Le procès en appel de l’homme d’affaires Abdelmoumen Rafik Khalifa se poursuit à la Cour de Blida avec les plaidoiries des avocats après un sévère réquisitoire du parquet. Le représentant du ministère public a requis la réclusion à vie à l’encontre de l’ex-golden boy algérien avec saisie de tous ses biens et une privation des droits civiques pendant dix ans.
Il a demandé aussi à ce que l’ancien pharmacien d’Alger, propulsé aux devants de la scène avec l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en 1999, n’exerce plus dans le secteur financier.
Dans le procès de deuxième instance, en juin 2015, Abdelmoumen Khalifa, extradé vers l’Algérie par les autorités britanniques en 2013, a été condamné à dix-huit ans de prison. Puisant dans « la nouvelle sémantique », Abdelmoumen Khalifa, qui ne cachait pas ses liens amicaux avec Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ancien président de la République, a accusé « la issaba » (la bande) de lui avoir « monté un coup, un scénario ».
Devant le tribunal, il a déclaré que les caisses de Khalifa Bank n’étaient pas vides lorsqu’il avait été écarté en février 2003. Il n’y a pas eu de banqueroute frauduleuse, selon lui. Le collectif de défense a parlé de 9500 milliards de centimes trouvés dans les caisses et mentionnés dans le rapport d’expertise de la Banque d’Algérie qui a pris les commandes d’El Khalifa Bank avant d’engager la procédure de dissolution en 2003. Abdelmoumen Khalifa a appelé la justice à ouvrir « une enquête approfondie » pour découvrir la destination de l’argent laissé dans les caisses.
Le rôle de l’administrateur pointé du doigt
Selon le patron de l’ex-Groupe Khalifa, le liquidateur n’a pas été désigné par la justice ou par la Banque d’Algérie, mais par Abdelaziz Bouteflika. « Il faut revenir au contexte de l’époque pour comprendre ce qui s’est passé », a suggéré Abdelmoumen Khalifa. Il a ouvertement accusé Mohamed Djellab, nommé administrateur de Khalifa Bank en mars 2003, d’avoir créé « une histoire » et d’avoir eu, en contrepartie, le poste de ministre des Finances en 2014.
«Ma première mission était de gérer la banque et d’essayer de la remettre sur rails, parce qu’au départ, l’intention de la mettre en liquidation n’était pas à l’ordre du jour. Si la banque n’a jamais connu une situation de cessation de paiement ou d’incident de paiement, elle connaissait, cependant, de grandes difficultés, notamment, des anomalies dans son fonctionnement », a déclaré Mohamed Djellab lors du procès de 2015.
Dans son rapport Djellab n’évoquait pas les dépôts de la banque, mais son organisation interne. D’après les avocats, l’administrateur a déclaré, un mois après sa désignation, qu’il n’y avait plus d’argent dans les caisses d’El Khalifa Bank, après avoir annoncé l’existence de 4 milliards de dinars « transférés à la Banque d’Algérie ».
Appelé à la barre, Bouguerra Soltani, ancien ministre du Travail et de la Sécurité sociale, a avoué n’avoir pas été informé par les Conseils d’administration (CA) des Caisses de sécurité sociale (CNAS, CASNOS, CNAC, CNR, FNPOS) du dépôt de fonds au niveau d’El Khalifa Bank. Plus de 64 milliards de dinars ont été déposés dans les caisses d’El Khalifa. Une grande partie de ces fonds n’ont jamais été récupérés.
Bouguerra Soltani évoque le rôle de l’UGTA
Tous les témoins et accusés auditionnés par le tribunal de Blida n’ont pas précisé pourquoi les caisses sociales ont transféré d’un seul coup leur argent vers la banque d’Abdelmoumen Khalifa. Décision politique? Bouguerra Soltani a rappelé que l’UGTA, Union générale des travailleurs algériens, siège au sein des CA des caisses sociales. Qu’en est-il de son rôle ? Interrogé en tant que témoin en 2007, Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l’UGTA et président du CA de la CNAS, a déclaré assumer la décision de placer les fonds dans El Khalifa Bank après une délibération.
« Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a approuvé la délibération », a-t-il dit avant d’annoncer avoir pris la décision avant l’installation du nouveau CA. Une fois installé le CA a été obligé d’adopter la décision. Pour rappel, Abdelmoumen Khalifa est poursuivi pour, entre autres, « faux et usage de faux en écriture bancaire », « banqueroute frauduleuse », « trafic d’influence », «association de malfaiteurs », « vol qualifié », et « escroquerie ».
Une quinzaine d’autres personnes sont poursuivis dans la même affaire comme Mourad Issir Idir, ancien directeur de la BDL (Banque de développement local) de Staouéli, Adda Foudad, ancien directeur de l’école de police de Aïn Benian, Ali Aoun, ancien PDG de Saidal et Abdelhafid Chachoua, responsable de la sécurité du groupe Khalifa. Le verdict devrait être prononcé la semaine prochaine.