La politique s’est invitée, samedi 27 mai au soir, lors de la cérémonie de clôture du 76 Festival international de Cannes (France).
Sur décision de la préfecture des Alpes-Maritimes, il était interdit aux syndicats et aux partis français de manifester à Cannes, durant la période du festival qui s’est déroulé du 16 au 27 mai 2023, pour dénoncer la réforme de la retraite.
Le Conseil d’État a rejeté un recours déposé par des associations contre cette interdiction. Finalement, la voix du mouvement contre la réforme de la retraite a été portée par Justine Triet, réalisatrice française de 44 ans, qui a décroché la Palme d’or pour son film « Anatomie d’une chute ». «
« Cette année, le pays a été traversé par une contestation historique, extrêmement puissante, unanime de la réforme des retraites. Cette contestation a été niée et réprimée de façon choquante, et ce schéma de pouvoir dominateur de plus en plus décomplexé éclate dans plusieurs domaines. Evidemment socialement, c’est là où c’est le plus choquant, mais on peut aussi voir cela dans toutes les autres sphères de la société, et le cinéma n’y échappe pas », a-t-elle déclaré.
Et d’ajouter : « la marchandisation de la culture que le gouvernement néolibéral défend, est en train de casser l’exception culturelle française. Cette même exception culturelle sans laquelle je ne serai pas là aujourd’hui devant vous ».
Colère de la ministre de la Culture
Rapidement, la ministre de la Culture française Rima Abdul Malak a réagi aux critiques inattendues de Justine Triet faites devant les caméras du monde entier. « Heureuse de voir la Palme d’or décernée à Justine Triet, la 10ème pour la France ! Mais estomaquée par son discours si injuste. Ce film n’aurait pu voir le jour sans notre modèle français de financement du cinéma qui permet une diversité unique au monde. Ne l’oublions pas », a-t-elle écrit sur Twitter.
« Anatomie de l’ingratitude d’une profession que nous aidons tant… Et d’un art que nous aimons tant ! », a tweeté, de son côté, Roland Lescure, ministre de l’Industrie.
Justine Triet a dédié son prix à « toutes les jeunes réalisatrices et réalisateurs » et « à ceux qui n’arrivent pas à tourner » (faute de financement). « On se doit de leur faire de la place. Cette place que j’ai prise, il y a quinze ans dans un monde un peu moins hostile et qui considérait encore possible de se tromper et de recommencer », a-t-il encore déclaré.
« Cannes revient à sa tradition », selon la gauche
L’opposition a apporté son soutien aux déclarations de la jeune cinéaste. Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti Socialiste, a répondu sèchement à la ministre de la Culture : « Estomaqué de voir une ministre de la culture qui pense que quand on finance un film, on achète la conscience de ses auteurs ! « .
« Merci à Justine Triet pour son courage en plus de son talent. Cannes revient à sa tradition. C’est la gauche résistante qui a créé ce festival », a réagi, de son côté, Jean Luc-Mélenchon, leader de la France Insoumise (gauche radicale).
David Lisnard, maire de Cannes (Républicains, droite), présent dans la salle du Palais des Festivals lors de la cérémonie de clôture, n’a pas apprécié les propos de Justine Triet.
« Bravo à tous les récompensés venus du monde entier recevoir avec joie et respect leur prix. Une seule complainte, politique, celle de la réalisatrice française, au discours d’enfant gâté et si conformiste, en recevant la prestigieuse palme d’or pour son film subventionné. Routine », a-t-il dénoncé sur Twitter.
Troisième femme à recevoir la Palme d’or en 76 ans !
Justine Triet est la troisième femme à décrocher la Palme d’or dans l’histoire du festival de Cannes, après la néo-zélandaise Jane Campion pour « La Leçon de piano » ( 1993) et la française Julia Ducournau pour « Titane » en 2021.
« Anatomie d’une chute » est film sur le procès d’une femme accusée d’avoir tué son époux. Sandra (Sandra Hüller), Samuel (Samuel Theis) et leur fils Daniel (Milo Machado Graner) vivent dans un chalet en montagne où il neige. Un jour Samuel est retrouvé mort. L’enquête commence. Une grande partie du film est concentrée sur le procès de Sandra. Au total, 21 long métrages étaient en course pour la Palme d’or dont sept étaient réalisés par des femmes dont la tunisienne Kaouther Ben Hania avec le docu-fiction « Les filles d’Olfa » et la sénégalaise Ramata-Toulaye Sy avec le film « Banel e Adama ».
Le Palmarès du Festival de Cannes 2023 :
– La Palme d’or : « Anatomie d’une chute » de Justine Triet (France)
– Le Grand Prix : « The Zone of Interest » de Jonathan Glazer (Grande Bretagne) ;
– Le Prix du jury : « Les Feuilles mortes » de Aki Kaurismäki (Finlande)
– Le Prix du scénario « Monster » de Hirokazu Kore-eda (Japon)
– Le Prix de la mise en scène : « La Passion de Dodin Bouffant » de Tran Anh Hung (France, Belgique)
– Le Prix d’interprétation féminine : Merve Dizdar, pour le film « Les Herbes sèches » de Turc Nuri Bilge Ceylan (Turquie)
– Le Prix d’interprétation masculine : Koji Yakusho, pour le film « Perfect Days » de Wim Wenders (Japon-Allemagne)
– La Caméra d’or : « L’Arbre aux papillons d’or » de An Pham Thien (Vietnam)
– La Palme d’or du court-métrage « 27 » de Flora Anna Buda (Roumanie)
