Le Gouvernement espagnol a fini par admettre que l’Algérie allait certainement réviser le prix du gaz qu’elle lui livrait mais espère que cette augmentation « ne sera pas importante ». Face aux très vives critiques au sein de la classe politique espagnole qui a dénoncé le «virage » de Pedro Sanchez sur la question du Sahara Occidental nuisible notamment aux intérêts énergétiques de l’Espagne avec l’Algérie, le gouvernement menait, selon la formule d’un média espagnol, une « politique de l’autruche » déniant un tel impact.
Désormais, le gouvernement espagnol admet qu’il y aura un impact à la hausse tout en souhaitant que celle-ci ne sera pas « salée ». Le gouvernement de Pedro Sanchez a essuyé mercredi une rebuffade politique au Congrès avec l’adoption d’une résolution politique non contraignante présentée notamment par Podemos, qui participe au gouvernement défendant le référendum au Sahara Occidental dans le cadre de l’Onu.
La résolution a été adoptée par 168 voix contre 118 et 61 abstentions. Beaucoup de dirigeants politiques ont accusé le gouvernement espagnol de minimiser l’impact de son retournement contre les intérêts des Sahara, la plupart faisant notamment référence à la question du gaz qui prend, dans le contexte actuel de la guerre en Ukraine, une dimension stratégique.
Draghi à Alger, un signal
Les déclarations du PDG de Sonatrach sur le fait que les prix du gaz vont être renégociés à la hausse avec l’Espagne ont été très largement commentés et certains y ont vu la confirmation que le futur des relations algéro-espagnoles, où l’énergie pèse le plus lourd, est largement compromis. Les médias espagnols ont souligné, par contre, l’excellence des relations entre l’Algérie et l’Italie et les projets d’une alliance stratégique approfondie entre eux. La visite officielle en Algérie qu’effectuera ce lundi 11 avril, le président du Conseil des ministres italien Mario Draghi est perçue comme une confirmation du tournant énergétique résolument italien de l’Algérie.
Le gouvernement espagnol souligne que la question du gaz est une négociation commerciale entre la société espagnole Naturgy, partenaire de Sonatrach et qu’il revient à l’entreprise de veiller à ce que l’augmentation attendue ne soit pas très élevée. Le gouvernement Sanchez souligne que cette révision prochaine est plutôt le fait d’un « nouveau scénario énergétique international » que de « représailles » algériennes.
Teresa Ribera, la troisième vice- présidente du Gouvernement espagnole s’est évertuée à convaincre ses interlocuteurs de la chaine publique espagnole TVE de cette version, laquelle est en grande opposition avec celle du président de Naturgy, Francisco Reynés.
Ribera a ainsi assuré que » Sonatrach compte augmenter les prix, mais il s’agit d’une négociation en cours depuis octobre 2021″, tout en soulignant que les prix pratiqués actuellement sont bien « en dessous du prix auquel le gaz est coté sur les marchés internationaux ».
« L’Algérie qui est un pays fiable, qui respecte ses engagements. Nous sommes surs que l’approvisionnement en gaz se poursuivra de manière régulière dans les mêmes conditions avec lesquelles l’Espagne l’achète depuis longtemps ». Elle précise que l’Espagne avait une « confiance totale » dans « le respect de l’Algérie de ses engagements » envers la péninsule comme elle l’avait fait par le passé ».
Concernant l’avenir, Reynés a averti, que les prix du gaz sont toujours « sensiblement » au-dessus des niveaux de 2021 et qu’au moins dans les 10 prochains mois ils resteront au-dessus des 100 euros. « Croire que les prix du gaz vont baisser et revenir à ceux d’avant la crise ukrainienne c’est vivre en dehors du monde », a-t-il ajouté.
« Pas de cadeaux »
Outre cette question des prix, les médias espagnols soulignent que les engagements de l’Algérie sont limités dans le temps – 2030 selon certaines sources – et pourraient ne pas être renouvelés. La question des prix actuel est soumise à des négociations régulières. Mais même si Sonatrach est formellement une entreprise, soulignent des analystes espagnoles, son attitude dans la négociation dépendra largement du contexte politique.
Une lecture partagée par le Président de Naturgy qui a souligné que l’annonce de Sonatrach d’une probable révision des prix du gaz en direction de l’Espagne « était aussi politique vu le poids que représente les hydrocarbures dans le budget algérien ». Pour lui, il ne s’agit pas seulement d’une « négociation d’entreprise à entreprise ».
Formellement, la question relève bien d’une négociation entre entreprises sur les prix prévue dans les contrats liant les deux parties et l’Algérie a toujours veillé au respect de ses engagements internationaux. Alger est d’autant plus à l’aise que c’est l’Espagne, profitant d’une chute des prix des hydrocarbures sur les marchés, avait imposé en Octobre 2020, un avenant au contrat du gaz qui permettait de réviser le prix en fonction de ceux pratiqués sur les marchés mondiaux des hydrocarbures.
Bref, « Alger ne fera pas de cadeau » à l’Espagne dans la négociation sur les prix du gaz. Pour l’avenir plus lointain, l’Espagne, comme elle le fait déjà, pourrait recourir au gaz de schiste américain, mais avec des coûts beaucoup plus élevés que le gaz traditionnellement importé d’Algérie.