est pas une consolation. Et surtout on sait, intuitivement, que ce qui est arrivé à cette petite fille n’est pas un fait à inscrire dans la rubrique « faits divers ». Il est trop énorme. Et il suffisait de se promener dans les rues, de tendre l’oreille, pour savoir que l’événement a secoué les esprits.

Dans une Algérie où l’insécurité s’accroît à mesure que l’on s’éloigne des centres, des parents ont désormais un peu plus peur pour leurs enfants. Dans les cafés, ceux qui en parlent finissent pas perdre la voix et se bornent à secouer la tête. On a fini par admettre qu’être adulte s’accompagnait de risques de se faire agresser, mais pour les enfants on s’imagine toujours que leur fragilité les sanctuarise. Quand on apprend qu’ils ont été enlevés et tués, on a immédiatement le sentiment qu’une transgression absolue a été accomplie. Que celui (ou ceux) qui a tué Chaïma a déjà, en esprit, tué tous les enfants.

Comment peut-on faire une chose pareille ? Les psychiatres ou les psychanalystes ont peut-être des réponses. Elles ne seront jamais suffisantes quand il s’agit de violences faites sur des enfants. Et les appels à l’application de la peine de mort ne rassurent pas, même si dans l’état d’émotion actuel ils ont l’assurance d’être approuvés. Le thème est cependant trop grave pour être évacué par un effet d’annonce. La peine de mort existe en Algérie même si un moratoire de fait semble être de mise depuis quelques années. Lever ce moratoire ne crée pas un effet de dissuasion. Par contre, il faut bien se mettre à parler de ces choses qui adviennent aujourd’hui et qui étaient encore « impensables » il y a deux décennies. Pourquoi les gens dans ce pays ont durci au point où même des enfants deviennent des cibles et des proies ?

Dernièrement, un chef de service neurologie a indiqué que 100.000 Algériens étaient atteints de démence. Des fous, pour faire simple. Le chiffre, trop rond, a suscité des émois. En réalité, la santé mentale d’un nombre plus important d’Algériens a été affectée au cours des dernières décennies. Des traumatismes restent enfouis et secrètent une violence endémique. L’absence de réparation qui combine nécessairement entre aspects juridiques et médicaux empêche les cicatrisations et la fermeture du traumatisme.

Les violences sont l’indice de la permanence du problème et elles sont, souvent, la manifestation d’un stress post-traumatique. Le martyre de Chaïma n’a pas d’explication connue et il n’est pas nécessairement lié au traumatisme vécu par les Algériens durant les années 90.

Il est cependant difficile de ne pas constater que l’état de la société algérienne avec ses incivismes, ses violences et la généralisation de la tricherie et même de la fourberie à tous les niveaux sont le signe d’une maladie plus générale. Il y a quelque temps, le professeur Farid Chaoui relevait qu’en décidant d’imposer une amnésie générale sur des faits traumatisants pour un grand nombre, on a essayé de « cacher le soleil avec un tamis ». « On essaye d’imposer le silence autour de cette question comme si on allait résoudre le problème. Or, si on l’ignore, cela va nous exploser à la figure. Aujourd’hui, les problèmes de violences urbaines, à l’école, les violences conjugales, sont en partie liés à ces phénomènes ».

Publié le 25 décembre 2012 dans Le Quotidien d’Oran

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