« Coup de Trafalgar », « trahison », « mensonge », « un coup dans le dos »…Les français usent de toutes les expressions pour qualifier la décision de l’Australie de ne pas acheter leurs sous marins. Une perte de 56 milliards d’euros.
Paris a décidé de rappeler ses ambassadeurs en Australie et aux Etats Unis. Du jamais vu dans l’histoire des trois pays. La France est en colère après la rupture par l’Australie d’un contrat d’achat de sous marins français signé en 2016. « Le contrat du siècle », selon la presse, est de 56 milliards d’euros. Il porte sur la vente d’une douzaine de sous-marins français .
Canberra a opté pour des sous-marins américains et britanniques à propulsion nucléaire. L’Australie a été pendant longtemps un pays anti-nucléaire.
« La décision que nous avons prise de ne pas continuer avec les sous marins de classe Attack et de prendre un autre chemin n’est pas un changement d’avis, c’est un changement de besoin », a déclaré à Washington le Premier ministre australien Scott Morrison, après une audience à la Maison-Blanche.
« Rupture majeure de confiance »
« Il y a eu mensonge, duplicité, rupture majeure de confiance, mépris. Donc, cela ne va pas entre nous, cela ne va pas du tout. Cela veut qu’il y a crise. On rappelle nos ambassadeurs pour essayer de comprendre et montrer aux pays anciennement partenaires que nous avons un très fort mécontentement et qu’il y a une crise grave entre nous « , a réagi Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, dans une interview à France 2, samedi 18 septembre 2021.
Il a qualifié, dans une autre interview à Franceinfo, la décision de l’Australie de « brutale et d’imprévisible ». « La confiance est trahie », a-t-il appuyé.
« Je ne regrette pas la décision de faire passer l’intérêt national de l’Australie en premier. Je ne le regretterai jamais», a répliqué Scott Morrison.
Les sous-marins français ne répondent pas aux « intérêts stratégiques » de l’Australie
« Je pense que les Français auraient eu toutes les raisons de savoir que nous avions de profondes et graves réserves quant au fait que les capacités du sous marin de classe Attack ne répondaient pas à nos intérêts stratégiques, et nous avions clairement fait savoir que nous prendrons une décision en fonction de nos intérêts stratégiques nationaux », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Sydney, dimanche 19 septembre.
Face à ce qui est qualifié de « menace grandissante de la Chine », l’Australie réfléchissait, selon le quotidien Le Parisien, à d’autres solutions aux sous marins français. Le journal a évoqué « l’entrisme des Américains» et « le savonnage de planche en règle » de l’administration Joe Biden aux États-Unis.
Les américains sont soupçonnés d’avoir fait du « forcing » pour récupérer le contrat. La chaîne publique France 5 a diffusé un reportage évoquant « la trahison américaine » alors qu’un journaliste de BFM Business a qualifié les britanniques de « grands amis perfides ».
« Cela ressemble beaucoup à ce que faisait M.Trump ! «
« Le choix américain qui conduit à écarter un allié et un partenaire européen comme la France d’un partenariat structurant avec l’Australie, au moment où nous faisons face à des défis sans précédent dans la région Indopacifique (…) marque une absence de cohérence que la France ne peut que constater et regretter », a réagi le ministère français des Affaires étrangères.
« Ce qui me préoccupe, c’est le comportement américain. Cela ressemble beaucoup à ce que faisait M.Trump ! », a souligné le chef de la diplomatie française.
Les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne ont décidé de créer une nouvelle alliance de sécurité dans l’espace indo-pacifique, Aukus, ciblant clairement la Chine.
« Il est impératif d’assurer la paix et la stabilité à long terme dans la région indo-pacifique », a déclaré le président Jo Biden.
« Il y a, en Australie, un consensus croissant sur le fait que le pays doit faire davantage pour dissuader les actions chinoises dans la région. Or, la dissuasion exige des capacités crédibles.
Cette nouvelle alliance (Aukus) est cohérente avec ce raisonnement. Le pays a décidé de mettre ses œufs dans le panier de la sécurité américaine depuis 70 ans – et cette nouvelle coalition va dans ce sens. L’espoir est que la collaboration avec le Royaume-Uni et les États-Unis améliorera la capacité de l’Australie à se défendre », a estimé John Blaxland, professeur au Centre d’études en stratégie et défense de l’Université nationale australienne, dans une analyse publiée par The Conversation, un média en ligne basé à Melbourne.
La peur d’une perte de confiance
Pékin accuse Canberra, Washington et Londres d’irresponsabilité en utilisant « les exportations nucléaires » comme « un outil de jeu géopolitique ».
Les français craignent, de leur côté, la perte de confiance et un effet domino à grande échelle après la décision australienne d’autant plus que Naval Group, qui devait fabriquer les sous-marins en mettant 500 employés sur le projet, a des contrats en cours avec l’Inde et le Brésil, deux gros clients.
Aussi, les français insistent-ils sur l’idée que la décision australienne est « géopolitique » et non pas « technique ». Une manière d’essayer de protéger l’industrie militaire française, déjà en difficulté.
«Il va falloir communiquer et rassurer, car la France et Naval Group n’y sont pour rien », a déclaré un expert au Parisien. L’Australie doit payer des indemnités de rupture de contrat mais qui ne couvrent pas les pertes subies.
Les Suisses aussi…
Fin juin 2021, le Conseil fédéral suisse a décidé d’acheter 36 chasseurs F-35 A américains, au détriment du Rafale français et de l’Eurofighter Typhoon (fabriqué par Airbus) européen.
« Après trois ans de négociations et un lobbying intense mené notamment par la ministre des Armées Florence Parly, c’est un contrat à 4,6 milliards d’euros qui s’envole pour l’industrie française », a estimé un expert militaire.
La presse suisse a annoncé dernièrement qu’un rendez-vous entre le président Emmanuel Macron et son homologue suisse, Guy Parmelin, prévu en novembre 2021, a été annulé à cause de la colère française après la décision de Berne d’acheter des chasseurs américains.
L’Elysée a démenti l’annulation du rendez-vous et a évoqué « un décalage » pour « raisons d’agenda ».
La décision suisse risque de peser également sur les négociations que mènent actuellement le groupe d’industrie militaire français Dassault avec la Finlande pour vendre 64 Rafale. Une marché de presque 9 milliards d’euros. En 2018, la Belgique a préféré le F 35 américain au Rafale français, un contrat de 3 milliards d’euros. Ces dernières années, Dassault a vendu des Rafales à l’Egypte, au Qatar, à l’Inde, à la Grèce et à la Croatie. Le chiffre d’affaires de Dassault, à la fin juin 2021, était de 3,1 milliards d’euros.
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