A Saïda, le romancier Waciny Laredj raconte son « histoire » avec Hizia

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A Saïda, le romancier Waciny Laredj raconte son "histoire" avec Hizia
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A la faveur du 26 ème Salon international du livre d’Alger (SILA), prévu à partir du 25 octobre au Palais des expositions des Pins maritimes (Safex), l’écrivain et universitaire Waciny Laredj s’apprête à publier un roman sur Hizia Bent Ahmed Belbey, immortalisée par l’élégie de Mohamed Ben Guittoun, écrite en arabe dialectal au XIX ème siècle.


« Hizia : le soupir de la gazelle sacrificielle » (حيزية، زفرة الغزالة الذبيحة) sera le titre de ce roman en langue arabe, dévoilé à Saïda, par Waciny Laredj, lors d’un débat au 6ème Festival national de la littérature et du cinéma de la femme, qui s’est déroulé du 13 au 17 septembre 2023.


L’écrivain est revenu sur la polémique suscitée en mai 2023 par ses déclarations sur Hizia et son histoire d’amour avec son cousin Saïd. Une version que l’auteur de « La Gardienne des ombres » remet en cause. La controverse, qui s’est propagée sur les réseaux sociaux, est liée à cela et à d’autres conclusions faites par l’auteur.


« Il y a eu un débat melé d’insultes et de tentatives sérieuses de discuter en profondeur du sujet. Des écrivains, des universitaires et des artistes ont tenté d’élever le niveau du débat. D’autres ont appelé à me juger parce que j’aurais porté atteinte au patrimoine national. L’un d’eux a même soutenu que j’aurai outragé l’honneur de la tribu ! Je n’avais jamais imaginé que nous étions encore dans une société tribale (…) Un chanteur a lancé un appel pour « collecter des signatures » en vue de me juger pour avoir déshonoré Hizia. Et, on a même écrit trente sept articles sur mes déclarations alors que mon roman n’est pas encore publié. Cela ne peut arriver qu’en Algérie ! Je ne m’attendais pas à un tel flot de réactions négatives », s’est-il étonné.


Et de préciser :  « J’ai participé à un hommage au défunt Hocine Khemri, grand critique littéraire, à l’université de Constantine, puis à un débat à la bibliothèque publique de la même ville sur Hizia. Certains ont alimenté la polémique après mes déclarations pensant que j’étais destiné à un poste politique. J’ai refusé une proposition qui m’a été faite en ce sens.  Je suis un homme libre. Je dis ce que je pense ».


« Seul Khelifi Ahmed a interprété le texte authentique de Hizia »

Waciny Laredj, qui revendique Hizia comme un patrimoine algérien, explique qu’il mène des recherches sur Hizia depuis quatre ans en se déplaçant à Biskra, Doucen, Sidi Khaled, Ouargla, Djelfa…


« A part le poème de Benguitoune, nous n’avons aucune information sur Hizia. Donc, la matière n’est pas suffisante pour élaborer un roman. Il fallait aller plus loin. Ces dix dernières années, tous mes romans ont été écrits sur la base d’un recherches », a-t-il noté.  Il défend l’idée de « la littérature d’investigation » qui n’est pas uniquement celle du roman policier.
Waciny Laredj dit avoir lu le poème de Benguitoune et écouté toutes les versions de la célèbre chanson « Hizia », interprétée par Khelifi Ahmed, El Bar Amar, Rabah Driassa, Mansour Khoudir et Abdelhamid Ababsa. « Consolez-moi mes amis : j’ai perdu la reine des belles; elle repose sous les pierres du tombeau.Un feu ardent me dévore ; je suis à bout. Ô sort cruel, mon cœur est parti avec la svelte Hizia ! », est-il chanté au début d’un poème de plus de 100 vers.  


« J’ai découvert que seul Khelifi Ahmed a interprété le texte authentique de Hizia. Ce texte a été publié en 1899 dans une revue française.  J’ai découvert aussi que des strophes quelque peu érotiques ont été supprimées du poème lors de la reprise en chanson. C’était un homme qui exprimait librement son amour dans une société tribale peu tolérante. Il n’a jamais été inquiété après. Un siècle et demi plus tard, on pensait que la société avait évolué dans le sens de plus d’ouverture. ce n’est visiblement pas le cas », a regretté l’auteur de « Fleurs d’amandier ».


