Josep Borrell, Haut représentant de l’Union européenne (UE) pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, a été reçu, ce lundi 13 mars, par le président Abdelmadjid Tebboune, au palais d’El Mouradia, à Alger.
Il a eu une audience avec le Premier ministre Aimen Benabderrahmane, dimanche 12 mars. La mission de Josep Borrell parait difficile à Alger. « Cette visite sera l’occasion de discussions approfondies pour consolider et élargir le partenariat entre l’Union européenne et l’Algérie. Le haut représentant explorera des domaines d’intérêt mutuel couverts par l’Accord d’association UE-Algérie, dans le but de relancer ou renforcer davantage le dialogue et la coopération.
Les rencontres permettront également d’échanger autour de questions régionales et internationales, y compris notamment la situation au Sahel et les défis communs dans le contexte mondial actuel suite à l’agression russe contre l’Ukraine », écrit le service de presse de l’Union européenne.
Josep Borrell tente de trouver une issue à la crise diplomatique entre l’Algérie et l’Espagne et qui dure depuis presque une année en raison du changement de position de Madrid par rapport au dossier du Sahara Occidental. Cette crise bloque la réunion du Conseil d’association pour évaluer l’application de l’Accord d’association signé entre l’Algérie et l’Union européenne. Le 12ème Conseil d’association Algérie-UE s’est tenu en juin 2020.
« Je suis convaincu qu’une solution est possible… »
« Personne ne gagnera dans cette situation. Il est dans notre intérêt, ainsi que dans celui de l’Algérie, de trouver une solution au plus vite. L’Union européenne souhaite restaurer le dynamisme positif que nous avons su créer ensemble dans notre partenariat, qui s’est concrétisé par le renforcement de la coopération en période de crise du Covid-19. Je suis convaincu que nous trouverons une solution satisfaisante à ce problème », a estimé Josep Borrell dans un entretien accordé à El Khabar.
L’Algérie a rappelé son ambassadeur à Madrid, suspendu le Traité d’amitié et de bon voisinage avec l’Espagne et limité les échanges commerciaux avec le pays ibérique.
« Nous regrettons les sérieuses entraves que l’Algérie a imposées depuis juin 2022 aux échanges avec l’Espagne, à l’exception du gaz. Cette obstruction est très préjudiciable à la mise en œuvre de l’accord de partenariat et ne sert les intérêts de personne. Je suis convaincu qu’une solution est possible et nous devons travailler ensemble pour la trouver rapidement dans notre intérêt mutuel à surmonter les obstacles existants et lever tout entrave à nos échanges », a souligné le responsable européen.
En juin 2022, l’Union européenne a critiqué la décision d’Alger de réduire les échanges commerciaux et les transferts financiers avec l’Espagne. « Nous évaluons les implications des actions algériennes d’arrêter les transactions entre les deux pays, qui semblent être en violation de l’accord d’association UE-Algérie, en particulier dans le domaine du commerce et de l’investissement. Nous sommes prêts à s’opposer à tout type de mesures coercitives appliquées à l’encontre d’un État membre», a menacé Bruxelles dans un communiqué.
Alger accuse Madrid de bloquer la réunion du Conseil d’association
Une déclaration qualifiée de précipitée par l’Algérie, à travers son ambassade dans la capitale belge. « La Commission européenne a réagi, sans consultation préalable, ni vérification aucune auprès du gouvernement algérien. Il est regrettable que la Commission ne se soit pas assurée que la suspension d’un traité politique bilatéral avec un partenaire européen, en l’occurrence l’Espagne, n’affecte ni directement ni indirectement ses engagements contenus dans l’accord d’association Algérie-Union européenne », a souligné la représentation diplomatique algérienne.
Alger accuse Madrid d’obstruer l’adoption des priorités du partenariat, « négociées et finalisées depuis de nombreux mois », dans le cadre de la politique européenne de voisinage et de bloquer la convocation du Conseil d’association, « organe politique statutaire chargé d’évoquer toutes les questions, tant politiques, économiques que commerciales ». Madrid aurait eu recours à la règle du consensus.
A Alger, Josep Borrell n’a pas expliqué comment il comptait « trouver « un solution à une crise inscrite dans la durée.
« Ce qu’il faut rediscuter est la mise en œuvre de cet accord d’association », selon Borrell
Interrogé sur la demande de l’Algérie de renégocier l’Accord d’association avec l’UE, signé à Valence (Espagne) en avril 2002, et entré en vigueur le 1er septembre 2005, le Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères a presque botté en touche.
« L’accord d’association entre l’UE et l’Algérie est la pierre angulaire d’un partenariat que l’UE veut solide et stratégique, avec un voisin qui nous tient à cœur. Nous estimons que cet accord contient les éléments nécessaires, qu’ils soient juridiques ou institutionnels, pour atteindre nos objectifs communs dans le respect des intérêts des deux parties. Ce qu’il faut rediscuter est la mise en œuvre de cet accord. Comment exploiter tout son potentiel ? Nous devons être plus pragmatiques et efficaces dans tous les domaines. En 2015-2016 nous avons mené un travail important dans ce sens conjointement par l’UE et l’Algérie, et les recommandations issues de ces échanges sont toujours valables aujourd’hui », a-t-il expliqué dans l’entretien à El Khabar.
Et d’ajouter : « Quant au volet commercial de l’accord, les exportations de l’Union européenne vers l’Algérie ont diminué de 45 % depuis 2015 et la balance commerciale est en faveur de l’Algérie. Si l’on inclut les hydrocarbures dans les exportations, à l’instar des autorités algériennes, nous pensons qu’il y a un énorme potentiel non réalisé dans ce domaine. Pour l’exploiter, nous devons améliorer la mise en œuvre de l’accord existant. En particulier, les règles stipulées dans l’accord doivent être pleinement respectées sans discrimination. Cependant, nous sommes bien sûr prêts à écouter des propositions concrètes conformément aux règles fixées dans l’accord et sur la base de ce que nous faisons déjà avec d’autres partenaires ».
En d’autres termes, Bruxelles veut « une rediscussion » sur « l’application » de l’accord et pas « une renégociation ». D’où la possibilité d’un statut quo.
En octobre 2021, le président Abdelmadjid Tebboune a, lors d’un Conseil des ministres, donné des instructions à l’effet de revoir les dispositions de l’accord d’association « clause par clause, en fonction d’une vision souveraine et d’une approche gagnant-gagnant en tenant compte de l’intérêt du produit national en vue de créer un tissu industriel et des postes d’emploi » ».