Le refus catégorique de l’Algérie d’accepter une liste de soixante ressortissants à expulser, soumise par la France le 14 mars dernier, a ravivé les tensions entre les deux pays, plongeant leurs relations dans une impasse. Face aux « menaces » et « ultimatums » français, l’Algérie a opposé un niet ferme à la démarche française. Le ministre français de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a annoncé dans la soirée une « riposte graduée », accentuant le fossé entre Alger et l’ancienne puissance coloniale.
Ce lundi, le Secrétaire Général du ministère algérien des Affaires étrangères, Lounès Magramane, a reçu le Chargé d’Affaires de l’ambassade de France à Alger pour lui transmettre une note verbale officielle. Dans ce document, l’Algérie a fermement réaffirmé son rejet des pressions françaises, dénonçant une approche « unilatérale » et « sélective » des accords bilatéraux. « L’Algérie n’acceptera ni intimidations ni injonctions », insiste le communiqué du ministère, soulignant que le pays agit dans le seul souci de protéger ses ressortissants conformément à son devoir consulaire.
Sur la forme, Alger reproche à Paris de vouloir contourner le canal traditionnel de gestion des dossiers d’éloignement, reliant les préfectures françaises aux consulats algériens compétents. « La France ne peut pas, à sa seule discrétion, imposer une nouvelle procédure sans concertation », martèle le ministère, invitant les autorités françaises à respecter la méthode habituelle du traitement au cas par cas.
Sur le fond, l’Algérie rappelle que les accords de 1974 et 1994 constituent le cadre consulaire de référence, et que leur application ne doit pas compromettre les droits des personnes visées par des mesures d’expulsion. En conséquence, la liste soumise par Paris a été rejetée, et la France a été priée de revenir aux canaux établis.
Du côté français, Bruno Retailleau a déploré le refus algérien, qu’il juge contraire au «droit international», et a promis des mesures de rétorsion. Parmi celles-ci, la suspension des accords de 2007 exemptant les détenteurs de passeports diplomatiques algériens de visas a été annoncée sur France Inter.
Cette crise persistante, depuis le soutien français à la solution marocaine sur le Sahara Occidental l’été dernier, a été exacerbé par l’attentat de Mulhouse du 22 février 2025, perpétré par un Algérien sous obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cet événement a relancé les appels de la droite et de l’extrême droite françaises à durcir les relations avec Alger allant jusqu’à réclamer un gel des visas et la dénonciation des accords de 1968.
Pourtant, le président français Emmanuel Macron avait tenté, début mars, de calmer le jeu en plaidant pour une « renégociation » plutôt qu’une rupture de ces accords, qu’il avait convenu de moderniser avec le Président Abdelmadjid Tebboune en 2022.
Une position qui tranche avec les déclarations belliqueuses de Retailleau, prêt à « assumer le bras de fer » et mettant sa démission en jeu, selon une interview au Parisien. Un tremplin idéal, croit savoir les observateurs de la scène politique française, à la Présidentielle de 2027.