Vers 1878, Saïd, cousin et amoureux de Hizia, avait demandé à Mohamed Benguitoune, qui était à l’époque connu comme un homme instruit et poète, d’écrire une élégie en hommage à la jeune fille, morte brutalement à 23 ans.


 Hizia morte empoisonnée ?

« C’est ce qui était répandu au niveau populaire jusque-là. Mais, comment Saïd pouvait raconter ses rapports intimes avec Hizia à Benguitoune pour qu’ils se trouvent détaillés dans un poème. Cela ne peut pas se produire. J’ai commencé alors à faire des recherches sur Saïd. Et j’ai découvert qu’il était un agent municipal à Biskra. Donc, il n’avait pas de rapport avec l’univers tribal et bédouin où vivait Hizia. Après relecture du poème, j’ai constaté que le véritable amoureux était Benguitoune, pas Saïd. Seul un homme amoureux pouvait écrire de cette manière. Saïd n’était qu’un masque utilisé par le poète pour évoquer librement l’amour », a relevé Waciny Laredj.


Une technique de dissimulation utilisée, selon lui, par  l’espagnol Miguel de Cervantes pour l’écriture du roman « Don Quichotte » (publié vers 1605).


« Dans les recherches, j’ai rencontré des femmes âgées, l’une d’elle m’a ouvert les yeux sur un fait : Hizia n’était pas morte de maladie. Benguitoune dans son poème évoque la mort mais sans en préciser la cause alors que son texte est gorgé de détails. Selon cette femme, Hizia aurait été empoisonnée par sa mère et sa tante après la découverte de sa relation amoureuse. Hizia était enceinte. Ce n’était donc pas une mort normale, mais tribale. Une autre version soutient que Hizia aurait été empoisonnée par des femmes de la tribu rivale des Benguenna », a soutenu Waciny Laredj.


Hizia Bouakaz Bent Ahmed Belbey, de la tribu des Dhouaouda, serait décédée dans la région de Oued Telle, au sud de Sidi Khaled, dans le sud-est algérien, dans ces circonstances qui restent encore inconnues.


« L’un des objectifs de l’écriture est de briser ce qui est convenu »

Waciny Laredj souligne que le romancier n’écrit pas pour « un public bien déterminé ». « On écrit, point barre. L’un des objectifs de l’écriture est de briser ce qui est convenu. J’ai passé quatre ans de recherches pour arriver à ses premières conclusions qui m’obligent à remettre en cause ce qu’ l’on sait déjà sur Hizia. Cela ne porte pas atteinte à cette idole. Écrire sur Hizia, c’est l’humaniser. La tribu n’est pas sacrée. Si j’adhère à cette idée, je serais  dans le circuit archaïque », a-t-il dit.


Il a cité l’exemple de la tragédie de « Roméo et Juliette » de William Shakespeare, écrite d’après un conte italien. Cette histoire est traitée des centaines de fois dans le théâtre, l’opéra, le cinéma et la littérature, sous plusieurs angles.
« Je veux faire sortir l’histoire de Hizia du terroir algérien vers l’espace extérieur. J’aime bien creuser dans les légendes. Je préfère l’idée de creuser, pas celle de fouiller. Hizia est un personnage tragique, porteur d’une histoire compliquée », a confié Waciny Laredj.


Waciny Laredj a publié une série d’articles sur Hizia dans le journal arabe Al Quds al arabi, qui paraît à Londres, « pour mieux la faire connaître dans la région arabe et pour créer un débat ».
Il a estimé que les écrivains algériens pourraient s’intéresser à l’histoire d’autres femmes de légende comme la savante Lalla Maghnia.


« Ma grand mère était ma première enseignante »

« J’ai grandi dans un milieu de femmes avec la présence de ma grand-mère, ma mère, mes sœurs ,mes tantes et leurs filles. Nous vivions dans un espace proche. Dans mon enfance, il n’y avait ni télévision ni radio. Nous passions notre temps avec la grand-mère qui nous racontait des histoires. Elle avait une grande capacité à tisser, imaginer et approfondir une histoire. Ma grand-mère était ma première enseignante. J’ai hérité d’elle l’art de conter mais sans avoir sa capacité », confié Waciny Laredj
Certains algériens ont, selon lui, une attitude bicéphale dans leur relation avec les femmes. « Ils sont d’un côté des prédicateurs à la maison et des esprits ouverts dehors. Cela devient un handicap au progrès de la société », a-t-il dit.

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