Rencontré au Festival de Annaba du Film Méditerranéen où il est était venu présenter son film « La Seconda Via » (The Other Way), le réalisateur et scénariste italien Alessandro Garilli a bien voulu répondre aux questions de 24H Algérie concernant son film historique.
24H Algérie : Dans votre film La Seconda Via (The Other Way) vous rendez hommage aux soldats italiens qui ont perdu leur vie sur le front russe en 1942, mais oubliés par l’histoire italienne, comment vous ai venu l’idée de faire ce film ?
Alessandro Garilli: Avant d’écrire le film, j’ai lu de nombreux livres sur la guerre de Russie et j’ai eu la chance de me lier d’amitié avec des vétérans qui ont fait la retraite, et j’ai écouté et parlé avec plusieurs vétérans. J’étais fasciné par le long voyage qu’ils ont fait dans le désert de neige avec 40 degrés en dessous du zéro. Mais il y avait un autre élément qui avait attiré mon intention dans les témoignages des vétérans et dans leurs écrits, cet élément était la perte de la sensation du temps. Egisto Corradi dans son livre « La retraite de Russie » écrit que dans le « sac », (c’est ainsi que les vétérans qualifiait leur condition d’encerclés), le temps n’existait pas. Cristoforo Moscioni Negri dans un autre livre qui s’appelle « I lunghi fucili » disait : « désormais nous sommes hors du temps ! ». Un autre auteur Italien qui s’appelle Mario Rigoni Stern dans le livre « Le sergent dans la neige », écrit : « il y avait la guerre, la guerre la plus dure où j’étais, mais je ne vivais pas la guerre, je vivais des rêves, je vivais des souvenirs qui était plus vrais que la guerre ». Il y avait donc une dimension atemporelle, une dimension onirique dans la retraite. Lorsque un homme marche dans un espace qui est toujours le même, cet espace physique devient un espace mental et ce qui m’intéressait c’était le passage vers l’espace métaphysique. Lorsque j’ai écrit le film je voulais porter les spectateurs dans cet espace secret voire privé où les soldats se réfugiaient. D’où le titre du film (La Seconda Via) en français on peut dire « l’autre chemin » parce qu’il y avait un premier chemin dans la neige et il y avait un autre chemin, le chemin mental.
Dans votre film vous avez utilisé beaucoup de moyens, vous avez filmé la guerre et pu restituer une partie de la réalité de cet épisode historique, comment s’est passé le tournage ?
Le tournage était très difficile, nous avons commencé en hiver 2022, après un mois de tournage, la guerre en Ukraine a commencé. Ce qui a compliqué le tournage, surtout pendant l’hiver, ce que l’on voit dans le film c’est la vraie neige, les tempêtes c’est de vraies tempêtes, c’était très compliqué d’un point de vue technique. C’était difficile d’un point de vue humain aussi. Primo Levi avait dit que « nous avons obligation de nous rappeler des mauvaises choses qui se sont passés dans notre histoire parce que ces choses peuvent revenir ». Les êtres humains souffrent d’amnésie. Il y a un devoir de rappel, c’est pour ça que ce film est important, il rappelle aux italiens la retraite de Russie, c’est important de se rappeler pour ne pas retomber dans les même travers.
Ce film, on le voit, a nécessité beaucoup de moyens techniques mais aussi financiers. Combien a coûté ce film ?
(Sourire). Ce film a coûté un million et demi d’euros. Ce qui est peu pour ce type de production. Nous avons tourné tout le film en Italie. J’ai été en Russie, en Lituanie et en Finlande pour les repérages. La pandémie est venue bouleverser nos plans. Nous avons décidé donc de faire tout le film en Italie. Dans mes recherches je suis parti dans les véritables endroits où a eu lieu la retraite jusqu’au tranchées ou se cachaient les soldats. Donc je connaissais dans le détail les conditions de cette guerre, et j’ai retrouvé les même conditions naturelles dans les montagnes de la région des Abruzzes en Italie. Une région très sauvages et très prisée par les amoureux de la nature. Il faut dire que The Other Way est une production indépendante. Nous avons fait de grand efforts pour arriver à ce résultat qui j’espère enchantera le public.