Diego Mellado Pascua, ambassadeur de l’Union européenne (UE) à Alger, a annoncé, ce mercredi 4 décembre 2024, le début des négociations avec l’Algérie sur la révision de l’Accord d’association.
Il a expliqué, lors d’un petit déjeuner presse au siège de la Délégation de l’Union européenne (DUE) en Algérie, que la première réunion entre les experts des deux parties, qui était prévue début novembre 2024, avait été reportée en raison du remaniement ministériel en Algérie (intervenu le lundi 19 novembre 2024). « Nous avons prévu plusieurs visites, au moins trois. Nous comprenons parce que les remaniements ministériels sont fréquents en Europe. 2025 sera une année importante. Nous pouvons créer un contexte apaisé nécessaire pour pouvoir avoir des échanges sur l’ensemble de nos relations dans un cadre global avec des consultations techniques sur certaines questions. Il s’agit également de recevoir les propositions algériennes », a déclaré Diego Mellado Pascua.
Début octobre 2024, le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré, lors d’une rencontre avec la presse nationale, que l’Accord d’association entre l’Algérie et l’UE sera révisé à partir de 2025. « Cette révision nécessaire sera menée avec souplesse et dans un esprit amical sans entrer en conflit car nous entretenons des relations normales avec les Etats européens. L’accord avec l’Union européenne a été conclu à une époque où l’Algérie était bien différente de celle d’aujourd’hui. A l’époque, la contribution de l’industrie au revenu national ne dépassait pas les 3% et nous importions des produits agricoles sans en exporter. En d’autres termes, l’Algérie d’alors n’avait pas de capacités d’exportation », a soutenu le chef de l’Etat. Il a indiqué que l’Algérie a aujourd’hui de grandes capacités d’exportation. « Nous demandons une révision, car l’essence même de l’accord avec l’Union européenne repose sur le libre-échange, et nous souhaitons le faire dans un esprit amical sans entrer en conflit », a ajouté le président Tebboune.
Des échanges de 55 milliards d’euros
« Avec l’Algérie, nous voulons regarder nos relations économiques dans leur globalité. Nos échanges ont augmenté ces dernières années et sont estimés entre 50 et 55 milliards d’euros par an. Les dernières vingt années, nous étions entre 30 et 40 milliards d’euros d’échanges par an. Globalement, l’Europe a toujours été le premier partenaire commercial de l’Algérie. L’Europe, qui est le premier acquéreur du gaz algérien, est le premier investisseur en Algérie », a précisé l’ambassadeur européen.
Et d’ajouter : « En 2024, le stock d’investissement étranger en Algérie est de près de 24 milliards d’euros. Les entreprises des 27 pays membres de l’UE représentent 33 à 34 % de ce stock, beaucoup plus que n’importe quel autre pays. Nous nous voyons comme un bloc, prenons des décisions, établissons les cadres et les politiques en commun, indépendamment des relations bilatérales entre les Etats. Dans sa globalité, notre relation avec l’Algérie est positive ».
L’ambassadeur européen a rappelé que ces vingt dernières années, les excédents commerciaux étaient souvent favorables à l’Algérie. « L’Algérie vient d’adopter une politique appropriée, celle de réindustrialiser et de diversifier l’économie. Cela se fera dans un cadre positif par rapport à l’Europe. Nous avons la même volonté en Europe. Il s’agit également de se réindustrialiser. Pendant longtemps, nous avons construit notre prospérité sur des chaînes de valeurs longues. Des chaînes qui se perdaient en Asie, souvent en Chine, avec les délocalisations. Aujourd’hui, les relations économiques des pays dépendent de la géopolitique. Nos chaînes de valeurs incluaient l’usage du gaz russe proche de l’Europe avec une infrastructures développées et des prix avantageux. Tout cela a volé en éclat (à cause de la guerre en Ukraine(…) Nous devons ramener près de nous ces chaînes de valeurs. L’Algérie devrait être un partenaire dans ce sens. On doit trouver la façon de créer une meilleure intégration. C’est le type de dialogue que nous voulons », a analysé Diego Mellado Pascua.
« Un marché européen de 450 millions de consommateurs »
Selon lui, Algérie et l’Europe peuvent travailler ensemble dans la perspective de la réindustrialisation et de la diversification économique avec comme objectif l’augmentation des produits algériens exportés vers le marché européen. « La réindustrialisation sera plus efficace avec un partenariat solide. Les pays méditerranéens sont de partenaires de choix. Il est difficile de trouver une meilleure opportunité économique pour l’industrie locale avec un marché européen de 450 millions de consommateurs et qui se trouve tout près. L’UE est le premier bloc commercial de la planète. C’est le bloc le plus ouvert aussi contrairement à ce qui est dit. Essayez d’exporter vers certains autres grands pays…Il y a d’autres marchés très compliqués, imprévisibles. L’Algérie devrait avoir plus de présence économique en Europe compte tenu de son potentiel énorme », a-t-il dit.
Il a confié avoir discuté avec le conseiller commercial de la DUE pour aider à l’entrée sur le marché européen de la pâte à tartiner El Mordjene, un produit à succès. « Il y a eu des déficiences par rapport au respect des normes phytosanitaires européennes. Les normes européennes sont strictes afin de protéger les consommateurs. L’entrée de vos produits dans ce type de marché en fera des best Sellers mondiaux. Le problème d’El Mordjene est lié à la traçabilité du lait. Le système en Algérie n’est pas encore conforme aux normes européennes. L’usine n’a pas cette capacité de tracer le lait utilisé dans le produit. Les fabricants ont compris les exigences au niveau européen et vont essayer de s’y adapter. Nous espérons que ce produit arrivera bientôt en Europe sans aucune barrière », a-t-il détaillé.
Il a rappelé que l’Europe importe des produits agricoles de pays voisins et du reste du monde. « J’étais ambassadeur de l’Union européenne à Lima. Le Pérou exporte plus de produits agricoles vers l’Europe que l’Algérie alors qu’il est situé à plus de 10.000 km du continent », a-t-il noté.
Interrogé sur les demandes européennes par rapport à la révision de l’Accord d’association avec l’Algérie, Diego Mellado Pascua a indiqué qu’il s’agit de voir la relation dans sa globalité. « Nous n’avons pas étudié l’accord point par point. Un accord entré en vigueur en 2005. La démarche de réforme vient du côté algérien. Nous disons : regardons le nouveau contexte. C’est la géopolitique de 2025. De l’autre côté de l’Atlantique, il y aura de grands changements aussi. Tout cela va affecter nos rapports. Il s’agit de se positionner par rapport aux autres grandes puissances et trouver l’équilibre entre la relation Algérie-Europe et Europe-ensemble de la région », a-t-il dit.